Madame Piron, le brassage territorial et la mixité sont essentiels. Souvent, la notion de mixité n'est associée qu'à la mixité sociale, mais il faut penser ce mot au pluriel, en combinant mixité territoriale et mixité sociale. Nous nous intéressons bien sûr aux métiers des parents et aux origines sociales des jeunes, mais nous voulons aussi créer l'unité en combinant les territoires les plus ruraux et les plus urbains ou périurbains, auxquels correspondent des réalités de vie assez différentes. Pour répondre à votre inquiétude légitime, je précise que, dans le projet des classes engagées, même lorsqu'une classe se rend dans un même lieu, les jeunes qui la composent ne restent pas ensemble dans leur groupe de classe et sont, au contraire, mélangés selon des critères territoriaux, la mixité procédant ainsi de la composition des maisonnées.
Madame Blanc, vous me donnez l'occasion d'expliciter une expression que j'ai employée dans le Figaro et qui aurait en effet pu être plus claire : le SNU n'est pas un voyage scolaire pour les classes engagées, mais les modalités s'y apparentent pour ce qui est de la contrainte ; de même qu'un parent peut refuser que son fils ou sa fille participe à un voyage scolaire, il peut refuser sa participation à ce séjour. Le volontariat de la classe ne remet pas en cause l'autorité exercée par le parent sur ses enfants et la nécessité de recueillir son autorisation.
Madame Calvez, merci de souligner la forte mobilisation des jeunes filles, dont la représentation plus forte se confirme d'année en année. C'est le signe d'une volonté plus forte de s'engager, dans des engagements peut-être beaucoup plus universels – peut-être parce que plus récents. Cette génération a le goût de l'égalité réelle, et le dispositif va dans ce sens.
Pour garantir les besoins fondamentaux de nos sociétés, les questions d'égalité et de consentement sont évoquées dès le début du séjour. En effet, ces jeunes de 15 à 17 ans, issus de milieux très différents, ne se connaissent pas : il faut du commun, et le commun suppose des règles communes, lesquelles couvrent, outre celles de l'emploi du temps, les questions de violences sexuelles et sexistes, de consentement, de harcèlement. La parole commence à se libérer après deux ou trois jours, donnant lieu à des témoignages et parfois, a posteriori, à l'engagement des procédures requises.
Monsieur Vannier, vous avez eu des propos très durs contre les jeunes qui s'engagent – contre moi aussi, mais j'ai l'habitude. Ma mission n'est pas d'être la police de la morale, qui jugerait les engagements des jeunes. S'ils souhaitent participer, et si plus de 70 % d'entre eux souhaitent exécuter leur mission d'intérêt général dans l'année qui suit, je ne vois pas pourquoi ils seraient moins bien accompagnés que d'autres – au contraire ! Chaque jeune a – et c'est heureux – le droit et la liberté de choisir ce qui le touche le plus.
Quant à la promotion du SNU sur les sites des armées, qu'évoquait M. Boumertit, elle est tout aussi légitime que sur le site de l'Éducation nationale. L'initiation au maniement des armes n'a aucunement lieu durant la phase du séjour de cohésion. En revanche, dans le cadre de leur mission d'intérêt général, les jeunes peuvent choisir de s'engager dans une préparation militaire, comme ils peuvent choisir de rejoindre la SPA ou les jeunes sapeurs-pompiers : ils sont libres de leur choix. Je suis aussi fière d'un jeune qui choisit de rejoindre une préparation militaire que d'un autre qui décide de rejoindre la Croix-Rouge. Nos armées se mobilisent aussi pour permettre des engagements et il est intéressant de noter que cette jeunesse, même lorsqu'elle ne souhaite pas faire une carrière militaire, a envie de découvrir les hommes et les femmes qui nous protègent au quotidien et, au-delà, protègent des valeurs. La première phase, en tout cas, je le répète, est purement civile et ne comporte aucun maniement d'armes.
Monsieur Dubois, vous avez évoqué à très juste titre le savoir-vivre que promeut le SNU. De fait, si certains jeunes participants ont la chance d'avoir des parents très mobilisés à leurs côtés et ont déjà intégré, par exemple dans le cadre du scoutisme ou des colonies de vacances, des règles de vie en collectivité, ce n'est pas le cas pour certains autres. C'est une réalité. Le séjour de cohésion pose la question de savoir comment créer du commun et des repères qui leur permettront de trouver les codes partagés que requiert la société.
Ma mission est aussi de faire en sorte que ces engagements citoyens soient pluriels : nous leur proposons de rencontrer des hommes et des femmes passionnés, souvent des élus ou des bénévoles, et cette passion de l'engagement s'incarne – ce qui est essentiel – dans des visages qui deviennent des role models. Ce sont des héros du quotidien, de notre vie commune, ce qui leur donne la capacité de se projeter et de dépasser parfois des autocensures qui les privent de cette capacité. Cela leur permet aussi, comme le rappelait M. Cordier, de rencontrer des jeunes très différents d'eux-mêmes.
Monsieur Cordier, je suis très attaché au fait que des jeunes de l'Hexagone partent vers les outre-mer et que les jeunes d'outre-mer viennent dans l'Hexagone, car ces territoires font France et ont besoin de vivre des temps de communauté. Le voyage est certes plus long, mais les jeunes métropolitains qui partent en outre-mer sont généralement très heureux d'avoir été parmi les chanceux qui le font. C'est ainsi que l'on crée quelque chose qui nous transcende. Ce qui nous fait nous dépasser, c'est un projet, un idéal. Les jeunes doivent donc se rendre compte qu'ils ont tous part à cet idéal – et cela va dans le sens de vos propos.
Quant à la généralisation, elle est souhaitable, mais la question des dispenses se posera, car l'absence de dispenses signifierait que le dispositif est obligatoire, ce qui nécessite un débat parlementaire et une évolution législative relevant de la seule représentation nationale. Ce que je suis en train de construire aujourd'hui, c'est l'acceptabilité la plus forte, la solution au défi logistique, la création de centres permanents et la capacité à accueillir humainement ces jeunes. Viendra ensuite le débat parlementaire : ce sera alors votre volonté ou votre souhait qui fera que le SNU continuera à relever de l'incitation ou qu'il fera l'objet d'une obligation.
Si nous voulions rendre le SNU plus incitatif encore, plusieurs pistes sont à l'étude. Le programme présidentiel posait ainsi la question du permis de conduire sur un cycle long – question qui se posera tôt ou tard dans le débat. D'autres possibilités sont en discussion, mais pas encore assez mûres pour être pleinement arbitrées, qui vont de la reconnaissance d'un parcours scolaire au Bafa ou au PSC1 – certificat de prévention et secours civiques de niveau 1. Il faut de la diversité. On parle beaucoup aujourd'hui de la formation aux gestes qui sauvent, à la santé mentale ou au PSC2 pour ceux qui ont déjà obtenu le PSC1. Il faut une reconnaissance de celui qui donne, un équilibre entre les droits et les devoirs : on donne et reçoit, et le mouvement va plutôt dans le bon sens.
Monsieur Belhaddad, vous avez évoqué les nombreuses perspectives que le sport offre et je connais votre engagement en ce domaine. Vous avez également souligné l'intérêt que présente le service national universel pour favoriser la mixité et vous vous demandez comment nous pourrions inciter à s'engager des jeunes à qui cela ne viendrait naturellement pas à l'esprit. Les premiers prescripteurs sont les camarades de classe ainsi que les enseignants mais, pour ceux qui sont plus éloignés de l'école ou de l'emploi ou qui se retrouvent en rupture familiale, les associations jouent un rôle essentiel. Je pense ainsi aux enfants placés sur décision judiciaire ou aux jeunes particulièrement vulnérables. Nous avons signé des partenariats avec des associations enracinées dans les territoires, comme la fondation Face – Fondation Agir contre l'exclusion. Elles accomplissent un travail en profondeur pour sensibiliser les jeunes aux projets qu'elles soutiennent. Je profite de ce que vous êtes encore assez nombreux dans la salle pour signaler que de nombreux maires informent leurs citoyens des propositions existantes dans les bulletins municipaux, que beaucoup de gens lisent.
Monsieur Bilde, vous avez parlé d'amour de la France. Il se trouve que ce sont les termes même qu'a tenus à des jeunes du SNU, dans le Calvados, le héros Léon Gautier qui fut le dernier des Français du commando Kieffer et à qui nous avons récemment rendu hommage. À ces jeunes qui lui demandaient, avec une touchante naïveté, pourquoi donc il était allé rejoindre le général de Gaulle, il a répondu qu'on lui avait appris à aimer la France. Je crois, en effet, que c'est une chose qui s'apprend, à l'école, dans les engagements mais aussi au travers de vos témoignages, lesquels valorisent les actions de ces jeunes et leur permettent de prendre conscience de leur importance à vos yeux. J'ai reçu pour mission, notamment, de poser les bases d'une généralisation du SNU. Un décret a institué un délégué général au service national universel, ayant rang de directeur d'administration centrale. C'est une préfète qui remplit ce rôle. Elle est assistée d'une directrice académique des services de l'Éducation nationale et d'un général cinq étoiles, à présent général 2S – 2e section. C'est avec le soutien de l'Éducation nationale, des armées et du monde associatif que nous réussirons à fédérer autour de ce projet des jeunes qui viennent de milieux différents et ont des cultures différentes. Il est important de recourir à toutes les forces vives de notre pays pour renforcer les liens et construire en commun. La question de savoir s'il faudra ou non rendre obligatoire le SNU relèvera du débat parlementaire. En attendant, plus de 80 000 jeunes se sont déjà engagés dans le SNU, soit près de 10 % d'une génération et 600 000 jeunes ont choisi le service civique en dix ans. La jeunesse est engagée mais que cela ne nous exonère pas de faire des efforts pour renforcer encore les liens.
Monsieur Pellerin, toute la classe pourra partir, il n'y a pas de jeune qui en serait privé, quelle que soit sa nationalité, même si les séjours de cohésion restent réservés aux Français de 15 à 17 ans. Au-delà de cette réserve, tous les jeunes scolarisés peuvent partir.
Monsieur Fait, vous avez raison pour ce qui concerne le CV. Que voit un recruteur, en effet ? Un jeune qui s'est engagé dans le SNU, qui a pris des responsabilités associatives, qui a choisi de donner de son temps, de développer des compétences. Je pense par exemple aux chefs scouts qui se sont occupé d'autres jeunes. Bref, le recruteur verra un jeune qui a le goût de l'autre, qui a pu passer son Bafa pour se former à l'encadrement, à l'écoute, un jeune qui a su devenir autonome. Nombreuses sont les entreprises qui plébiscitent à présent le service civique, la troisième phase du SNU, et proposent d'accueillir des jeunes et de leur faire découvrir des métiers. Beaucoup d'entre eux font leur service civique dans la fonction publique ou dans le monde associatif, en particulier dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, mais certains iront dans des exploitations agricoles ! L'évolution de l'unité passe par la compréhension des territoires et la diversité des milieux.
C'est vrai, madame Ranc, les jeunes de 15 à 17 ans sont des éponges et c'est le bon moment pour leur inculquer les valeurs citoyennes. Vous pensez qu'il faudrait élargir le champ du public concerné car un tiers des jeunes engagés ont des parents qui portent l'uniforme et vous craignez que le projet ne soit réservé à une certaine catégorie sociale. Tout d'abord, les parents doivent s'entendre au sens large de membres de la famille – cela peut être le grand-père ou l'oncle. D'autre part, la proportion de ces jeunes a tendance à baisser même si je suis fière qu'ils aient répondu à l'appel. En effet, le projet est mieux connu et compris et ce qui n'était au départ qu'une sorte d'expérimentation touchant un peu moins de 2 000 jeunes, se généralise, ce qui favorise une meilleure mixité sociale et territoriale.
Monsieur Le Vigoureux, l'Injep a été chargé d'évaluer chaque année le SNU, en particulier le séjour de cohésion. Les rapports qu'il a rendus sont précieux en ce qu'ils nous renseignent sur l'évolution du paysage sociologique ou de la mixité. Les retours d'expérience des jeunes nous permettent de faire évoluer la proposition. Nous nous sommes ainsi rendu compte qu'ils étaient très informés sur le sujet environnemental et qu'ils préféraient mener des actions sur le terrain plutôt que suivre un enseignement théorique.
Madame Pollet, je l'ai dit, le caractère obligatoire du SNU relève du débat parlementaire. Nous ne proposons pas de module séquencé. Le projet évoluera en fonction du nombre de volontaires et de notre capacité à les accueillir. C'est vrai, il faut reconquérir le mois de juin. Les séjours continueront à se dérouler tout au long de l'année mais il faudra aller jusqu'à son terme. C'est d'ailleurs pour cette raison que les programmes sont prévus pour s'étaler jusqu'à la fin juin. Lorsque deux semaines sont consacrées à un projet pédagogique, ce ne sont pas deux semaines de cours en moins mais deux semaines d'apprentissage différent.
Il faut bien entendu favoriser la mixité, madame Riotton ; d'où l'importance des évaluations qui permettent de s'assurer qu'elle progresse. Je vous l'ai dit, 5,7 % des jeunes sont issus des quartiers prioritaires de la ville. Je suis convaincue que nous pouvons faire mieux, ne serait-ce qu'en mobilisant les parents, au travers de réunions organisées dans les établissements scolaires qui auraient pour objet de les informer, de les sensibiliser mais aussi de leur donner confiance. Ce n'est pas anodin que de laisser son enfant s'engager dans le SNU.
Monsieur Chudeau, vous avez soulevé des questions qui auraient pu être polémiques mais qui ne le sont pas, en réalité, car aucun sujet n'est tabou. J'ai répondu pour ce qui concerne le caractère obligatoire. Le budget évolue en fonction du nombre de jeunes concernés. Plus nous avons d'uniformes, plus le coût à l'unité baisse. En l'état actuel, le budget est évalué à 2 200 euros pour chaque jeune. J'ai également évoqué les diverses mesures incitatives : permis de conduire, Bafa, reconnaissance, sans parler du regard que porte la nation, par l'intermédiaire des élus et des associations, sur ces jeunes.
Monsieur Cordier, je salue le souvenir qui fut le vôtre du service militaire. Nos militaires sont tous des professionnels à présent mais nous avons conservé la volonté de disposer d'une réserve opérationnelle forte. Tout le monde peut s'engager ; à nous de présenter les différentes propositions en permettant à chacun de ne pas se sentir emprisonné dans un schéma social ou limité par ses compétences. Cette démarche n'est pas exclusive mais elle est loin d'être inutile, j'en ai acquis la certitude depuis trois ans.