Je vais vous présenter la première division du parquet de Paris, en charge de l'action publique générale, c'est-à-dire les procédures qui ne relèvent pas d'un contentieux spécialisé. De fait, elle traite les dégradations, les outrages, les questions de port d'arme et les faits de violence autres que ceux reprochés aux personnes dépositaires de l'autorité publique. Cette première division se compose de trois sections distinctes.
La section P20 est en charge des enquêtes préliminaires et du suivi des dossiers en cours auprès d'un juge d'instruction. Certaines de ces procédures concernent des faits dont ont été victimes des fonctionnaires de police ou des militaires de gendarmerie pendant les manifestations.
La section P4 est en charge des mineurs. Elle a été relativement peu impactée par les manifestations puisque, sur les 1 455 gardes à vue en lien avec les manifestations entre le 16 mars et le 3 mai dernier, seules 31 concernaient des mineurs domiciliés à Paris.
Enfin, la section P12 est en charge des procédures de flagrant délit de personnes majeures. Elle a été largement impactée par l'augmentation et la volatilité importante du nombre de gardes à vue, de sorte que son fonctionnement a dû être adapté pour permettre le traitement des dossiers. Elle est composée de 14 magistrats qui répartissent leur temps entre les audiences de comparution immédiate et les permanences de jour, de nuit et de fin de semaine. Pour absorber l'afflux des mesures de garde à vue, il a fallu adapter la capacité de traitement de la section, prendre en compte le nombre important d'appels en veillant à ne pas dégrader la qualité de la réponse et à individualiser les décisions.
Une journée ordinaire de la section P12 s'organise de cette manière : un magistrat de permanence criminelle se verra attribuer les affaires graves et complexes. À proximité, plusieurs magistrats, trois le matin et quatre l'après-midi, sont au téléphone pour orienter les procédures en lien avec les officiers de police judiciaire. En parallèle, d'autres magistrats reçoivent les personnes déferrées, analysent les procédures et préparent l'audience de comparution immédiate de l'après-midi. Tout ce travail est effectué sous l'autorité d'une première vice-procureure. Les magistrats ne sont pas isolés. Lorsqu'ils ont un doute ou rencontrent une difficulté, ils consultent leurs collègues et ils peuvent en référer à la première vice-procureure.
La permanence a été réorganisée pour faire face à l'afflux, dès le 16 mars dernier, aux dates précédemment évoquées, mais pas toujours aux mêmes heures. Les magistrats en récupération ont été rappelés. D'autres sections du parquet ont dégagé des volontaires dans la phase de qualification de la procédure. Le but a été de recentrer les équipes de la section P12 vers leur cœur de métier – l'activité téléphonique – de manière à les décharger des tâches de déferrement, communes à tous les magistrats et qui ont été attribuées aux volontaires.
Autre difficulté : le centre d'appels de la permanence permet l'ouverture de six lignes au maximum, dont l'une nécessairement dévolue à la permanence criminelle. Or, nous avons eu jusqu'à huit magistrats de permanence. En conséquence, certains collègues ont utilisé leur téléphone portable personnel pour traiter le plus rapidement possible des gardes à vue, le temps de celles-ci étant compté.
Lors de la journée du 16 mars, les nombreuses mesures de garde à vue n'ont pas donné lieu à un ralentissement de l'activité pénale et les urgences habituelles étaient au rendez-vous. La moyenne sur un mois est d'environ 206 appels quotidiens. L'application recensait 248 appels le 17 mars, 269 appels le 20 mars et 297 appels le 2 mai, sans compter les communications passées sur les téléphones portables. L'activité a été importante.
L'objectif de ces échanges n'est pas de délivrer des réponses stéréotypées. Nous dialoguons avec l'officier de police judiciaire. Nous étudions les dossiers d'interpellation. Nous vérifions un certain nombre d'éléments : que la personne a pu faire valoir ses droits, l'heure de placement en garde à vue, que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis, s'il faut prévoir d'autres investigations pour vérifier et éventuellement écarter la responsabilité de la personne. Parallèlement, il faut se pencher sur la personnalité de l'individu interpellé, son cursus, ses antécédents judiciaires, sa situation sociale, ses garanties de représentation.