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Intervention de Nathalie Sonnac

Réunion du mardi 4 juillet 2023 à 17h50
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Nathalie Sonnac, présidente du conseil d'orientation et de perfectionnement du Clemi :

Mme Violette Spillebout, je salue la qualité de votre rapport, qui aboutit à la conclusion qu'il est nécessaire de renforcer l'éducation aux médias et à l'information. La question de la responsabilité est cruciale à mes yeux. Nous avons beaucoup entendu parler de la responsabilité des parents récemment mais les professeurs, les journalistes et la société civile dans son ensemble ont une responsabilité. Il s'agit de réfléchir à l'utilisation de ces outils et bien évidemment, la responsabilisation des plateformes est indispensable. La transposition de la directive SMA leur donne l'obligation de produire un rapport sur l'éducation aux médias et à l'information une fois tous les trois ans. Des obligations supplémentaires doivent absolument être introduites afin d'astreindre les plateformes à des obligations de moyens techniques et humains. Elles sont su se mobiliser et s'entendre à l'occasion des attentats de Christchurch. Nous devons chercher à aller plus loin.

Je comprends que vous ayez tendance à vous focaliser sur l'influence des réseaux sociaux sur les jeunes mais lorsque je rapportais tout à l'heure que selon 46 % des Français, la démocratie fonctionne mal, que 29 % pensent que les élections sont faussées, que 79 % sont favorables à la mise en place d'un contrôle de véracité des informations publiées dans les médias, et que 62 % s'informent prioritairement sur les réseaux sociaux, je ne faisais pas référence seulement aux jeunes mais à l'ensemble de la population. Nous naviguons tous sur ces réseaux en permanence et ne cherchons donc pas à stigmatiser les jeunes, même si je comprends vos préoccupations au vu de l'actualité. La défiance vis-à-vis de nos institutions est partagée par l'ensemble de la population. 29 % des Français éprouvent de la défiance aussi bien à l'égard des journalistes que de nos institutions et ce ne sont pas seulement des jeunes, loin de là.

Ne cherchons pas à complètement réinventer l'éducation aux médias et à l'information. Lorsque Jacques Gonnet a créé le Clemi il y a quarante ans, il était animé par la volonté d'établir un pont entre les médias et l'école. L'éducation aux médias et à l'information est très présente dans les écoles, et ce depuis plusieurs décennies. Les enseignants et les professeurs documentalistes assurent l'intégration de l'éducation aux médias et à l'information dans le socle commun des connaissances. Je faisais tout à l'heure référence aux attentats de Christchurch, on pourrait aussi penser à ceux du 13 novembre 2015 et à la décapitation du professeur Samuel Paty. Ces moments forts pour notre nation ont permis de nous faire avancer. Des réformes des programmes ont déjà eu lieu et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de les réinventer complètement. Nous devrions plutôt nous efforcer d'étendre la base existante. La réforme de l'enseignement moral et civique en 2015 et la réforme des programmes de collège avec l'introduction des enseignements pratiques interdisciplinaires, puis la réforme des lycées en 2019, ont élargi l'éducation aux médias et à l'information. Les évolutions des programmes de seconde et de première (filières générales et professionnelles) et la réforme du baccalauréat ont renforcé les enjeux de compétences. J'évoquerai enfin l'entrée en vigueur du cadre de référence des compétences numériques où l'éducation aux médias est omniprésente. La circulaire de 2022 a introduit des référents académiques. Cette mesure est trop récente pour que nous puissions en évaluer les effets. Le tableau que nous dressons de la situation actuelle est sombre mais des avancées ont eu lieu dernièrement.

Il me semble important d'améliorer le pilotage de l'éducation aux médias et à l'information afin que chaque membre du système éducatif comprenne les enjeux liés à sa mise en œuvre. Des plans nationaux de formation ont été établis en collaboration avec le Clemi. Des plans académiques de formation existent aussi dans l'ensemble des territoires. Deux vade-mecum ont été réalisés en 2022 avec pour ambition de renforcer l'approbation aux médias et à l'information par l'ensemble des acteurs. Enfin, j'aimerais insister sur le rôle des professeurs documentalistes, qui n'ont pas la reconnaissance qu'ils mériteraient au sein de l'Éducation nationale. Ce sont très souvent eux qui permettent la réalisation d'activités pédagogiques interdisciplinaires, et l'interdisciplinarité me semble essentielle pour le numérique. La production d'information par des élèves dans le cadre d'activités scolaires me semble également importante. Dans mon propos liminaire, j'appelais à un changement d'échelle : beaucoup d'expériences sont dignes d'intérêt mais reposent exclusivement sur la bonne volonté d'un professeur et ne se retrouvent pas dans d'autres écoles. Je suis favorable à une « industrialisation » de l'éducation aux médias et à l'information du CP jusqu'à la terminale. Les médias participent déjà à cette démarche mais cela devrait être inscrit dans leurs contrats d'objectifs et de moyens et dans leurs conventions et contrats-cadres (notamment avec l'Arcom). Nous avons la capacité d'agir rapidement de faire ensemble que toutes les classes soient concernées.

Bien évidemment, le DSA et le DMA sont des éléments indispensables. L'échelon européen est indispensable. Il est déjà mobilisé, notamment sur la question de la régulation du numérique. J'en appelle à la transformation de la loi de 1986 pour partie, car je la juge trop complexe et désuète par certains aspects – même si d'autres mesures restent d'actualité. Il s'agit d'assurer la protection de l'indépendance de l'information et de l'éducation aux médias et à l'information, qui sont deux piliers essentiels.

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