La lutte contre les violences faites aux enfants est un combat que je ne peux que prendre à bras-le-corps, tant il m'a « fouettée » lorsque j'ai pris mes fonctions. Je pensais avoir vu beaucoup de choses, notamment en tant que magistrate, mais les chiffres donnés par la Ciivise, Santé publique France (SPF) et la Haute autorité de santé (HAS) révèlent la réalité de la violence. Vous avez évoqué ce petit garçon qui est décédé par accident alors qu'il aurait dû être placé ; je dois vous dire que quatre enfants ont été tués par leurs parents au cours de ces trois derniers jours, dans le cadre de séparations parentales, dans une indifférence assez générale. La question des violences faites aux enfants est donc, pour moi, un combat absolu.
La situation est telle et la masse de dossiers si importante que je me suis demandé si je ne devais pas transférer le dossier à mon collègue de la santé, pour « changer les neurones » des adultes. Les enfants en situation de handicap sont particulièrement vulnérables à ces violences physiques, sexuelles ou psychologiques et ils font partie des publics à repérer et à protéger en priorité.
Plusieurs chantiers doivent être menés de concert. D'abord, il y a l'interpellation, la sensibilisation, le « coup de poing dans l'estomac ». Lors du conseil des ministres du 7 juin, un grand silence s'est installé après que j'aie interpellé mes collègues – je n'étais pas mécontente de mon effet. Il faut parler, dire et redire.
Nous allons faire une campagne assez « trash » sur l'inceste, à la rentrée. J'ai demandé des moyens – je compte d'ailleurs sur vous par la suite – pour mettre en place une campagne d'information du type sécurité routière, régulière, récurrente, sur toutes les formes de violences, sur tous les types de publics, en étant très vigilants à ne pas genrer ces violences et à montrer qu'elles sont présentes dans nos comportements d'adultes.
Nous avons déjà mené beaucoup d'actions, dans le monde du sport, par exemple, avec Amélie Oudéa-Castera, la ministre des sports, avec laquelle nous travaillons main dans la main. Nous étions encore devant les magistrats de la Cour d'appel de Paris il y a quelques semaines. Tous les ministres se sentent impliqués, car nous avons tous pris conscience de l'importance de cette question.
Avec Agnès Firmin-Le Bodo, la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, nous avons commencé à diffuser le kit d'information de la Ciivise aux services de santé. Les magistrats et l'ensemble des fonctionnaires du ministère de la justice le reçoivent également en ce moment même. L'excellent guide de la Ciivise et l'excellent film qui l'accompagne sont, en effet, des leviers qu'il nous faut utiliser. Les personnels de santé ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre ces violences, notamment parce qu'ils repèrent des signes très importants. Un dentiste peut ainsi déceler la soumission d'un enfant s'il s'allonge brutalement sur le fauteuil. Côté médecin, nous avons toujours la problématique du secret professionnel qu'il nous faut approfondir ; nous aurons probablement besoin d'un texte pour la faire évoluer, mais nous avançons.
Dans le secteur de l'animation, Sarah El Haïri, la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel, s'est également saisie de ce sujet dans le cadre de son comité de filière. Le ministre de la justice a fait une circulaire dédiée aux parquets ; Gérald Darmanin, le ministre de l'intérieur, a mis en place un office destiné à coordonner l'action des gendarmes et des policiers, tandis que nous continuons de développer les Uaped et à travailler sur le criblage, pour repérer les personnes qui ont déjà été condamnées.
Ce plan 2023-2027 est essentiel, mais nous ne pourrons pas réussir sans les parents. Il s'agit d'une de mes actions prioritaires, comme le travail avec les publics de l'Outre-mer, de l'ASE et les personnes en situation de handicap.
S'agissant de la pauvreté, nous finalisons une stratégie qui prendra le relais de ce qui a été fait au cours du précédent quinquennat. Cette stratégie est polymorphe et combine les enjeux de logement et d'aide sociale. Nous travaillons beaucoup sur la question des allocations et de la protection, qui ne concerne pas tout le monde, comme nous le souhaiterions. Pourtant, beaucoup de choses ont été faites ; l'accueil d'urgence se situe ainsi à un niveau jamais atteint au cours des précédents quinquennats. La sortie de ces places d'accueil d'urgence est également une problématique en soi, de même que la sortie des foyers pour jeunes mamans et enfants et l'accession à des logements propres et sûrs. La crise sanitaire et la mise à l'abri de beaucoup de personnes ont, en outre, ralenti la construction des logements sociaux. Nous avons beaucoup à faire, mais sommes très engagés, avec le ministre délégué chargé de la ville.
Au registre des petits succès, nous sommes parvenus, l'année dernière, à rescolariser plus de 3 000 enfants qui vivaient dans des bidonvilles. Nous menons une action très transversale, associant politique de la ville, éducation nationale, santé et, bien sûr, protection de l'enfance. Les chiffres de la pauvreté restent évidemment inacceptables ; c'est un combat que nous menons spécifiquement dans la stratégie contre la pauvreté, qui doit être présentée dans les prochains jours.
Beaucoup a été fait pour les familles monoparentales : l'intermédiation financière des pensions alimentaires, qui a permis de stabiliser un certain nombre de familles, l'augmentation de certaines allocations et la prise en compte du statut de monoparentalité. C'est évidemment toujours insuffisant, tant la séparation et la reconstruction de la famille sont des moments qui fragilisent les enfants. Les séparations se produisent une fois sur deux avant le premier anniversaire des enfants et certains peuvent connaître jusqu'à neuf parentalités, nous a dit Boris Cyrulnik. Imaginez les conséquences sur les parcours de ces enfants ! Parentalité et construction familiale sont vraiment des enjeux pour ces familles – et encore suis-je optimiste, parler de stabilisation du concept même de famille serait plus juste.
Les enjeux de parentalité nous ont sauté aux yeux lors des récents troubles – et je regarde ces familles, qui ont assisté aux émeutes de très près, avec humanité. Elles font tout ce qu'elles peuvent, certaines demandant de l'aide et n'en recevant pas, d'autres n'en demandant pas. Il ressort des observations que la prévention et l'accompagnement en milieu ouvert sont essentiels pour prévenir les placements d'enfant, qui sont de plus en plus nombreux faute d'avoir pu organiser cet accompagnement en amont. On peut discuter longuement des raisons qui expliquent cela, madame Marianne Maximi : toutes les familles ne sont pas demandeuses d'aide et, au sein même de ces familles, les deux parents ne le sont pas non plus. Le désaccord entre les parents est d'ailleurs une des causes de la judiciarisation de la protection de l'enfance – on va devant le juge pour obtenir l'accord de tout le monde, ce qui ralentit encore le processus.
Des mécanismes de prévention et d'adhésion des familles existent. J'ai saisi le CNPE pour que l'on trouve un moyen de travailler sur la protection de l'enfance avec les familles, sans toujours recourir à une décision de justice, qui s'impose brutalement. Je suis magistrate, donc je ne conteste pas l'importance de ces décisions, mais elles se prennent très en amont, et de plus en plus en aval. Les enquêtes ouvertes pour violences intrafamiliales conduisent à intervenir dans des délais très contraints, sans accompagnement. La politique des 1 000 premiers jours conduit, quant à elle, au placement de plus en plus de bébés ; c'est en partie le résultat – positif – de la formation des professionnels. La pression est très forte et, selon les situations sociales, dans les quartiers urbains ou ailleurs, on est constamment dans l'urgence ; cela n'est pas satisfaisant, en plus d'être brutal pour les familles qui subissent ces placements. L'aide sociale à l'enfance d'aujourd'hui n'a pas meilleure presse que ne l'avait l'ancienne Ddass (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) ; pour les familles, si elle entre chez elles, c'est pour leur voler leur enfant. Le travail en amont est donc compliqué et explique aussi ces placements, qui constituent, finalement, la décision la plus « lisible » – je n'aime pas cette expression – de la situation, en permettant d'observer l'enfant en dehors de son milieu familial et de comprendre ce qui se passe.
Les travailleurs sociaux et les magistrats doivent définir ensemble ce qu'est le milieu ouvert et la façon de l'améliorer. Ils doivent discuter aussi du placement, qui est désormais la principale réponse aux problématiques de famille ; cela n'est pas satisfaisant, parce qu'il s'agit nécessairement d'une rupture pour l'enfant. Je le répète, les modalités de placement doivent être subsidiaires à l'accompagnement familial. Les chiffres sont connus et le rapport du Sénat sur la protection de l'enfance de juillet 2023 est très clair : quelles que soient les lois de protection de l'enfance – de 2007, de 2016 ou de 2022 –, il y a toujours 80 % de judiciarisation et 20 % d'administratif ; 60 % de placements et 40 % de milieux ouverts. La stabilité est la règle, bien que le législateur préconise moins de placements et plus de participation des familles. Repenser la prévention et le milieu ouvert est un long travail, fortement déstabilisé par la crise sanitaire, sur lequel nous pouvons avancer tous ensemble, notamment avec l'autorité judiciaire. Une décision de justice doit être exécutée, mais quand on décide d'un placement, ne peut pas s'exonérer de s'interroger sur l'aval et sur le sens de ce placement. Et toute cette démarche doit être collective.
Concernant les moyens destinés à la protection de l'enfance, leur évaluation et la collecte des données, on part de très loin. Je viens de mettre en place le GIP France enfance protégée, qui doit être le lieu de réflexion et de travaux sur les ressources et les données. Le législateur, dans sa grande sagesse, a souhaité créer un objet administratif, riche de ses composantes ; nous en sommes toujours à fédérer les énergies de l'ensemble des personnes qui ont rejoint le GIP. Sa gouvernance, qui associe l'État, les départements et les associations, est très audacieuse. Toutes ces composantes sont engagées pour l'intérêt supérieur de l'enfant, mais leurs points de vue ne sont pas nécessairement convergents.
Au-delà du GIP, dans le cadre d'un plan « numérique » ambitieux – que vous avez certainement dû aborder dans d'autres circonstances –, le ministère de la justice s'est saisi de la question des chiffres de la justice des mineurs. Indispensables à l'évaluation de tout ce dont nous parlons présentement, ces chiffres sont au mieux schématiques, au pis inexistants. Qu'il s'agisse des mineurs non accompagnés, des décisions non exécutées ou de la qualité et de la continuité des parcours, le trou est béant côté judiciaire. Et nous avons 101 départements qui, chacun, disposent de leurs propres chiffres ! Nous avons heureusement l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) qui, de temps en temps, fait des synthèses, ainsi que quelques études réalisées par les universités ; mais cela reste très largement insuffisant.
Ces départements consacrent plus de 8 milliards d'euros à la protection de l'enfance ; depuis cinq ans, ce budget augmente de 10 % à 15 % chaque année. L'État contribue lui aussi, mais de façon peu visible – quand l'école accueille un enfant sous protection de l'ASE, par exemple. Nous travaillons actuellement à des conventions avec l'Éducation nationale et l'enseignement supérieur pour mieux accompagner les enfants protégés dans leur parcours scolaire. C'est un gage d'insertion à la sortie du dispositif de protection de l'enfance.
Un dispositif de santé accompagne parfois ces enfants : pour la santé physique, c'est l'expérimentation intitulée Santé protégée, que nous proposerons d'élargir, dans le cadre du PLFSS, à tous les enfants de la protection de l'enfance. Nous travaillons, à l'occasion des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, à la même démarche en matière de santé mentale. Ces enfants, plus que les autres, ont besoin d'un bilan et d'un accompagnement psychologiques. Tout cela, c'est de l'argent que l'État met au service de la protection de l'enfance et qui s'ajoutent aux 8 milliards d'euros que l'on cite habituellement.
La société civile aussi doit être mobilisée, car ces 300 000 enfants n'ont pas de réelle existence dans notre pays – ils intéressent M6 une fois tous les deux ans, pour un reportage racoleur. Les gamins eux-mêmes ne disent pas qu'ils sont placés, pour ne pas donner une mauvaise image d'eux, et pas davantage lorsqu'ils sont sortis d'affaire. Nous avons beaucoup investi sur le mentorat et le parrainage, qui sont essentiels à l'accompagnement de ces enfants. Je suis ravie que le Garde des sceaux se soit saisi de la question des droits de ces enfants, en donnant toute leur place à l'avocat et à l'administrateur ad hoc, mais aussi en mettant les moyens pour qu'ils aient accès à leurs droits.
De mon côté, j'ai demandé que le CNPE s'occupe de la place, essentielle, des familles, en plus d'autres sujets également cruciaux, comme le placement des nourrissons, dont l'évolution est aujourd'hui extrêmement inquiétante. Que signifient ces pouponnières remplies d'enfants, placés quelques semaines après leur naissance ? Que prévoit-on pour eux ? On retrouve là, à nouveau, l'enjeu de la parentalité et de l'accompagnement des familles.
La question de la parentalité doit faire partie de l'éducation des enfants à la vie, ces fameuses compétences psychosociales. On ne parle pas de parentalité avant qu'ils deviennent grands, à nos enfants. Grâce à la politique des 1 000 premiers jours, on en parle maintenant juste avant et juste après une naissance, mais beaucoup trop de parents le deviennent sans savoir ce que cela signifie. Cette notion doit susciter la mobilisation de tous les acteurs, y compris dans le monde du travail, car un parent équilibré est un travailleur équilibré. La parentalité est donc, à mon avis, au cœur de tous les enjeux qui nous préoccupent.
En la matière, la prévention et le milieu ouvert doivent retrouver une place prioritaire par rapport au placement. Or, dans ce champ de la protection de l'enfance qui ne connaît pas de normes d'encadrement, un décret important est en cours de travail qui, bien qu'un peu contesté par tout le monde, aboutira à l'exigence que les départements et l'État mettent tous les moyens sur l'encadrement dans le placement, en contradiction avec les moyens dont ont besoin le milieu ouvert et la prévention et alors même que nous n'avons pas de travailleurs sociaux, en dépit des importants moyens financiers que nous leur consacrons. Cet équilibre global entre prévention, milieu ouvert, placement et qualité de la prise en charge, qui a pour seule finalité le parcours le plus construit, le plus fluide et le plus stable affectivement pour l'enfant, est très compliqué à trouver dans ce cadre de parentalité complexe et de violence, réelle, qui nous oblige à intervenir en urgence.
Je me permets de vous rappeler, madame Marianne Maximi, que pour ce qui est de la mort du petit garçon que vous avez évoquée, l'enquête pénale a conclu à un accident – certes, si cet enfant n'avait pas été là, il ne serait pas tombé – et qu'aucune violence n'est à l'origine de la défenestration. C'est important de le dire, car des professionnels se sentent, dans l'exercice de leurs fonctions, terriblement et légitimement coupables. Je suis très attentive à ce que l'on emploie les mots qui conviennent et je fais partie de celles qui pensent que celui de maltraitance recouvre des réalités très différentes. Des désorganisations professionnelles, qui sont préjudiciables et qui relèvent de la responsabilité des institutions publiques, des financeurs et des employeurs, ne sont pas assimilables à des passages à l'acte inacceptables de professionnels ni à des situations, accidentelles notamment, qui dépassent la responsabilité de tout le monde. Le poids est lourd sur les épaules de ces travailleurs sociaux, mais il nous appartient aussi de contribuer à l'attractivité de leur métier en mettant en lumière ce qui va bien. C'est notamment mon objectif avec la politique de mise en valeur des bonnes pratiques et des belles histoires de la protection de l'enfance – parce qu'il en existe.
Le rôle des familles est aussi primordial dans le problème du harcèlement, qui rejoint les thèmes des violences faites aux enfants, des violences entre enfants et de l'éducation à la non-violence. Comme je l'ai dit pour l'affaire du jeune Lucas, les enfants ne naissent pas homophobes. Je ne suis pas dans l'intimité des familles dont les enfants ont été impliqués dans ces faits de harcèlement, mais la violence qui s'est exercée sur Lucas n'a peut-être pas été corrigée par ces mêmes familles. C'est pourquoi, après l'affaire de la petite Lindsay, j'ai invité les parents à rentrer chez eux et à interroger leurs enfants sur ce qu'est le numérique. Vous le savez, monsieur Erwan Balanant, 80 % des parents n'ont aucune idée de ce que leurs enfants font sur le net. Quand tous ou presque demandent « où vas-tu, qui vas-tu voir et quand rentres-tu ? » lorsqu'un enfant sort, ces questions ne sont jamais posées pour le numérique. On se dit même qu'au moins, avec leur téléphone, les enfants restent à la maison, au calme, et ne font pas de bêtise. Il faut que les parents prennent conscience que les risques sur internet ont parfois des effets décuplés par rapport à ceux de la vie réelle. Les drames survenus à Lucas et à Lindsay doivent être l'occasion pour eux de discuter avec leurs enfants, le plus tôt possible. On sait que ces maux apparaissent dès les CM1 et CM2 et qu'ils se cristallisent au collège, une période charnière pour la construction des enfants et pour les phénomènes de groupe. Ils se régularisent à peu près au lycée, avant le passage à l'âge adulte, même si des adultes ont été poursuivis dans ces affaires et que le harcèlement numérique n'est pas l'apanage de nos seuls enfants. Sur les réseaux sociaux, nous sommes nous-mêmes victimes de mots désagréables ; mais comme nous sommes adultes, nous le vivons plutôt mieux. Les adultes doivent donc, eux-mêmes, être exemplaires.
La Première ministre a réuni les ministres concernés la semaine dernière, pour accélérer et coordonner l'action de chacun en matière de harcèlement. Dans le cas de Lindsay, la question de la coordination de l'école, des acteurs du numérique, de la plateforme 3018, de la justice, des forces de police et de gendarmerie a été posée. Nous travaillons pour que l'ensemble de ces acteurs, y compris les plateformes numériques qui ont une responsabilité à prendre en la matière, puissent se concerter. Ils doivent pouvoir se demander, lorsqu'il y a un signal de harcèlement, s'il est encore possible de régler le problème par la médiation entre les deux enfants. Dans le cas contraire, les institutions doivent pouvoir réagir et protéger l'enfant harcelé, tout en prenant en compte le harceleur, étant entendu qu'un harceleur peut devenir harcelé, et réciproquement. Les études sont très claires à cet égard. Le travail avec les enfants doit être éminemment transversal.
Beaucoup d'initiatives et de travaux sont lancés, comme la généralisation du programme Phare de lutte contre le harcèlement à l'école, à la rentrée, par le ministre de l'Éducation nationale, ou encore la formation des ambassadeurs lycéens contre le harcèlement, la Journée du harcèlement le 10 novembre et l'apparition du petit bouton « harcèlement », beaucoup plus visible et facilement accessible, sur les plateformes numériques. La coordination des acteurs et les relations avec les parents restent toutefois essentielles. Selon certains chefs d'établissements scolaires, les parents de harceleurs contestent les faits lorsqu'ils sont interpellés. Il faut donc travailler ces relations.
Je remercie le Parlement de s'être saisi du sujet de la parentalité numérique. Les textes de Bruno Studer sur le contrôle parental ou celui de Laurent Marcangeli sur la majorité numérique nous permettent de nous adresser beaucoup plus clairement aux parents.
Le constat que je fais, au bout d'un an, c'est que nous sommes nombreux à parler du numérique aux parents, mais sans vraiment disposer des outils pour le faire. Il existe un site, « jeprotegemonenfant.gouv.fr », que nous retravaillons, parce que je ne le trouve ni lisible ni visible ; il y a également les ateliers de la parentalité numérique, qui sont notamment promus par la CAF et les plateformes. Nous avons labellisé les contenus, parce que c'est ce que les parents attendent ; ils veulent que ces contenus soient clairs et consensuels. Si l'on prend l'exemple des écrans, tous les acteurs ne tiennent pas le même discours : certains sont ainsi pour interdire strictement tous les écrans avant 3 ans ; cela me paraît, quant à moi, un peu excessif. Nous savons cependant que les parents ont besoin d'avoir des règles ; en ce sens, la majorité numérique à 15 ans est un signal clair.
Nous allons préserver dans la COG de la Cnaf un certain nombre de crédits pour accompagner la parentalité numérique. Nous avons ainsi fait une campagne, dont le message – « Vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez-leur à surfer sur le net » – a eu un certain impact. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Erwan Balanant, le téléphone mobile est dans nos vies et ses répercussions sont polymorphes. Les orthophonistes disent, par exemple, que le simple fait de contrôler notre mobile en permanence, pour vérifier si nous n'avons pas reçu un message urgent ou si la livraison est bien arrivée, a pour conséquence une interaction plus faible avec les enfants. Résultat, l'acquisition du langage par les tout-petits est beaucoup plus lente. Ces répercussions vont également très loin dans les relations sociales, affectives et amoureuses. Certains adolescents sont incapables de demander quelque chose autrement que par SMS, qui leur permet d'éviter un refus ou d'instaurer un dialogue. Et puis il est beaucoup plus facile de se séparer par SMS que d'en discuter face à face. Cela concerne aussi les adultes, pour lesquels il est beaucoup plus simple d'envoyer un message que de passer un appel ; or un coup de téléphone n'a pas le même impact qu'un message. Certes, nous avons la plateforme Pix et le permis internet, mais l'éducation au numérique ne se limite ni à la sécurité ni à la protection des données ; il s'agit d'éducation à la vie. Et pour cela, les adultes ont un devoir d'exemplarité.
L'écologie est, bien entendu, au cœur des préoccupations du Gouvernement ; je confesse, en revanche, que si mon secrétariat d'État a travaillé sur de très nombreux sujets, il n'a pas eu les moyens de se consacrer à l'environnement proprement dit. L'écologie est présente dans nos esprits et dans nos actions, mais je n'ai eu ni le temps ni les moyens de développer un programme spécifique et transversal « enfance et écologie ». Je comprends votre demande, madame Pasquini, elle est très légitime et nous allons l'ajouter à notre programme de travail.
Ce que je peux dire, en tout cas, en matière d'environnement, c'est que nous pouvons compter sur les enfants et sur les jeunes pour nous pousser à faire plus, mieux et plus vite.