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Intervention de Philippe-Pierre Cabourdin

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 15h05
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller maître à la Cour des comptes :

La dépense fiscale a un immense avantage : elle est immédiate et à la main de celui qui la décide. Objectivement, elle va plus vite qu'une subvention. Cependant, la Cour des comptes, de manière récurrente, critique certaines dépenses fiscales, notamment parce qu'on ne peut pas les chiffrer. En effet, il s'agit d'une « non-recette » de l'État, donc une dépense. Si on ne peut pas la chiffrer, on ne sait pas le coût exact supporté par l'État.

En outre, comme elle est à la main de celui qui décide cet investissement, il est difficile de la piloter et de cibler le territoire sur lequel elle s'applique. Est-ce à l'endroit où il est le plus nécessaire que cet investissement intervient ? Enfin, rien ne nous empêcherait d'évaluer. Or vous avez beau les demander en tant que parlementaires, les évaluations ne sont pas réalisées. Les seules évaluations qui ont eu lieu étaient celles qui étaient obligatoires parce qu'elles étaient dérogatoires aux règles communautaires.

Ceci n'est pas normal : quand on engage une dépense – et nous parlons quand même de plus de 6 milliards – on devrait avoir un réel programme d'évaluation. À ma connaissance, la dernière revue, qui n'était pas une évaluation, était le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « rapport Guillaume » de 2011, qui épinglait lui aussi la plupart des dépenses fiscales.

Je parlais précédemment des difficultés du ciblage. Lorsque nous avons produit notre rapport sur le logement outre-mer, qui a été remis en septembre 2020, nous avons effectivement été très critiques sur la défiscalisation en matière de logement. En effet, nous avons constaté que cette défiscalisation a surtout profité aux intermédiaires entre le promoteur, qui a construit, et l'investisseur, souvent un particulier. Il y a là un premier problème. Le deuxième problème tient au fait que ces constructions n'ont pas été réalisées là où nous en avions le plus besoin. Elles ont permis de faire du logement intermédiaire, mais en Outre-mer, nous avons besoin de prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), c'est-à-dire les logements les plus sociaux, qui correspondent aux ressources des personnes qui pourraient être logées. En effet, 78 % de la population en moyenne est en dessous du seuil des PLAI.

En outre, ces dispositifs fiscaux garantissent un loyer raisonnable pendant 9 à 12 ans. Le même investissement fait dans du logement social a un terme d'environ 45 à 50 ans généralement. C'est pourquoi nous parlons d'inefficience de la dépense fiscale, notamment en matière de logement. Nous ne sommes pas en phase avec l'ensemble des acteurs de ce secteur sur ce sujet. La note thématique qui sera publiée début juillet comportera un point sur cet aspect.

Le deuxième exemple ne concerne pas le logement, mais le dispositif fiscal dit « Girardin industriel ». Nous avons publié un rapport sur l'achat par Air Tahiti Nui de quatre Boeing pour remplacer des Airbus. Sans l'aide fiscale de 82 millions, Air Tahiti Nui n'aurait certainement pas pu acheter ce type d'appareil et avoir les liaisons que la compagnie offre entre Tahiti et différentes destinations, dont l'Hexagone. Le coût pour l'État de ces 82 millions d'aide au destinataire final a été de 107 millions d'euros, dont 27 millions qui ont été consacrés à des dispositifs qui ont bénéficié à des intermédiaires, les « arrangeurs » et les investisseurs, en l'occurrence des banques fédérant des groupes de particuliers. Le fait d'aider la compagnie aérienne n'est pas critiquable, mais il existait d'autres moyens de le faire, des moyens beaucoup moins onéreux. Les discussions ont commencé en 2015 pour des avions qui ont été livrés au moment de la crise de la Covid-19.

En résumé, nous ne sommes pas contre les dépenses fiscales, par principe. En revanche, nous y sommes opposés quand elles ne sont pas localisables et quand elles ne ciblent pas suffisamment le besoin, et surtout quand elles ne sont pas évaluées.

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