M. Potier, vous avez évoqué la place de l'agronomie comme solution à la problématique des pesticides. En tant qu'agronome, parfois un peu militant de la discipline, j'ai essayé de vous transmettre l'idée que derrière le raccourcissement des rotations ou la suppression du travail des sols se posaient des questions agronomiques. Dans le document que je vous ai transmis, figure une liste de solutions imaginables. Il s'agissait, d'une part, de montrer l'existence de solutions multiples, mais aussi de souligner, d'autre part, que nombre d'entre elles sont bloquées par les dynamiques sociotechniques existantes. Il faut accompagner l'agriculteur pour l'aider à concevoir son propre système économe en pesticides en combinant différentes solutions. Mais j'ai voulu montrer que ce n'est pas évident : ce n'est pas parce que les solutions existent et que l'agriculteur en a envie que cela se fera.
Ensuite, vous avez évoqué l'impact de la réduction du nombre d'agriculteurs. En effet, cela entraîne une augmentation des surfaces d'exploitation, laquelle est souvent préjudiciable à une surveillance étroite des cultures. Les statistiques montrent qu'en moyenne, les agriculteurs dont les surfaces sont les plus grandes surveillent moins leurs cultures et traitent plus.
Dans le document que je vous ai transmis, certaines cartes illustrent plus précisément les évolutions des systèmes de cultures et des cultures. Je vous ai cité quelques chiffres qui, effectivement, datent de 2010, afin de brosser les tendances décennales. Je vous précise néanmoins que la réduction de surfaces en colza observée il y a trois ans était conjoncturelle. Elle était liée au fait que le sol était tellement sec après une grande sécheresse estivale que de nombreux agriculteurs n'ont pas pu semer le colza. Sitôt que les conditions de semis ont à nouveau été favorables, la production de colza est repartie à la hausse. Il faudra donc surveiller les statistiques des années suivantes pour confirmer ou infirmer les tendances.
Les pommes de terre sont de grandes consommatrices de produits phytosanitaires, essentiellement pour lutter contre le mildiou, qui exige des doses de traitement considérables, au minimum une dizaine. Il s'agirait donc d'utiliser des variétés résistantes au mildiou. Malheureusement, les industriels ont établi leurs processus et leur clientèle en fonction d'un certain type de pommes de terre. Si on les oblige à en changer, ils iront les produire à l'étranger. Les industriels qui produisent des frites standardisées ont ainsi besoin de pommes de terre standardisées et ils cultivent les mêmes variétés dans l'ensemble du monde. Or, si les variétés résistantes au mildiou ne sont pas cultivées, elles ne seront pas sélectionnées par les sélectionneurs, lesquels sont confrontés aux besoins du marché.