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Intervention de Laurence Boone

Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargées de l'Europe :

C'est un plaisir de me retrouver devant vous afin de vous présenter, comme de coutume, les principaux résultats du Conseil européen des 29 et 30 juin. Ce Conseil européen a tout d'abord permis de faire le point sur la situation en Ukraine et notamment sur le rôle que joue actuellement l'Union européenne en matière de défense et sécurité. Les chefs d'État et de gouvernement ont ainsi commencé le Conseil européen avec un échange avec le Secrétaire général de l'OTAN, en préparation du Sommet des 11 et 12 juillet à Vilnius. Les États-membres se sont engagés collectivement à ce que l'UE et chacun de ses États membres puissent contribuer aux futures garanties de sécurité qui aideront l'Ukraine à se défendre dans la durée. Il s'agit - collectivement et individuellement - de soutenir l'Ukraine afin qu'elle soit en mesure de dissuader toute agression ou tentative de déstabilisation. Le Président avait évoqué cette question dans son discours à Bratislava le 31 mai dernier et il était important que les chefs d'État puissent en discuter à 27 avant le Sommet de Vilnius.

Sur le plan des équipements, vous le savez, la situation est évolutive sur le terrain. Afin de répondre aux besoins ukrainiens dans la durée, tout en couvrant les nôtres, il nous faut accélérer le passage à une économie de guerre. À court terme, l'Union européenne a doublé la capacité de soutien militaire à l'Ukraine à travers la Facilité européenne pour la paix. C'est une mesure essentielle mais nous devons faire plus : les chefs d'État ont ainsi poursuivi les discussions sur la mise en œuvre de l'agenda de Versailles et particulièrement des priorités stratégiques au plan européen en matière de défense. Il s'agit de construire une industrie de défense européenne, capable de répondre à ces priorités, en y consacrant les moyens européens nécessaires.

Nous avons demandé à la Commission de nous présenter des propositions concrètes, d'ici la fin de l'année dans le cadre du Programme européen d'investissement dans la défense (Edip). Enfin, la stabilité du continent ne sera assurée durablement qu'avec une famille européenne unie. Le Conseil européen a donc été l'occasion d'échanger sur la progression de l'Ukraine et de la Moldavie sur leur chemin vers l'adhésion à l'UE. Nous pouvons en tirer plusieurs leçons : une reconnaissance formelle des progrès accomplis ; un grand consensus des États membres pour accompagner les États candidats sur la voie européenne ; la tenue d'un rendez-vous important à Grenade au mois d'octobre où un rapport formel sera rendu.

Enfin, un consensus a vu le jour sur la nécessité de transformer notre Union pour l'arrivée de nouveaux États membres. Vous le savez, j'ai lancé avec mon homologue allemande un groupe de travail pour nourrir cette discussion. Ces travaux seront rendus à l'automne. Je me réjouis que vous ayez mis cette question à l'ordre du jour de votre réunion avec la commission du Bundestag en mai dernier. Ces réflexions ne manqueront pas d'alimenter leurs travaux, tout comme ceux des États membres.

Ce Conseil européen a également été l'occasion de faire le suivi sur un autre pilier de la souveraineté européenne : les enjeux de compétitivité et de sécurité économique. Le Commissaire européen chargé du marché intérieur, Thierry Breton, a eu l'occasion de vous en faire une présentation détaillée lors de son audition le mois dernier. Encore une fois, nous avons beaucoup progressé en quelques mois.

Tout d'abord, la réforme du marché de l'électricité nous aidera à offrir des prix plus bas et plus stables, et d'investir encore plus dans les sources décarbonées. Les chefs d'État et gouvernement se sont accordés pour achever ces négociations bien avant la fin de l'année. Ensuite, la réforme de nos règles budgétaires européennes permettra d'encourager les investissements nécessaires pour la transition écologique et aider à une croissance durable, tout en favorisant les conditions de soutenabilité de nos finances publiques.

Enfin, nous allons accélérer la réindustrialisation du continent et assurer son leadership dans l'innovation. Depuis le dernier Conseil européen ont été soumis aux États membres le cadre temporaire pour les aides d'État, un règlement européen sur les semi-conducteurs, un règlement sur les matières premières critiques et la législation sur l'industrie net-zéro. C'est à la fois un choc de simplification bureaucratique et une politique industrielle moderne pour les secteurs les plus importants pour la transition énergétique et climatique.

Enfin, comme la France l'avait réclamé, la Commission européenne a présenté une proposition pour créer le fonds de souveraineté qui viendra soutenir les investissements stratégiques dans toute l'Union. Il pourra offrir le complément de financement nécessaire aux investissements essentiels et les simplifications que de nombreux acteurs attendent pour déployer des projets industriels stratégiques pour notre Union.

Il y a aussi un pan de souveraineté que tous les Français attendent, notamment depuis la crise Covid : la santé. Il s'agit d'assurer sur le sol européen la production de médicaments essentiels. Pour cela, des objectifs de production sur le sol européen seront fixés avec les instruments financiers et réglementaires nécessaires pour les atteindre, comme nous le faisons par exemple sur les puces électroniques.

Sur la question de la sécurité économique européenne, il s'agit de protéger le marché intérieur contre la concurrence déloyale, d'exiger la réciprocité en matière d'ouverture des marchés publics, de nous prémunir contre des achats d'entreprises stratégiques sur notre sol ou d'investissements qui nuiraient à notre souveraineté - je pense, par exemple, à la protection de nos données - tout en se fixant des règles sur les transferts technologiques. Il s'agit là encore de consolider la souveraineté de l'Union européenne.

Enfin, les chefs d'État ont consacré une partie de nos échanges aux migrations. Nous avons fait des progrès notables pour ce qui concerne la dimension interne : l'accord trouvé sur les deux textes majeurs du Pacte asile et migration, que nous avions fortement portés lors de la présidence française du Conseil de l'Union, l'année dernière, est une avancée importante, la première sur un sujet qui était bloqué depuis dix ans. Ces textes permettent d'équilibrer responsabilité et solidarité, de renforcer les frontières extérieures, tout en traitant plus rapidement les demandes d'asile, et assurant plus efficacement notre sécurité.

Si le travail accompli conjointement sous Présidence suédoise, et depuis la Présidence française, est à saluer, les discussions entre chefs d'État n'ont pas permis d'adopter de conclusions consensuelles sur les sujets migratoires. Cela est regrettable, car il faut être clair : le sujet migratoire doit plus que jamais être traité à 27, et aucun État membre ne peut faire face seul à ces enjeux. L'adoption du Pacte asile migration, d'ici la fin de la mandature, doit rester un de nos objectifs majeurs, sans que les positions d'aucun État membre ne soient ignorées.

Sur la dimension externe des migrations, nous allons poursuivre les travaux dans la ligne des progrès avec la Tunisie, que nous gagnerons à reproduire avec d'autres pays de la région.

Les chefs d'État ont abordé d'autres sujets d'importance lors de ce Conseil européen : notre relation avec la Chine, à la fois pour l'engager à jouer un rôle constructif s'agissant de la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine, et en ce qui concerne nos échanges économiques - qui doivent être équilibrés et sans nuire à nos intérêts stratégiques. Une discussion porte aussi sur l'implication qui doit être celle de l'Union européenne pour le règlement de la question chypriote, les tensions entre le Kosovo et la Serbie, ainsi que la préparation du sommet qui se tiendra en juillet entre l'Union, les États latino-américains et Caraïbes.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, voilà en quelques mots les résultats de ce Conseil européen. Mais je ne doute pas que vos questions me fourniront l'occasion de revenir plus en détail sur l'un ou l'autre point.

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