Nous sommes réunis pour débattre d'un projet de loi visant à autoriser l'approbation de deux accords similaires, conclus respectivement avec le Sénégal en septembre 2021 et avec le Sri Lanka en février 2022. Ces deux accords partagent un même objectif : faciliter l'accès au marché du travail local aux membres des familles des agents des missions officielles. Pour en prendre la mesure, il faut les remettre dans le contexte plus global d'un projet de réforme du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, lancé en 2015 par Laurent Fabius dans un but de modernisation du cadre d'expatriation des agents.
Cet objectif est repris dans le cadre du plan d'action du ministère en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, sujet dont l'importance est capitale. Depuis le début de la législature, le Parlement a ainsi voté en faveur de deux projets de loi autorisant l'approbation de ce type d'accords, conclus avec le Kosovo et avec la principauté d'Andorre ; ils ont eux-mêmes été précédés par une dizaine d'accords votés sous la législature précédente. En tout, la France est liée par des accords bilatéraux de ce type avec vingt-huit États ; s'y ajoute l'échange de notes verbales avec une dizaine de pays, dans le même objectif de facilitation de l'accès au marché du travail pour les conjoints d'agents.
Pour rappel, en l'absence d'accord et en dehors de l'Espace économique européen et de la Suisse, les membres de la famille des agents des missions officielles disposent d'un statut qui peut constituer un obstacle pour exercer une activité rémunérée.
Ainsi, si les conventions de Vienne de 1961 et 1963 sur, respectivement, les relations diplomatiques et consulaires n'interdisent pas le travail rémunéré des personnes à charge des agents de missions officielles et prévoient des exceptions à certains privilèges et immunités en cas d'exercice d'une activité professionnelle salariée, elles n'en confèrent pas moins un statut spécial risquant de faire obstacle à l'exercice d'une telle activité. L'entrée en vigueur de ces deux accords permettra donc une adaptation juridique, qui a été complétée en France par la mise en place d'une procédure administrative simplifiée.
Au-delà de cette adaptation juridique, c'est une modernisation du cadre d'expatriation des agents qui est permise et qui est indispensable pour répondre à des évolutions sociales déterminantes telles que la progression du taux d'emploi féminin au sein du corps diplomatique. Cependant, le Sénégal et le Sri Lanka ne reconnaissent pas d'union légale entre deux conjoints de même sexe. En conséquence, les conjoints français de même sexe ne peuvent pas obtenir dans ces pays de titre de séjour en qualité de conjoint ni se prévaloir de cette qualité. Ils ne sont donc pas couverts par le champ des accords, comme c'est le cas dans plusieurs autres pays, mais peuvent néanmoins obtenir des titres de séjour de droit commun et accéder de cette façon au marché du travail local. Il est important que notre pays demeure attentif à la situation des conjoints de même sexe en situation d'expatriation, afin d'éviter tout risque de discrimination.
Les accords bilatéraux avec le Sénégal et le Sri Lanka ne concernant directement qu'un nombre modeste de personnes, il faut les resituer dans un cadre plus global. Ils faciliteront le recrutement d'un personnel de qualité par le réseau diplomatique, consulaire et culturel français, de même que par les 250 entreprises françaises implantées au Sénégal et éventuellement désireuses d'embaucher des ressortissants français présents sur place.
Au-delà de l'objet précis de ces deux accords, notre débat contribue également à mettre un coup de projecteur sur les situations intérieures du Sri Lanka et du Sénégal. Début juillet, le président sénégalais Macky Sall a annoncé qu'il ne briguerait pas de troisième mandat lors des élections présidentielles de 2024. Notre pays a salué cette décision qui atteste de la solidité de la tradition démocratique sénégalaise. Néanmoins, la situation intérieure reste sensible, compte tenu notamment des attentes dans le pays concernant les candidats qui seront – ou non – autorisés à se présenter, à l'instar de l'opposant Ousmane Sonko, condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » et investi candidat par son parti malgré sa probable inéligibilité.
Si notre relation bilatérale avec le Sri Lanka est moins développée qu'avec le Sénégal, nous ne devons pas moins rappeler que ce pays a traversé une grave crise économique et sociale en 2022 et qu'il s'y manifeste une tendance préoccupante à la restriction des libertés publiques.
Ainsi, mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de l'approbation de ces deux accords et à rejoindre en cela la position adoptée par la commission des affaires étrangères et son président.