Parce que nous aimons l'industrie, laquelle a façonné nos territoires, nous sommes attentifs et attachés à la question de la réindustrialisation et nous réjouissons qu'elle soit examinée. La part de l'industrie dans le PIB est stable, elle s'élève à 11 % après s'être effondrée – chacun l'a relevé.
La question, posée aujourd'hui, est de savoir si ce texte peut redonner à l'industrie française sa force et sa place. Nous passerons du temps sur cette question. D'autres leviers doivent être actionnés, notamment le levier fiscal – vous l'avez souvent actionné en baissant les impôts de production. Cette question n'est pas un tabou. En revanche, il faut mettre fin au saupoudrage. Si nous voulons aider l'industrie, il faut proposer des mesures efficaces, ciblant la CFE – cotisation foncière des entreprises – plutôt que la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Cela passe également par l'emploi. Il est nécessaire de renforcer l'attractivité des filières, de changer l'image des métiers, d'améliorer l'orientation de nos jeunes pour leur donner des perspectives d'avenir, notamment en prévoyant des parcours de réussite – d'autres orateurs l'ont dit avant moi.
Le dernier élément est la question des procédures administratives, que ce texte évoque largement, alors même qu'il ne traite pas des deux premiers points. Nous nous réjouissons que les délais d'instruction soient divisés par deux, ce qui nous permettra d'être au même niveau que nos concurrents européens. Cette mesure va dans le bon sens. Néanmoins, nous devons être vigilants à la place et au rôle des collectivités territoriales, qui sont toujours réduits.
Il faut également prêter attention à la concertation publique qui, si elle était mal organisée, conduirait irrémédiablement à une multiplication des contentieux – donc à un allongement des délais, que nous ne maîtrisons pas forcément – et nuirait à l'acceptabilité.
La libération du foncier en vue de fournir des sites clés en main, la facilitation du traitement des friches et le verdissement de la commande publique sont aussi, reconnaissons-le, des éléments qui vont dans le bon sens.
Mais revenons un instant sur l'expression « industrie verte » : force est d'admettre qu'il s'agit là d'un mirage sémantique propre à la communication politique. L'industrie verte n'existe pas ; elle n'est pas définie dans le texte et ne fait pas l'objet d'une stratégie partagée. Il s'agit, au mieux, d'un timide – j'ai bien dit : timide – verdissement de l'industrie.
S'il existait une volonté de construire l'industrie verte, l'ambition serait globale. Or le projet de loi traite, certes, l'aspect administratif de la question, mais on n'y trouve rien sur le financement – ou si peu ! –, alors qu'il nous avait été présenté comme une réponse à l'Inflation Reduction Act of 2022 (IRA), la loi grâce à laquelle, faut-il le rappeler, le gouvernement des États-Unis a mis sur la table 370 milliards de dollars.
Les crédits d'impôt bénéficieront facilement aux secteurs que l'on appelle les Big five, qui sont déjà en quelque sorte verts, sans présenter plus d'avantages, sauf quelques dispositifs que nous considérons comme inopérants, inefficaces et manquant leur cible ; je pense au plan d'épargne avenir climat.
Rien non plus sur l'emploi ou l'attractivité des métiers. Si la volonté existait de construire une industrie verte et décarbonée, nous prendrions le temps d'aborder ces questions, car nous savons que, dans la tête de nos jeunes, les perspectives d'avenir se construisent sur leur capacité à s'exhausser par leur carrière professionnelle. Or, à cet égard, l'industrie pèche encore par l'image qu'elle renvoie, malgré certaines initiatives.
Au fond, on veut réindustrialiser le pays – c'est une bonne chose – et tenter de verdir son industrie. Pourquoi pas ? Mais cela reste timide et flou. Il n'y a rien, dans le texte, sur une incitation globale à économiser la ressource et on ne s'interroge ni sur les incitations effectives à limiter les émissions de gaz à effet de serre ni sur un changement du modèle de production ; bref, manquent les éléments qui nous permettraient d'affirmer qu'au-delà de la décarbonation, la France veut une industrie verte capable de verdir nos pratiques.
Ce projet de loi, nous l'accompagnerons, sans mirage sémantique ni communication politique – nous vous les laissons –, car nous savons qu'il peut, dans le domaine administratif, aller dans le bon sens, mais il évite soigneusement, hélas ! un certain nombre de piliers indispensables à la réindustrialisation de la France.