Intervention de Sébastien Boueilh

Réunion du jeudi 20 juillet 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Sébastien Boueilh, directeur de l'association Colosse aux pieds d'argile :

Le mouvement sportif a pris un virage en 2018, grâce à la ministre Roxana Maracineanu. Elle a ainsi repris l'idée d'un contrôle d'honorabilité des bénévoles, dont nous lui avions parlé, qui a d'abord été expérimenté en Val de Loire. Désormais, trois millions de bénévoles doivent être filtrés.

Fin 2018, l'enquête du média Disclose a révélé des dysfonctionnements dans les fédérations qui enterraient les affaires « pour ne pas salir » leur image. Une prise de conscience a vu le jour par la suite et des actions ont été mises en place. Beaucoup reste à faire, mais nous partions de loin. On peut souligner le continuum de l'action du gouvernement puisqu'au-delà du contrôle d'honorabilité, ont été mis en place les éléments suivants :

- un plan de lutte nationale ;

- une cellule de signalement au sein du ministère des sports ;

- une déléguée ministérielle en charge des violences sexuelles, :

- l'obligation pour les fédérations de se doter d'un référent aux violences sexuelles.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des victimes qui veulent intervenir au sein de notre association, mais sont encore en colère et n'ont pas tout réglé. Elles sont dans une démarche de « chasse à la sorcière », dans un combat souvent genré. Cela ne nous convient pas : nous menons un combat qui dérange, mais qui ne devrait pas être genré. Je suis en quelque sorte un porte-parole des victimes masculines : malheureusement, dans le modèle patriarcal d'éducation que nous recevons, un homme disparaît du champ des victimes quand il devient majeur. Pourtant, le soir même de la diffusion sur TF1 du téléfilm qui retrace mon histoire, plus de 500 hommes nous ont sollicités. Le numéro 119 a aussi connu une hausse de 20 % de ses appels.

Il convient donc d'être vigilants. Les fédérations mettent en place des postes de référents aux violences sexuelles, mais les postulants sont souvent des victimes qui n'ont pas encore tout réglé. Les fédérations prennent malgré tout conscience des problèmes. Nous avons par exemple signé une convention avec la Ligue de football professionnel : nous formerons et sensibiliserons tous les joueurs et les top managers de Ligue 1 et de Ligue 2 aux violences sexuelles, mais aussi au sexisme. Fait exceptionnel, nous interviendrons également auprès des kops de supporters.

De nombreux signalements émanent de la fédération de handball, non pas parce qu'il y aurait plus d'affaires que dans d'autres sports, mais parce qu'elle communique plus que les autres. Cet engagement doit être salué.

La coordination avec l'administration et la justice en matière d'enquêtes est importante. Certaines fédérations ont également modifié leurs statuts pour pouvoir se porter partie civile, en soutien des victimes. Nous le faisons également, de notre côté.

Des points d'amélioration demeurent, naturellement. Certaines disciplines permettent la mixité jusqu'à 14 ans. Nous aimerions abaisser ce seuil à dix ans, pour protéger les jeunes filles. Nous aimerions également que les photographes soient accrédités lors des compétitions. Aujourd'hui, des photographes rôdent autour des gymnases, des stades et des piscines, pour prendre en photo des mineurs. Nous proposons également le filtrage des bénévoles lors des grands évènements. Le filtrage des mineurs à partir de 13 ans constitue également un chantier important, à partir du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (FIJAIS). Un des derniers points d'amélioration concerne le filtrage des familles d'accueil.

Des opérations « coups de poing » ont eu lieu, mais certaines fédérations reviennent à une autogestion des affaires dès que le bruit médiatique diminue. Lors de notre entretien avec M. Simon, il nous a indiqué que sa fédération souhaitait avoir accès à tous les signalements « afin de protéger l'institution » . De notre côté, nous effectuons des signalements auprès du procureur de la République, qui peut éventuellement nous autoriser à partager ce signalement avec la fédération. Certaines fédérations voudraient avoir accès à l'intégralité de nos signalements. Nous nous y opposons naturellement, pour des raisons évidentes de confidentialité.

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