Lorsque Jacques Chirac annonce, le 28 mai 1996, la fin du service militaire obligatoire, c'est un soulagement pour nombre de jeunes hommes. Si le service militaire convenait parfaitement à certains, les alternatives n'étaient pas accessibles à tous : elles ressemblaient parfois à une punition, l'objection de conscience ayant pour conséquence le doublement du temps nécessaire pour remplir ses obligations nationales. Nombreux sont ceux qui mirent en péril leur santé, voire plus, pour y échapper ; nombreux sont ceux pour qui les souvenirs de cette année sous les drapeaux ne sont pas bons.
Nous étions cependant quelques-uns à penser que l'erreur du président Chirac était de ne pas le remplacer par un service national incluant seulement une option militaire, où chaque jeune adulte pourrait choisir sa manière de s'engager au service de l'intérêt général, de façon à donner à chacun et à chacune un sentiment d'utilité et d'appartenance à la communauté nationale. Et voilà que, sur une lubie du président Macron, le SNU est censé combler cette lacune. Or le SNU a tout faux.
Première aberration, il s'adresse aux jeunes de 15 à 17 ans. Il ne s'agit donc pas de l'engagement de jeunes majeurs au service de la nation, mais bien d'un stage de citoyenneté inepte, destiné à redresser – voire à dresser – des adolescents considérés a priori comme mal élevés. Deuxième aberration, il est une forme édulcorée du service militaire, réduisant les valeurs de la République au port de l'uniforme et au lever des couleurs. Troisième aberration, de recul en recul, vous chargez finalement l'Éducation nationale de rattraper le coup dans l'espoir de trouver assez d'enseignants de seconde volontaires pour priver leurs élèves de deux semaines de cours, en y ajoutant une indigne carotte – promettre aux élèves qui s'y plieront des points supplémentaires sur Parcoursup.
Que de contorsions pour imposer, contre toute logique, cette mauvaise idée ! Je vous en conjure, madame la secrétaire d'État, renoncez au SNU. Utilisez les crédits alloués pour soutenir notre école publique, qui en a bien besoin, ou pour relancer les colonies de vacances. Écoutez nos propositions pour un véritable service citoyen réservé aux jeunes adultes, et laissez l'éducation des adolescents aux professionnels.