Intervention de Jean Terlier

Séance en hémicycle du lundi 10 juillet 2023 à 21h30
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 — Article 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je suis défavorable à ces amendements de suppression des alinéas 8 à 10. Ces dispositions, qui prévoient l'instauration d'un legal privilege à la française, sont particulièrement importantes.

D'abord, je remercie les sénateurs d'avoir introduit ce dispositif, qui est dans l'air du temps. En effet, il vise à défendre la souveraineté des entreprises françaises, qui, précisément parce qu'elles sont privées d'un tel outil, sont considérées comme des pestiférées sur la scène internationale.

Je salue l'important travail réalisé sous la précédente législature par le président Olivier Marleix et par Raphaël Gauvain. Je l'avoue, j'étais alors opposé au dispositif dont nous avions débattu. Les discussions ont repris, en bonne intelligence, avec l'Association française des juristes d'entreprise. Un travail de coconstruction a été mené avec notamment les représentants des barreaux et du CNB, des juristes, ainsi que des avocats du barreau de Paris et de la conférence des bâtonniers. Lorsque nous les avons auditionnés, ils ont tous indiqué être parvenus à un accord sur l'instauration du legal privilege.

Le legal privilege à la française ne constitue pas, contrairement à ce que j'ai pu entendre, une prise de guerre des juristes d'entreprise qui entendraient empiéter sur le secret professionnel des avocats. C'est tout le contraire. En revanche, il faut garantir la confidentialité des consultations assurées en interne par les juristes au profit des dirigeants des entreprises. Aujourd'hui, les analyses et consultations juridiques réalisées dans une entreprise dans le cadre d'un contrôle peuvent être utilisées contre la société elle-même. Ce risque d'auto-incrimination conduit, je le répète, les entreprises françaises à être considérées comme des pestiférées sur la scène internationale. Lorsqu'un juriste d'entreprise, à l'occasion d'une consultation, met en garde sa direction contre tel contrat ou sur la conformité à telles obligations, ladite entreprise pourrait, si ce document venait à être saisi, se voir reprocher d'avoir commis une infraction et être sanctionnée de ce chef.

L'instauration d'un legal privilege à la française met fin à une injustice : nous donnons la possibilité aux entreprises de se battre sur la scène internationale, en les soumettant aux mêmes dispositions que les entreprises étrangères. Évitons que les entreprises ne partent à l'étranger car elles ne bénéficient pas de ce dispositif protecteur.

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