C'est parce que les marchés sont concentrés que ces territoires manquent d'attractivité économique. Les acteurs économiques sont souvent pragmatiques, voire cyniques : s'ils peuvent contourner les règles, ils le font, dans la légalité. Ces acteurs économiques savent que le marché de La Réunion est verrouillé et ne sont donc pas incités à y aller. C'est par exemple la raison pour laquelle Intermarché n'a jamais voulu s'installer sur le marché réunionnais.
J'étais stupéfait que le ministre Jean-François Carenco vous dise que la situation était correcte puisqu'il existe deux à trois opérateurs économiques différents dans chaque île. Cela me rappelle cette histoire de Fernand Raynaud que me racontait mon père : « L'essence augmente, mais j'en prends toujours pour 100 francs, moi ». Il ne suffit pas que cinq acteurs soient présents pour garantir un réel pluralisme, si deux d'entre eux accaparent complètement le marché. Donc, il n'est pas vrai de dire que de toute façon le territoire est trop petit et que les acteurs ne viendront pas.
Ce n'est vrai que dans un cas : les transports aérien et maritime, qui relèvent d'un autre registre. C'est pour cela que je peux comprendre que la puissance publique investisse pour sauver une compagnie aérienne. On doit se réjouir qu'un grand patron d'industrie française décide de baisser les prix. En effet, outre la cagnotte qu'il a mentionnée et qui va se terminer à la fin de l'année, le plus grand investissement de CMA CGM est en réalité les conditions préférentielles accordées aux territoires ultramarins par la compagnie, qui lui coûtent 80 millions d'euros par an. Donc faites en sorte de ne pas le désespérer. Il n'en est pas de même pour le reste.
Il ne me semble pas pertinent que l'État crée une nouvelle compagnie aérienne. En revanche, je serais plus favorable à une compagnie maritime privée qui desservirait les différentes îles de l'océan Indien, en cabotage. Ce n'est pas à l'État de faire ça. J'ai préconisé la structuration des petits commerçants en coopérative, ce qui à terme, pourrait leur permettre d'acheter un bateau pour pouvoir s'approvisionner de manière indépendante et contrôler leurs prix.
Ensuite, vous m'avez interrogé sur les effets de la concentration verticale par rapport à l'usage des marges arrières. La concentration verticale est encore pire. Par exemple, le groupe GBH est non seulement propriétaire de certaines usines, mais aussi des grossistes. Dans la corbeille de la mariée de Vindémia, il y avait des grossistes, mais aussi une société nommée SDECOM qui est un importateur de marques, c'est-à-dire celui à qui des industriels délèguent la représentation de leurs marques. Cette société a été fusionnée avec Bamyrex, autre importateur possédé par le groupe Hayot, qui bénéficie désormais des contrats de promotion qu'il exploite lui-même. Aujourd'hui, le système est incestueux et il faut y mettre un terme, n'importe quel économiste vous le confirmerait.