Le phénomène des black blocs n'est pas nouveau, mais il s'est véritablement affirmé lors des manifestations contre la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Nous avons assisté à une émergence de ce phénomène, avec une agressivité à l'encontre des forces de sécurité et la volonté d'aller au contact desdites forces. Nous ne connaissions pas historiquement cela dans le maintien de l'ordre à la française, qui consistait à tenir à distance et à ne jamais être au contact. Nous avons observé une affirmation de ce phénomène des black blocs lors des manifestations contre la loi El Khomri en 2016.
Nous avons participé à de précédentes auditions à l'occasion des manifestations de Gilets jaunes et, plus récemment, lors des protestations contre la réforme des retraites. Dès 2016, nous avons préconisé une révision du schéma national du maintien de l'ordre et une dotation des forces de l'ordre en véhicules sonores et lumineux afin de prévenir les manifestants pacifiques qu'il convenait de s'écarter pour ne pas avoir affaire aux casseurs.
Les black blocs forment un mouvement organisé, préparé sur les réseaux sociaux et qui dépasse les frontières de la France. C'est un phénomène européen, dont le traitement ne peut relever des seules forces françaises. Il est important de le rappeler. Ce mouvement ne porte aucun slogan ni revendication. Il entend seulement mettre en péril les symboles républicains et démocratiques.
En second lieu, une question de complémentarité d'acteurs et d'actions se pose. Pour notre syndicat, elle porte surtout sur la judiciarisation des interpellations en lien avec la magistrature. Nous avons un problème de traitement judiciaire des personnes interpellées. Des fonctionnaires interviennent au milieu d'affrontements violents, procèdent à des interpellations, amènent la personne au commissariat pour y établir une fiche synthétique de présentation à destination d'un officier de police judiciaire. L'interpellateur retourne ensuite sur le théâtre des affrontements. Pour l'enquêteur, il devient difficile d'établir la responsabilité d'un ou de plusieurs auteurs de violences. Nous pensons que cette judiciarisation doit être faite sur le terrain. Quelques dispositifs émergent. Nous préconisons un dispositif de bus mobiles d'officiers de police judiciaire à même les théâtres de violence, pas au cœur des affrontements mais en retrait, avec des mises à disposition mobiles qui regroupent des officiers de police judiciaire enregistrant les plaintes en direct. L'agent présente l'interpellé. Il peut tout de suite témoigner de ce qu'il a vu, de ce qu'il s'est passé. L'officier de police judiciaire dispose de tous les éléments caractéristiques pour ensuite placer la personne en garde à vue et, le cas échéant, le présenter à un magistrat.
Je pense que c'est sur ces deux axes qu'il convient de travailler. Bien évidemment, d'autres moyens peuvent être mis à disposition dans le cadre de l'action partenariale avec les magistrats et surtout dans l'enquête judiciaire. Nous devons pouvoir travailler après les événements et ne pas nous retrouver, comme nous l'avons été, confrontés à une majorité de personnes placées en garde à vue libérées faute de charges.
Nous avons préconisé, dès 2016, la dotation, pour les forces de sécurité, de nouvelles armes non létales que sont les marqueurs, les traceurs ADN chimiques tels qu'on les connaît dans les établissements bancaires et qui recouvrent la peau d'un produit indélébile pendant près de six semaines. Dans le cadre d'une enquête judiciaire, ils permettent d'identifier des auteurs d'infractions, de les interpeller et de les mettre à disposition de la justice.
Je vous présente en quelques mots le travail partenarial que nous souhaiterions déployer sur le terrain avec les magistrats. On a toujours tendance à jeter la pierre sur la magistrature, sur la justice, et l'on sait que la justice, comme la police nationale, a de gros problèmes de moyens, même si beaucoup d'efforts ont été consentis récemment pour la police nationale. Il faut qu'il en soit de même pour la justice et que la justice ait les moyens de suivre l'action de la police. Nous estimons que ce travail partenarial avec la magistrature sur des théâtres d'affrontements pourrait constituer une solution, notamment avec ces bus dans lesquels on pourrait installer des officiers de police judiciaire.