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Intervention de Charlotte Caubel

Réunion du mercredi 12 juillet 2023 à 11h00
Délégation aux droits des enfants

Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance :

C'est toujours un plaisir de venir devant vous pour évoquer mon action et celle du Gouvernement. Concernant l'enfance, le Parlement et le Gouvernement ont su mettre en place une méthode de travail fructueuse.

Je voudrais, dans un premier temps, revenir sur l'évaluation de la France par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai souhaité que nous préparions avec attention le rendez-vous avec le comité. J'avais conscience de l'aspect technocratique de ce type de préparation et du manque de souffle politique – au sens positif du terme – et d'une vraie représentation de la France dans cet exercice. Le dernier rendez-vous, en 2016, s'était bien passé mais, entre-temps, l'action des administrations avait repris un tour un peu technique. Après un travail de préparation intense, nous sommes partis à l'ONU avec une délégation nombreuse, animée d'une forte conviction mais aussi d'humilité – il n'était pas question de répondre avec arrogance pendant les plus de six heures où nous avons été interrogés.

Dans son rapport, le Comité des droits de l'enfant a constaté les progrès accomplis depuis six ans. Nous avons échangé sur des sujets bien identifiés, sur lesquels il nous reste une large marge de progression, ainsi que sur les chantiers déjà engagés. Le Comité a salué l'implication et le professionnalisme de la délégation française et la qualité des échanges ; il a accueilli favorablement notre meilleure prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant dans nos politiques publiques en matière de santé, d'éducation et de protection, trois axes majeurs que vous avez évoqués, madame la présidente. Comme vous l'avez dit également, les membres du Comité ont salué la Délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale ; le secrétariat d'État chargé de l'enfance, placé auprès de la Première ministre ; la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance ; la politique des 1 000 premiers jours ; les plans de lutte contre les violences et la prostitution ; le déploiement des unités d'accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped) et la généralisation des mécanismes de participation des enfants dans l'élaboration des politiques publiques.

Ils ont également appelé notre attention sur plusieurs points, qui sont au cœur de mes priorités : la qualité de la politique de protection de l'enfance, qui doit favoriser la prévention et la désinstitutionalisation ; la prise en charge des enfants en situation de handicap, pour laquelle nous devons être plus convaincants ; la santé physique et mentale des enfants ainsi que la pauvreté. Le Comité a aussi mis l'accent sur deux publics prioritaires : les enfants migrants – avec ou sans famille – et les enfants dans les territoires ultramarins.

Dès le 15 juin, à l'occasion d'une réunion de suivi du comité interministériel à l'enfance (CIE), j'ai fait état de ce rapport à l'ensemble des ministres présents et je l'ai utilisé comme levier. Il s'agissait de le faire infuser dans les politiques en cours, mais aussi de susciter des propositions concrètes pour le deuxième CIE qui aura lieu en novembre prochain, sous la présidence de la Première ministre. L'ensemble du Gouvernement est ainsi d'ores et déjà saisi de ce rapport.

Ce CIE a été l'occasion de faire le point sur les cinq priorités fixées par la Première ministre : la lutte contre les violences ; la santé ; l'accompagnement des enfants les plus fragiles, notamment ceux pris en charge par l'ASE et ceux en situation de handicap ; le service public de la petite enfance (SPPE) et enfance et numérique.

Beaucoup a déjà été fait lors du précédent quinquennat, et d'autres choses ont été engagées depuis. S'agissant de l'internet, plusieurs textes ont été adoptés, comme ceux de Laurent Marcangeli, de Bruno Studer et Caroline Janvier et de Jean-Noël Barrot. Un travail a également été lancé au sujet du harcèlement, à l'école et hors du cadre scolaire car ce phénomène est transversal.

Nous avons fait un point sur les mesures annoncées à l'occasion de la Conférence nationale du handicap (CNH) – je salue la mission que votre délégation a créée pour approfondir cette question. Nous aurons l'occasion de travailler ensemble, notamment parce que, dans le cadre de la CNH, j'ai insisté pour que le cas des enfants de l'ASE et celui des enfants en situation de handicap soient bien pris en compte, tant ils ont des répercussions sur l'ensemble de notre politique en matière de handicap.

Nous n'avons pas pu, en juin, faire la restitution des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, lancées par le ministre de la santé. Les propositions faites à cette occasion sont nombreuses, assez disruptives et, à ce stade, peu concertées. Le ministère de la santé les étudie « à la loupe » et les premiers retours publics ainsi que les premiers débats – y compris avec vous, bien sûr – auront lieu à la rentrée.

Pour ce qui est du lancement du service public de la petite enfance, dont vous serez en partie saisis avec le projet de loi pour le plein emploi, il s'appuiera sur la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), qui vient d'être signée par Jean-Christophe Combe, le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

J'ai fait le point sur la contractualisation avec les départements en matière de prévention et de protection de l'enfance, et sur la mise en œuvre des lois des 7 et 21 février 2022. Ces lois exigeaient énormément de textes réglementaires, dont plusieurs décrets en Conseil d'État. Dans ce champ de l'enfance, il faut demander l'avis de diverses commissions, comités et conseils, notamment celui du Conseil national de protection de l'enfance (CNPE), qui a lui-même été créé par la loi. S'est ensuivi un phénomène de « poupées russes », puisqu'il a fallu installer ce CNPE pour qu'il puisse, ensuite, rendre des avis sur la loi. Il y a donc eu un léger « retard à l'allumage » sur un certain nombre de décrets, qui avaient été peu évalués quant à leur impact financier. Par exemple, il a fallu travailler avec les départements pour pouvoir mettre en œuvre les textes sur l'augmentation de la rémunération des assistantes et assistants familiaux. Il en reste beaucoup, mais d'autres sortent du Conseil d'État et devraient être publiés, je l'espère, d'ici à la fin de l'été.

À la rentrée, le plan de lutte contre les violences faites aux enfants 2023-2027 sera détaillé lors du lancement d'une campagne de communication sur les violences sexuelles, qui fait partie des préconisations de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Nous pourrons également revenir sur la fin des travaux de la Ciivise et sur les conclusions qui nous obligent à être particulièrement engagés.

J'ai également procédé au déploiement et au démarrage des comités départementaux pour la protection de l'enfance (CDPE) ; je serai d'ailleurs demain en Eure-et-Loir pour lancer le sixième de ces dix CDPE. Quand bien même les départements concernés sont volontaires, je suis assez étonnée par la qualité et l'engagement des acteurs des CDPE, qu'ils soient membres du secteur associatif, de caisses d'allocations familiales (CAF) ou de caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Tous apprécient de pouvoir se mobiliser autour des préfets, des agences régionales de santé (ARS), des recteurs et des présidents de département. Ces acteurs avaient beaucoup à se dire, mais ne se parlaient plus beaucoup, ou alors en bilatéral. C'était bien le but de la loi et le souhait de l'autorité judiciaire que cette expérimentation lance des synergies pour répondre à une forte attente de coopération.

Toujours en matière de protection de l'enfance, j'ai lancé, il y a quelques heures, une valorisation des bonnes pratiques avec la présidente du groupement d'intérêt public (GIP) France Enfance Protégée (FEP). Nous avons également organisé des déjeuners thématiques avec les professionnels. Je réunirai bientôt les vice-présidents des conseils départementaux – souvent des vice-présidentes, d'ailleurs –, en charge de la protection de l'enfance, pour travailler plus concrètement encore. Je souhaite aussi avoir un colloque à la rentrée avec les fameux référents ASE, ces personnes censées définir le parcours de l'enfant et qui sont, parfois, assez éloignés de ces enfants. On le leur reproche beaucoup et j'aimerais mieux connaître ce métier pour pouvoir mieux l'accompagner.

Le ministre de la justice s'est fortement engagé avec celui de l'Éducation nationale pour renforcer la connaissance des droits des enfants. Il a prolongé la démarche Éducadroit, qui complète l'extraordinaire activité de la Défenseure des droits sur la question de l'information des droits des enfants. De notre côté, nous avons demandé, dans le cadre de la refonte des programmes en matière d'éducation sexuelle, que la question des droits et de la protection soit également intégrée. Et je ne peux que saluer votre action, madame la présidente, celle de votre délégation et celle de la présidente de l'Assemblée nationale pour renforcer la place des enfants auprès du créateur de droit qu'est le Parlement. Je pense que l'on a tout de même avancé un peu en ce début de quinquennat.

J'avais fait tenir un conseil des ministres des enfants, autour de la Première ministre, lors de la dernière Journée mondiale de l'enfance, le 20 novembre 2022. Nous réfléchissons à celui qui aura lieu le 20 novembre prochain, pour lequel nous nous appuierons probablement sur les conseils municipaux et départementaux, auxquels nous demanderons de venir faire part de notre action. Nous sommes donc très engagés sur la place des enfants, sur leur connaissance des droits et leurs capacités à intervenir et à nous donner leur avis.

Concernant les mineurs non accompagnés, la stratégie du Gouvernement est de stabiliser le projet de loi sur l'immigration, qui comporte une refonte importante de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et des structures de prise en charge des migrants. Nous étions convenus, avec le ministre de l'intérieur, que la question des MNA serait traitée postérieurement à cette refonte. Je rappelle que dans ce projet de loi figure d'ores et déjà l'interdiction de placer les enfants en centre de rétention administrative (CRA). Pour ce qui est des mineurs non accompagnés, il y a toujours cette zone insatisfaisante de recours devant le juge des enfants après une décision de non-reconnaissance de minorité. Ces recours, dont les délais varient considérablement d'un département à l'autre, concernent des jeunes qui ne relèvent ni de la protection de l'enfance ni des dispositifs destinés aux adultes, mais qui doivent néanmoins trouver une prise en considération sociale. Ce public entre deux eaux soulève une difficulté d'articulation entre les dispositifs respectivement dédiés aux mineurs et aux majeurs, qui réclame que le sujet des majeurs soit posé par la loi, ainsi que le souhaitait le Gouvernement.

Je ne saurais conclure sans évoquer les événements de ces dernières semaines et, donc, la problématique des quartiers où ils se sont déroulés, impliquant les enfants, la parentalité et les politiques sociales qui y sont menées. Selon moi, l'action du Gouvernement doit être conduite selon deux axes : la prévention spécialisée et la parentalité. La première, qui relève des départements, est très hétérogène d'un territoire à l'autre et plus ou moins pilotée, par le Gouvernement ou les collectivités territoriales. Cette prévention spécialisée pâtit également d'un déficit de sens des missions, d'un manque d'attractivité des métiers et, paradoxalement, d'une multiplication des acteurs engagés qui, certes, apporte de l'énergie, mais provoque aussi de la dispersion. Quant à la parentalité, à l'accueil, à l'accompagnement et à la responsabilisation des parents – je n'ai aucune difficulté avec cette thématique –, elle fait l'objet du deuxième volet de la politique des 1 000 premiers jours. Si l'accent est mis sur l'égalité homme-femme en matière d'accès au travail dans le cadre du SPPE, l'accompagnement des mamans – y compris celles qui ne travaillent pas –, la mise en place de lieux de socialisation pour les enfants et la synergie entre enfants, parents et lieux publics d'accueil ne doivent pas être oubliés. Ces questions figurent d'ailleurs parmi les priorités de Jean-Christophe Combe.

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