S'agissant de l'annonce de la livraison de missiles Scalp dans le contexte du sommet de Vilnius, l'Alliance en tant que telle ne joue aucun rôle dans la livraison, la coordination et la formation des militaires ukrainiens. Les décisions sont prises à titre national. Ce point a tôt fait l'objet d'un accord entre les principaux alliés. Certains en ressentent de la frustration, mais ce point d'équilibre ne changera pas.
Nous avons annoncé cette livraison dans le contexte du sommet de Vilnius pour deux raisons.
D'abord, elle était effective au moment où les chefs d'État et de gouvernement se réunissaient. Pour autant que je le sache, son calendrier est lié à la contre-offensive ukrainienne. Cette arme, en raison de sa précision, de sa portée et de sa capacité à toucher des objectifs durcis, constitue un véritable changement de donne sur le terrain, d'autant qu'elle est plus sûre, car moins vulnérable, que des avions de chasse.
Ensuite, cette décision respecte les trois conditions que nous avons fixées depuis le début à notre soutien militaire : l'utilité ; le caractère non-escalatoire, assuré par certaines conditions d'emploi ; l'absence d'affaiblissement de notre capacité à nous défendre.
La mise en œuvre opérationnelle de ce missile a exigé du temps, car il est tiré à partir d'avions de fabrication non occidentale, ce qui a nécessité des formations. Il est susceptible de changer véritablement la donne sur le terrain, en offrant aux Ukrainiens des gains dans la contre-offensive, qui leur permettront de négocier sur leurs termes.
Nous avons annoncé sa livraison parce qu'il était en cours de déploiement, parce qu'il joue un rôle important dans la contre-offensive, parce que Zelensky participait au sommet et parce que l'objectif était de lui donner suffisamment de soutien politique dans la période décisive que nous traversons. Il n'en reste pas moins que l'Alliance, contrairement à l'UE, ne joue aucun rôle en tant que telle dans le soutien militaire à l'Ukraine.
L'évolution du Président de la République sur l'Ukraine est très bien accueillie, notamment par ceux qui sont le plus soumis à la pression russe. En tant que représentante de la France, je suis fière qu il ait dit, dans son discours de Bratislava, le 31 mai, que nous aurions gagné les écouter davantage dans notre histoire récente.
De façon générale, je fais partie des diplomates – et des fonctionnaires – qui considèrent que l'on ne parle bien que si l'on entend les autres, et que la diplomatie est un exercice de décentrage. Cela vaut notamment pour le dialogue que nous menons sur l'Ukraine avec nos autres partenaires de la communauté internationale, parfois rassemblés sous l'appellation « Sud global ». En Europe, la France exerce un leadership d'autant plus efficace qu'elle entend les attentes en matière de sécurité de ceux qui sont le plus sous pression, ce qui ne signifie pas que nous devions leur donner quitus sur certains sujets à propos desquels ils ne jouent pas le jeu de la solidarité européenne.
Le français, à l'Otan, est l'une des deux langues officielles. La délégation française, comme les autres délégations francophones, parle uniquement français. Nous refusons toute réunion et toute procédure ne donnant pas lieu à une traduction en français. Même si l'Alliance n'est pas construite autour de la francophonie, mon adjoint et moi-même avons chacun dans notre bureau une instruction dactylographiée du président de Gaulle préconisant de proscrire les termes étrangers « chaque fois qu'un vocable français peut être employé », ainsi complétée à la main : « c'est-à-dire dans tous les cas ».
Les informations relatives au déploiement d'armes tactiques en Biélorussie sont classées secret-défense. Lors du sommet de Vilnius, nous avons redouté l'annonce d'un tel déploiement, même s'il n'avait pas lieu, compte tenu de la difficulté, pour les Russes, de le contrôler, faute de faire confiance aux Biélorusses, dès lors que Loukachenko joue une partie qui n'est pas exactement celle de Poutine et que la société biélorusse est très hostile à la ligne du régime, au point que certains jugent que positionner de telles armes en Biélorussie pourrait faire naître un point de vulnérabilité pour les Russes. Même si le déploiement n'était pas confirmé, nous craignions qu'il donne lieu à une communication agressive, notamment en images. Tel n'a pas été le cas.