La brigade des sapeurs-pompiers de Paris naît d'une idée originale de Napoléon Ier suite à l'incendie de l'ambassade d'Autriche de juillet 1810 au cours duquel une centaine de victimes ont perdu la vie. L'Empereur diligente une enquête concluant à quatre déficiences des garde-pompes du sieur Ledoux, patron des garde-pompes de Paris : absence de discipline, absence d'encadrement, absence d'entraînement ou de préparation opérationnelle, et absence de motivation. Napoléon Ier décide donc de militariser la fonction et de former un bataillon de sapeurs-pompiers à partir des unités accompagnant ses troupes en campagne. Le bataillon de sapeurs-pompiers de Paris est ainsi créé le 18 septembre 1811.
Depuis 212 ans, à commencer par le capitaine-ingénieur Peyre, mes prédécesseurs ont eu le souci de travailler sur ces quatre déficiences identifiées par la commission d'enquête. La brigade présente aujourd'hui six caractéristiques.
Premièrement, la brigade est bicentenaire. Elle a dû s'adapter aux évolutions de la ville de Paris en construisant de nouvelles casernes, en accord avec le préfet de police, au fur et à mesure que Paris agrège ses faubourgs et grossit. En 1967, la brigade devient ce qu'elle est aujourd'hui avec un élargissement aux trois départements de la petite couronne. Ces casernes sont construites dans les faubourgs, au plus près du risque, afin que les pompiers puissent intervenir rapidement. Le temps étant un facteur clef de succès, la construction de casernes permet de positionner des forces au plus près du risque.
Deuxièmement, la brigade est militaire, ce qui signifie un statut particulier avec discipline, neutralité politique, absence de droit de grève ou de manifester en tenue, absence de droit de retrait, des aptitudes particulières et une certaine jeunesse. L'âge moyen au sein de la brigade est de 30 ans, et de 28 ans dans les compagnies. Une certaine précarité est à noter puisque 84 % des militaires de la brigade sont sous contrat. Par ailleurs, le fait d'être militaire signifie être au service des intérêts supérieurs de la Nation. Ce point est important. Enfin, le statut militaire signifie l'existence d'une doctrine d'emploi et de règlements opérationnels – règles de sécurité, schémas tactiques d'intervention, etc.
Troisièmement, la brigade est interdépartementale. Elle compte 8 600 personnes. En fonction du risque, il est possible d'alléger la couverture opérationnelle d'un département pour la renforcer à un autre endroit puisque les professionnels sont interopérables et capitalisent des expériences diverses entre Paris et banlieue. La qualité de service rendu reste identique : il s'agit des mêmes engins, des mêmes équipages et du même délai pour intervenir.
Quatrièmement, comme voulu par l'Empereur, la brigade est intégrée à la préfecture de police. Elle dispose d'un centre d'appels commun avec cette dernière, situé dans le XVIIe arrondissement. Cette intégration se traduit par mon rôle. Je me réunis avec le préfet de police trois fois par semaine. Je connais parfaitement la direction de l'ordre public et de la circulation, la direction du renseignement de la préfecture de police, ou encore la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne. Ce travail commun se fait entre services, mais également au niveau des officiers et des opérateurs du centre opérationnel. L'intégration au sein de la préfecture de police nous a permis de procéder en 2022 à 500 000 interventions, soit près d'une intervention par minute. Habituellement, nous intervenons sur près de 12 000 feux par an. Au cours des 25 manifestations sur lesquelles nous sommes intervenus, nous avons traité près de 1 500 feux, soit un nombre tout à fait gérable. Parmi nos 500 000 interventions annuelles, nous comptons 25 000 accidents de circulation et 410 000 interventions de secours à victimes. Pour ces raisons, nous avons tout à fait été en mesure de traiter les interventions de secours à victimes durant les manifestations. Par ailleurs, au sein du centre opérationnel, nous bénéficions de l'appui des caméras du plan de vidéoprotection de Paris, nous permettant de suivre les manifestations.
Cinquièmement, la brigade compte 70 médecins aguerris, essentiellement militaires et urgentistes. Ils sont au service des sapeurs-pompiers lorsqu'ils s'engagent sur une intervention, leur permettant d'agir en confiance. Ils entretiennent un rapport très fort avec les services d'aide médicale urgente des quatre départements couverts par la brigade et l'assistance publique–hôpitaux de Paris.
Sixièmement, l'espace de manœuvre de la brigade est unique. Paris est atypique avec des enjeux locaux et beaucoup d'enjeux nationaux. Pour exemple, la terrible tempête qui a sévi à Paris le 26 décembre 1999 avait été rapportée jusque dans la presse américaine. Quant à l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il a été suivi dans le monde entier. Je ne suis pas certain que l'incendie d'une cathédrale en province aurait eu le même écho. Paris est également habitué à organiser de grands événements comme le 14 juillet ou le 31 décembre, ou encore, prochainement, la coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques. Pour ces raisons, nous sommes accoutumés à ce travail préparatoire avec la préfecture de police.
J'entre à présent dans le vif du sujet. S'agissant du sentiment des troupes, pour les manifestations déclarées, nous avons mobilisé jusqu'à 250 sapeurs-pompiers et une quarantaine d'engins spécifiques. De petits détachements étaient ainsi prépositionnés. Je suis allé visiter les équipages avant les manifestations et je peux affirmer qu'ils étaient déterminés. En fin de manifestation, il pouvait parfois exister un sentiment d'amertume à la vue des dégâts et du comportement de certains, mais le sentiment de devoir accompli prédominait.
À nouveau, les sapeurs-pompiers sont jeunes. Pour certains, il s'agissait de leurs premières interventions après leur sortie de l'école des sapeurs-pompiers de Paris.
Concernant les menaces sur la vie de tiers, bien que le risque soit réel, nous avons traité peu d'urgences absolues. Elles sont au nombre de trois : un manifestant qui s'est blessé au bras avec un mortier, un policier dont le visage a été gravement brûlé par un coquetel Molotov et une policière dont le fémur a été cassé par un projectile. Ces cas sont extrêmement graves et les gestes qui en sont à l'origine auraient pu tuer.
S'agissant des incendies, nous en constatons deux types : les feux de poubelles servant à gêner la progression des forces de l'ordre ou des pompiers et à attirer les caméras de chaînes de télévision, et les feux de poubelles en façade souvent très périlleux car pouvant se propager aux bâtiments. Dans les deux cas, il convient d'intervenir rapidement pour secourir les personnes ou pour combattre les feux qui menaceraient des bâtiments. Pour certains feux de poubelles sans menace directe, nous intervenions avec la direction de l'ordre public et de la circulation qui donnait le rythme. Pour les feux de bâtiments, nous agissions même si les alentours n'étaient pas sécurisés.