Il m'est difficile de répondre à cette question. M. Maillot, je souris à votre rappel de l'excellente phrase de Coluche. Je pense que la décision de l'Autorité de la concurrence est éminemment politique. M. le ministre de l'économie a déployé une argumentation globalement juste lors de la déclaration liminaire qu'il a effectuée devant votre commission. Cependant, pourquoi l'État a-t-il autorisé cette opération ? Le ministre de l'économie avait le pouvoir d'évoquer l'affaire, mais il ne l'a pas fait. Peut-être ne l'a-t-on pas suffisamment informé. Mais si vous vous penchez sur les procédures, l'Autorité de la concurrence peut agir de deux manières : soit à travers la procédure rapide, soit à travers la procédure approfondie. Dans le cas d'espèce, l'Autorité a utilisé la procédure rapide, alors même que tous les élus de La Réunion avait écrit une lettre pour demander une procédure approfondie, que le ministre de l'économie pouvait exiger.
La manière dont l'Autorité de la concurrence a géré cette affaire est en cause. Il existe une proximité entre certains hauts fonctionnaires et certains groupes, qui devrait cesser. Néanmoins, le fond du problème n'est pas là. Il faut que les législateurs changent la loi, le moment est venu. Le niveau de concentration est tel que vous devez sonner la fin de la récréation, c'est-à-dire vous dotez des moyens d'en finir avec ce système.
Encore une fois, je préconise la fin des grandes surfaces, l'interdiction de posséder plus de 25 % de parts de marché, l'interdiction des situations de concentration, la réforme des marges arrières. En réalité, les victimes de ces marges arrières sont les producteurs locaux. Le système est en soi inflationniste et mortifère : les uns demandent toujours plus de marges arrières et les autres augmentent les prix pour compenser le phénomène. Si même le groupe Leclerc vous le demande, c'est bien qu'il faut le faire.
Par ailleurs, j'ai été très choqué par les propos de l'ancienne ministre de l'Outre-mer, Mme Annick Girardin. Elle vous a ainsi dit qu'il était tout à fait possible de faire cesser le dispositif des OMPR. Je trouve cela incroyable. Modestement, j'ai rappelé au président de l'OPMR qu'il avait des droits et qu'il devait les exploiter. Le texte qui définit les missions des OPMR rappelle qu'ils sont indépendants et qu'à ce titre, ils sont présidés par un magistrat des juridictions financières. Lorsque j'ai rendu des rapports, j'ai subi des pressions, notamment de la part des collaborateurs du préfet. Je leur répondais que la commande qui m'avait été faite émanait de l'OPMR.
Lorsque j'ai rédigé mon premier rapport final en 2019, le président de l'OPMR avait demandé que celui-ci soit rendu en séance plénière, avant la tenue d'une conférence de presse. Le préfet s'est opposé à cette conférence de presse, mais le président de l'OPMR – magistrat de la chambre régionale des comptes – a été respectueux de la séparation des pouvoirs et l'a maintenue. Nous avons finalement réalisé cette conférence de presse dehors, sous la pluie, devant trois journalistes. Comment est-il possible qu'un préfet de la République interdise l'utilisation d'une salle de la préfecture pour la réunion d'un OPMR ?
Votre loi doit définitivement casser le cordon ombilical entre l'OPMR et l'exécutif. Je rappelle que le président de l'OPMR est obligé de demander de l'argent au préfet pour pouvoir réaliser un rapport. Le groupe Hayot est allé voir le préfet pour exiger que je ne sois pas chargé de ce rapport. Fort heureusement, grâce à la loi d'indépendance que vous avez votée, le président de l'OPMR a résisté.