En abordant cet article consacré à l'administration pénitentiaire, je voudrais revenir, monsieur le garde des sceaux, sur votre engagement de construire 15 000 places supplémentaires de prison. Rassurez-vous : je ne mets pas en doute votre volonté politique personnelle ni l'effort budgétaire exceptionnel que vous nous proposez. Permettez-moi cependant d'exprimer quelques interrogations, à la lumière des quarante dernières années : en effet, à plusieurs reprises, notre confiance dans la capacité de l'administration à se surpasser pour réaliser des programmes immobiliers a pu être entamée.
Nous le savons : le défi est considérable. Je me souviens par exemple de la nomination d'un secrétaire d'État spécifiquement chargé des programmes immobiliers de la justice ; et, si aucun de vos prédécesseurs que nous avons connus n'a manqué de volonté politique, il nous faut hélas constater le résultat. Combien de rapports, combien de recommandations, combien de condamnations ? Il est difficile de ne pas porter un jugement sévère face à ce qui apparaît bien comme un échec renouvelé. J'en veux pour preuve assez lamentable le projet de reconstruction de la maison d'arrêt de La Talaudière, dans le département de la Loire, dont je suis élu – un projet tué dans l'œuf, alors que cette reconstruction était indispensable. Elle avait d'ailleurs fait l'objet d'un engagement officiel de deux de vos prédécesseurs.
Malheureusement, une fois encore, le courage politique n'a pas été au rendez-vous ; je ne peux que le déplorer. Pour autant, je ne suis pas naïf : je sais que parmi celles et ceux qui viennent solliciter les ministres à Paris, et qui, la main sur le cœur, nous prennent à témoin dans l'hémicycle pour dénoncer le manque de places de prison, certains, dès leur retour dans leur circonscription, combattent les projets d'implantation – « surtout, pas ça chez nous ! ». C'est un triste constat, mais qui doit nous inciter à beaucoup de modestie.