Je qualifierai les relations avec l'autorité administrative de fluides. En amont des manifestations, la préfecture de police nous fait partager ses éléments d'anticipation. Nous avons parfois eu des alertes qui ne se sont pas traduites dans les faits par des dérapages. Nous avons toujours le même type de préalerte de présence possible de black blocs.
En amont, nous sommes également en relation avec l'autorité administrative dans les demandes de réquisition préalables à la manifestation. Il me semble que c'est un moyen qu'il faut absolument utiliser car il est pertinent. Nous assurons le contrôle exigé de nous par la chambre criminelle de la Cour de cassation : si le périmètre géographique ou horaire est trop important, nous cherchons à l'aménager de façon à respecter la loi. Vu ce que nous constatons dans les faits, il serait inenvisageable que nous n'utilisions pas cet outil. J'ai le sentiment que les réquisitions, aujourd'hui, ne donnent pas, de façon majeure, lieu à des gardes à vue. Ceux qui se préparent à affronter les forces de l'ordre et à commettre des dégradations connaissent l'existence de ces réquisitions. Ils n'arrivent pas sur les lieux avec un objet dans leur poche.
Ces réquisitions ont été très critiquées, notamment au moment des Gilets jaunes, parce qu'on estimait interpeller pour port d'arme des personnes munies d'objets anodins. De quels masques peut-on considérer qu'ils établissent que la personne peut faire partie d'un groupement ? Nous interpellons des gens qui affirment être asthmatiques et avoir besoin de tel type de masque pour manifester. Il nous est arrivé, après vérification, de lever la garde à vue sans poursuite pour quelqu'un qui détenait un casque de moto et des gants coqués. Je me dis toutefois qu'il s'agit d'un moyen de prévention : si je ne consentais pas à ces réquisitions, ce serait le champ ouvert à ceux qui voudraient s'armer du fait de l'absence de contrôle.
Nos relations avec l'autorité administrative existent pendant les manifestations si la préfecture de police s'aperçoit que la situation se dégrade et qu'il faut nous alerter pour mettre en place une organisation particulière. Après la manifestation, un bilan des dysfonctionnements est dressé. Durant la période, nous avons eu de nombreux échanges concernant les fiches de mise à disposition qui, pour partie, étaient vierges ou très imparfaitement remplies. Je réunis mensuellement autour de moi l'ensemble des services de la plaque parisienne et le sujet a évidemment été mis à l'ordre du jour afin de rappeler la nécessité d'employer ces fiches de mise à disposition de façon conforme. En effet, dans ces procédures, elles se substituent au procès-verbal d'interpellation. Il s'agit donc de l'acte inaugural de la procédure pénale.
L'interdiction de manifester doit être utilisée, mais encore une fois en considération de la personnalité de l'auteur et de la gravité des faits. Évidemment, je n'ai pas donné d'instruction pour les requérir systématiquement. Lorsque les faits sont graves, lorsque le mis en cause a eu des précédents laissant supposer qu'il était déjà sur une manifestation au cours de laquelle il avait provoqué un désordre, ces réquisitions seront formulées. Je n'ai pas le sentiment que nous en faisons usage dans le cadre des contrôles judiciaires. Je ne dispose pas du chiffre des interdictions effectivement prononcées et j'ignore si je serai capable de vous le communiquer. En effet, nous ne disposons pas de tableau nominatif. Dans un avenir proche, je pourrais demander à mes collègues, lorsque les dossiers passeront à l'audience, de noter si elles ont été prononcées. À l'heure actuelle, trop peu de dossiers ont été menés à leur terme. Beaucoup de dossiers orientés en comparution immédiate ou en convocation ont été reportés et ne sont actuellement pas jugés.