Le COP du Clemi est un collège de soixante personnes incluant des représentants des pouvoirs publics, du système éducatif et des professionnels de l'information et de la communication. Cela permet d'agir sur la responsabilité collective de renforcer l'éducation aux médias et à l'information et de traduire cela dans les faits par la mobilisation de l'ensemble des acteurs.
Nous disposons d'axes d'action tout à fait efficaces. Les partenariats du Clemi ont été renforcés cette année. Nous avons mis en œuvre le Tour de France de l'éducation aux médias et à l'information grâce au groupe France Télévisions dans le cadre de la convention signée avec le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse. Les acteurs du secteur radiophonique se sont par ailleurs engagés à généraliser la web radio au collège. Enfin, le Clemi a entrepris un partenariat avec le groupe JC Decaux en juillet sur le thème : « Les écrans : apprendre à s'en servir pour ne pas les subir » Une campagne de sensibilisation a été organisée sur 1,6 million de panneaux publicitaires en France.
Je pense donc qu'il est tout à fait possible de renforcer le lien entre l'école et les médias à travers les contrats d'objectifs et de moyens du service public et les conventions avec les entreprises privées et les plateformes. Notre objectif est que ces acteurs participent à l'information. Les journalistes ont vocation à aider les professeurs des écoles à se former.
Je suis professeur en sciences de l'information et de la communication et je participe à un groupe de travail qui étudie la possibilité de créer un « Clemi Sup » qui collaborerait avec l'enseignement supérieur et la recherche. Nous avons d'ailleurs organisé une journée d'ateliers à la Sorbonne avec des professeurs et des chercheurs en sciences de l'information et de la communication.
Je souscris entièrement à la proposition que vous avez citée, consistant à utiliser les amendes infligées par l'Arcom pour l'éducation aux médias et à l'information. Je considère que ce serait beaucoup plus utile que de les octroyer au Centre national du cinéma et de l'image animée. Je souscris également à votre proposition de délégation interministérielle. Je pense que c'est une bonne idée compte tenu de la situation que nous avons vécue. Je ne pense pas que nous soyons noyés ou dépassés ; il est possible d'agir.
La donnée est la principale matière première de l'économie numérique. Sa valeur réside à la fois dans l'usage qui peut en être fait que dans les croisements possibles avec d'autres données. Là encore, nous pouvons faire en sorte de garantir la transparence des processus de collecte d'information. Nous avons besoin d'une éthique de l'algorithmie. C'est l'un des objets de l' Artificial Intelligence Act en cours de discussion au niveau européen : ce texte a vocation à intégrer des objectifs de politique publique à l'intelligence artificielle. Ma proposition repose sur trois points. Il s'agit tout d'abord d'assurer des conditions d'accès équitables et loyales aux données de consommation des programmes (incluant la géolocalisation des utilisateurs et des audiences des programmes). Il existe actuellement une forte asymétrie entre les plateformes numériques et les groupes audiovisuels (publics ou privés) mais cette asymétrie peut être réduite. Ma seconde proposition consiste à renforcer les règles relatives à l'utilisation et la transmission à des tiers des données recueillies en lien avec la consommation des programmes. Enfin, ma troisième proposition est de créer un dispositif permettant de partager la valeur de la donnée entre l'éditeur et le fournisseur d'accès à Internet. Là encore, il est possible de légiférer pour tempérer la dissymétrie actuelle entre les plateformes et les groupes audiovisuels et médiatiques.
Concernant l'éducation aux médias et à l'information, j'aimerais mentionner deux projets phares : le projet européen De Facto, créé en association entre le Clemi, l'AFP et Sciences Po, qui vise à lutter contre la désinformation, et le programme Désinfox Afrique, qui contribue à la formation des formateurs au Cameroun et en Côte d'Ivoire.
Je partage vos réflexions sur le désordre informationnel. Réguler l'espace de l'information est possible tout en protégeant la fabrication et l'indépendance de l'information, en créant un cadre de la donnée, en renforçant l'éducation aux médias et à l'information par un partenariat solide pour assurer la formation des professeurs et de leurs élèves – avec la contribution des journalistes publics et privés – et en définissant un marché pertinent de l'information – cela existe déjà à l'étranger, et nous pouvons nous appuyer sur des travaux de recherche en la matière. Tout cela ne réglerait pas l'ensemble des problématiques mais cela nous éviterait de nous sentir noyés. Nous disposons déjà d'un certain nombre de mesures « clefs en mains » qui ne sont pas si complexes à mettre en œuvre. Elles contribueraient à réduire le désordre informationnel. Je considère que cela relève d'une volonté politique.