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Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du lundi 3 octobre 2022 à 21h30
Fonctionnement du marché du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva :

Le premier texte que notre assemblée examine en ce jour de rentrée parlementaire est un projet de loi qui contourne les partenaires sociaux et les parlementaires. C'est un mauvais signal pour une législature qui devait être placée sous le signe de la concertation et du dialogue.

Notre groupe adhère à l'objectif d'atteindre le plein emploi, cependant nous ne croyons pas que la solution aux difficultés de recrutement viendra de notre seul système d'assurance chômage. La réalité est bien plus complexe.

Avant tout, nous n'adhérons pas à la méthode utilisée par le Gouvernement. Nous déplorons en effet qu'avec ce texte, vous contourniez les partenaires sociaux et le Parlement sur des sujets qui relèvent pourtant pleinement du dialogue social. Certes, l'urgence nous commande d'agir, au regard de l'arrivée à échéance du régime actuel d'indemnisation chômage au 1er novembre. Toutefois, des alternatives plus respectueuses des partenaires sociaux et des parlementaires existaient.

Ainsi, pourquoi ne pas avoir opté pour une prorogation à l'identique du régime actuel, le temps de laisser les partenaires sociaux négocier de nouvelles règles, comme le prévoit la loi ? Alors que nous ne disposons d'aucun recul quant à la précédente réforme de l'assurance chômage, vous souhaitez adopter un nouveau régime indemnitaire sans prendre le temps d'évaluer le régime actuel.

Nous sommes également en désaccord sur le fond. Lier les droits d'indemnisation chômage à la conjoncture économique nous semble malvenu d'un point de vue économique et injuste socialement. S'attaquer aux 40 % des demandeurs d'emploi qui sont indemnisés aurait un effet plus que marginal sur le retour à l'emploi.

Surtout, nous savons d'après le rapport sur le non-recours à l'assurance chômage publié aujourd'hui même que ce phénomène concerne 25 à 42 % des personnes éligibles. Parmi les causes du non-recours, on relève bien sûr un défaut d'information, mais aussi une peur de la stigmatisation. Or, en liant les droits à l'indemnisation du chômage à la conjoncture économique, nous les rendrons encore plus illisibles – d'autant que nous ne savons toujours pas sur la base de quels indicateurs ce lien sera établi.

Finalement, nous regrettons qu'on ne mène pas une réflexion sur l'inadéquation de l'offre à la demande. Rappelons qu'environ 2 millions de personnes indemnisées sont ciblées par ce texte, pour 400 000 offres d'emploi non pourvues. Pour ne citer qu'eux, les secteurs de la plomberie, du transport, de la carrosserie ou de la pharmacie ne cachent pas leurs difficultés à recruter. Pourquoi ne pas engager un véritable audit par région sur l'adéquation des formations proposées au marché de l'emploi ?

Il y a également beaucoup à dire sur l'attractivité salariale de certains métiers. On déplore souvent des pénuries dans les secteurs de l'enseignement, de l'aide à la personne, de l'hôtellerie et de la restauration, qui sont minés par un manque de reconnaissance sociale et salariale.

Enfin, les dynamiques d'emploi sont différentes selon les territoires. En Guadeloupe, je suis souvent interpellé par les employeurs de ma circonscription, où le taux de chômage s'élève à 18 %. Il faut faire des efforts sur les cotisations sociales ; le problème est particulièrement prégnant pour l'embauche des cadres.

Le prisme à travers lequel cette réforme considère les demandeurs d'emploi n'est pas le bon. Parmi eux, il y a de jeunes diplômés en recherche active qui peinent à trouver un emploi, faute de réseau professionnel solide ; des seniors souvent découragés par de nombreux refus ; des entrepreneurs qui ne parviennent pas encore à vivre de leur activité. Les stigmatiser en restreignant leurs droits à une indemnisation est injuste et risque d'accentuer leur précarité.

Comment s'assurer que le caractère restrictif des droits ne devienne pas la règle ? Au lieu de se focaliser sur le durcissement des règles d'indemnisation, veillons à améliorer l'attractivité de certains métiers en tension, à accompagner certains profils en grande difficulté vers des formations adaptées au marché de l'emploi. Accompagnons les employeurs, notamment ceux qui sont implantés sur les territoires qui présentent les plus forts taux de chômage.

Vous l'aurez compris, ce texte, en l'état, ne nous rassure pas. Ainsi, nous proposerons une prorogation à l'identique du régime actuel d'indemnisation chômage, le temps d'organiser une véritable négociation ; des règles plus protectrices en outre-mer, où le taux de chômage frôle les 30 % dans certains territoires ; enfin, une conférence sociale sur les salaires et le partage de la valeur ajoutée. C'est à l'aune du sort réservé à ces amendements que nous nous prononcerons sur le texte qui résultera de nos travaux.

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