Je vais vous présenter l'organisation du sport en France, sous le prisme de la relation qu'entretient l'État avec les fédérations sportives, en me concentrant notamment sur les fédérations délégataires. Le code du sport prévoit que le développement des activités physiques et sportives incombe à l'État et au mouvement sportif, avec le concours de l'ensemble des acteurs, puisqu'il s'agit d'un champ de compétences partagé avec les collectivités locales et les acteurs économiques.
L'organisation du sport en France repose encore beaucoup aujourd'hui sur le modèle associatif. Les fédérations sportives sont avant tout des associations et relèvent donc du principe de libre association, à valeur constitutionnelle. La question de la relation de l'État avec des fédérations s'inscrit dans ce contexte. Le sujet de l'autonomie des fédérations nous est souvent rappelé, notamment sur le plan international. Cependant, le cadre législatif et réglementaire crée une relation singulière avec ces associations particulières, par la procédure de l'agrément et de la délégation.
Le monde de la gouvernance du sport a été marqué par des évolutions législatives assez sensibles ces dernières années. Ainsi, la loi du 1er mars 2017 visait à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a, quant à elle, introduit le contrat d'engagement républicain, mais aussi le contrat de délégation, ce dernier étant une première dans l'édifice juridique applicable au monde du sport. Enfin, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a introduit des dispositions qui sont en cours de mise en œuvre aujourd'hui, puisque les fédérations sont tenues de mettre à jour leurs statuts au regard de ces dispositions.
Les fédérations sportives peuvent être agréées par l'État, même si toutes ne le sont pas, lorsqu'elles remplissent un certain nombre de conditions :
- le caractère démocratique de leur élection ;
- la transparence de leur gestion ;
- l'égal accès des hommes et des femmes aux instances dirigeantes.
À ce titre, leurs statuts doivent comporter des dispositions qui renvoient à leur pouvoir réglementaire, notamment à l'aune de leur règlement disciplinaire. Elles doivent également s'engager dans le contrat d'engagement républicain, justifier d'une existence d'au moins trois ans et montrer qu'elles sont en mesure de participer à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. Il y a là une exigence de rayonnement national et elles doivent aussi montrer qu'elles présentent des garanties en matière de sécurité des pratiquants, et en particulier des mineurs. La loi du 2 mars 2022 précise que la délivrance ou le renouvellement de l'agrément renvoie à la capacité des fédérations à participer à la mise en œuvre des politiques publiques du sport, qui est appréciée discrétionnairement par le ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Le cadre législatif et réglementaire a renforcé les exigences attendues de la part des fédérations sportives. Les travaux préparatoires de la loi du 24 août 2021 indiquent bien que la tutelle de l'État sur les fédérations sportives a été remplacée par un contrôle renforcé de l'État et des obligations qui pèsent sur les fédérations sportives. Le dispositif d'agrément n'est donc plus délivré ad vitam aeternam, mais pour une durée maximale de huit ans. Tout agrément accordé à une fédération sportive avant la publication de la même loi cesse de produire ses effets le 31 décembre 2024. Ainsi, toutes les fédérations vont devoir solliciter un nouvel agrément à l'aune des dispositions que je viens d'exposer.
Aujourd'hui, l'organisation prévoit que l'affiliation d'un club à une fédération sportive vaut agrément. De facto, cela fait peser sur la fédération une responsabilité quant aux exigences en matière d'agrément. Cependant, le préfet conserve la compétence pour retirer cet agrément si les conditions requises ne sont plus remplies. Historiquement, trois situations ont justifié le retrait de l'agrément à une fédération sportive par l'État. En 1998, la ministre a retiré son agrément à la fédération d'haltérophilie en raison de dysfonctionnements liés à une mauvaise application de ses propres statuts, du manquement au fonctionnement démocratique et d'une situation financière très dégradée. Dans le contrôle opéré par l'État sur les fédérations, il s'assure en effet que la fédération respecte les propres règlements dont elle s'est dotée.
En 2005, la fédération d'équitation s'est vue retirer son agrément en raison de la non-conformité de ses statuts et de son règlement en matière de lutte contre le dopage. En 2014, l'agrément de la fédération française de full-contact a été retiré en raison de la méconnaissance de règles de sécurité lors des manifestations publiques. Le ministre a ainsi considéré que les faits reprochés nuisaient à l'intérêt général qui s'attache au développement et à la promotion des activités pugilistiques dans le respect de la sécurité des pratiquants.
Les évolutions statutaires requises en application de la loi du 2 mars 2022 concernent différents éléments. Les dispositions doivent désormais être inscrites dans les statuts des fédérations s'agissant des indemnités du président, des obligations de parité dans les instances dirigeantes, du renforcement du vote direct des clubs aux élections fédérales. En effet, certains reprochaient au mouvement sportif de privilégier le scrutin indirect, donnant insuffisamment la parole aux clubs « de base ». Il convient également de mentionner la limitation à trois du nombre de mandats des présidents des fédérations et une représentation plus affirmée des organismes affiliés ou agréés.
Selon les statuts des fédérations, les clubs peuvent être affiliés ou agréés, mais également des organismes sous statut commercial participant au développement des pratiques sportives. Il s'agit par exemple des centres équestres au sein de la fédération d'équitation. Parmi les dispositions introduites dans les statuts figure également une représentation désormais systématique des sportifs de haut niveau, des entraîneurs et des arbitres. Enfin, des éléments relèvent de la transparence et de l'éthique, avec l'extension aux vice-présidents, trésoriers et secrétaires généraux des fédérations des obligations de déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et un renforcement du rôle du comité d'éthique des fédérations sportives s'agissant des personnes soumises aux obligations de déclaration.
Il s'agit ainsi de s'assurer que toutes les fédérations sportives intègrent dans leur statut ces modifications législatives. La direction des sports effectue un travail d'accompagnement des fédérations sportives, mais elle ne peut pas être prescriptive quant à la déclinaison des principes posés dans la loi. Aujourd'hui, plus de la moitié des fédérations ont fait valider leurs statuts par les instances dirigeantes ou sont en contact avec nous. L'objectif consiste à faire en sorte qu'à la fin 2024, toutes les fédérations aient modifié leurs statuts. En effet, les élections post Jeux olympiques se dérouleront selon les nouvelles modalités.
Le deuxième acte juridique important concerne la délégation. Toutes les fédérations agréées ne sont pas délégataires mais toutes les fédérations délégataires sont agréées. La délégation est l'acte par lequel l'État confie à des fédérations l'organisation des compétitions sportives et des sélections menant à des compétitions conduisant à la délivrance des titres nationaux et internationaux. C'est aussi une compétence des fédérations sportives en matière de définition des règles techniques liées à chacune des disciplines déléguées : une même fédération peut être délégataire pour plusieurs disciplines. Il arrive en effet qu'une même discipline soit revendiquée par plusieurs fédérations.
La délégation est délivrée pour quatre ans et remise en question à la même échéance, par arrêté du ministre chargé des sports. Cette délégation est désormais soumise à la signature d'un contrat de délégation entre l'État et la fédération. Les critères historiques de la délégation sont les suivantes :
- la capacité de la fédération de nous présenter sa stratégie nationale de mise en œuvre du contrat d'engagement républicain, à la fois dans la relation avec les organes déconcentrés (comités régionaux, départementaux, ligues, clubs) mais aussi avec les ligues professionnelles ;
- la production du calendrier officiel des compétitions ;
- les modalités d'organisation de la surveillance médicale des pratiquants, a fortiori pour les sportifs de haut niveau.
Le nouveau cadre législatif posé par la loi du 24 août 2021 et le décret du 24 février 2022 établit des engagements nouveaux pour les fédérations dans le cadre du contrat de délégation. Alors que le champ de la délégation renvoyait strictement au sujet sportif, les obligations de la fédération délégataire sont élargies sur les plans de l'éthique, de la vie démocratique et de la protection de l'intégrité des pratiquants, dans un cadre contractuel.
Ce contrat est ensuite validé par arrêté ministériel. Il engage les fédérations à déployer des stratégies sur cinq items :
- la protection de l'intégrité physique et morale des pratiquants et en particulier des mineurs ;
- la préservation de l'éthique et de l'intégrité des compétitions sportives ;
- les concertations engagées avec les acteurs représentatifs, dont les sportifs et les entraîneurs ;
- le développement durable ;
- la bonne gouvernance de la fédération.