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Intervention de Jean Pisani Ferry

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean Pisani Ferry, économiste :

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières n'est pas une taxe aujourd'hui, car celle-ci signifierait disposer d'une unanimité à ce sujet. Il contraindra les importateurs à se procurer des certificats carbone à la hauteur du contenu carbone des importations. Il faut se féliciter de la mise en place de ce mécanisme, mais il reste très imparfait : il ne couvre pas les questions de compétitivité à l'exportation ou les importations de biens élaborés disposant d'un contenu carbone. Cependant, ce dispositif est appelé à se sophistiquer, en tout cas dans un monde où une partie de la planète continue de conserver des techniques de production du passé. Quoi qu'il en soit, il est pertinent que l'Europe soit à l'initiative sur ce sujet.

M. Dessigny nous a interrogés sur le financement monétaire à l'échelle européenne. Celui-ci a pu intervenir dans certaines circonstances, notamment récemment, mais il ne constitue pas la panacée. En effet, ce financement est en réalité rémunéré au taux d'intervention de la banque centrale. Aujourd'hui, il est donc relativement coûteux.

M. Bompard, j'attends toujours de connaître la position du gouvernement. Pour le moment, il a surtout été question des impossibilités en matière d'endettement et de prélèvement. Nous connaîtrons assez vite le plan de financement que le gouvernement envisage. S'il identifie des sources de financement par le déploiement et s'il assume, je n'aurai pas de raisons d'être insatisfait. Si l'on raisonne sur la durée et l'horizon 2030, le montant d'investissement sera élevé et il importe probablement d'identifier des ressources plus importantes.

L'ingénierie financière est la capacité d'élargir l'accès au crédit pour le financement d'un certain nombre d'investissements, y compris ceux des ménages. Cette idée doit être explorée, tout en faisant attention à ne pas mettre en avant des solutions qui ne seraient pas réellement pérennes.

S'agissant de l'analyse des propositions européennes, le débat sur la réforme des règles budgétaires est bloqué aujourd'hui. Aucun accord ne se dessine à ce jour, notamment un accord qui laisserait une place à l'endettement pour le financement de la transition climatique. Cela ne me paraît pas tenable : l'Union européenne ne peut nous contraindre à des injonctions contradictoires de réduction de dette tout en nous demandant de réaliser des efforts en matière de transition climatique. Je ne suis pas favorable à l'endettement public sans limite, mais il me semble nécessaire d'élargir l'espace et de le définir de manière plus précise.

Je suis opposé à l'idée de sortir tout investissement vert des règles budgétaires et des normes du Pacte de stabilité. En revanche, il sera nécessaire d'adopter une définition précise et rigoureuse du type d'investissement pour lesquels le recours à l'endettement est possible et des conditions générales de la soutenabilité de la dette publique permettant de faire une place à cet endettement. Je pense en particulier à l'investissement des collectivités territoriales, qui est un investissement dont le taux de retour est lent à se manifester. Il importe donc de trouver les véhicules d'investissement adaptés et de mesurer le rendement économique correspondant à cet endettement.

Mme Dalloz, notre proposition ne repose pas sur une taxation permanente d'une fraction de la population la plus aisée. À cet égard, la proportion des 10 % est essentiellement illustrative. La dette générée à destination de l'administration fiscale peut être réglée sur une durée plus ou moins longue, de manière à ne pas aboutir à une cession massive qui serait préjudiciable. Si l'on permet que cette dette soit acquittée au moment de la succession, on organise quelque chose qui ne provoque pas le séisme financier que vous semblez redouter. Le fait de le réaliser de la sorte permet de garantir également l'absence d'impact sur les comportements, puisque la taxation est explicitement non récurrente.

M. Lecamp, à l'horizon 2030 sur lequel nous nous sommes concentrés, le « nouveau » nucléaire ne constitue pas une réponse. Sur cet horizon, nous comptons essentiellement sur les énergies renouvelables et les investissements dans la réduction de demande d'énergie. En résumé, je ne suis pas hostile au nucléaire, mais il n'est pas un sujet à l'horizon 2030.

Mme Sas, je n'ai pas de regret sur l'ISF, qui n'était pas un bon impôt. Les travaux ont montré qu'il n'avait pas de bonnes propriétés redistributives, qu'il taxait le sommet de la classe moyenne mais pas les plus fortunés. S'il faut reprendre le débat sur la fiscalité du patrimoine, ne le reprenons pas avec la nostalgie de cet impôt.

Vous nous avez questionnés également sur le risque de fuite. Si l'on est crédible, que l'on constate la valeur du patrimoine financier, que l'on détermine le montant du prélèvement qui pourra avoir lieu sur une période longue et au choix du contribuable, on limite grandement les risques de fuite.

Ensuite, l'ingénierie financière fait partie de la discussion. Notre approche consiste à indiquer que le soutien budgétaire est probablement nécessaire et qu'il existe des limites à ce que l'on peut faire grâce à l'ingénierie financière. Dans l'équation, nous comptons la nécessité de pouvoir financer par endettement ou par prélèvement parce que nous pensons que cette ingénierie ne peut pas résoudre l'ensemble des problèmes.

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