Que l'on ne se méprenne pas : nous sommes extrêmement favorables au TIG tel qu'il a été conçu par Robert Badinter, c'est-à-dire comme un véritable travail d'intérêt général, ce qui n'est pas la même chose que de considérer que le travail en soi est d'intérêt général – on peut tout à fait défendre la valeur travail, mais ce n'est pas exactement le sens de la mesure.
Dans un premier temps, la mesure était circonscrite aux collectivités publiques et aux associations, à savoir des structures à but non lucratif. Vous en aviez déjà étendu le périmètre à l'économie sociale et solidaire, dont l'activité peut revêtir un caractère lucratif. Même si les entreprises de cette nature exercent des missions d'intérêt général, elles ne font pas seulement cela ; ce n'est pas grave, mais tel n'est pas le sens du TIG.
Ce qui est plus gênant encore, c'est que l'élargissement du périmètre n'est pas justifié par la nécessité de trouver davantage de lieux pour les TIG : il y en a assez de disponibles. Le problème vient du fait que les juges ne prononcent pas assez de TIG. Vous tapez donc à côté.
Le véritable enjeu consiste à développer les chantiers dans la sphère publique, c'est-à-dire les TIG en groupe. Cette forme de TIG permettrait d'avoir un meilleur maillage territorial. Pour cela, il faut des encadrants. Nous avions proposé de financer des postes pour favoriser le développement de tels projets. Il aurait été bien que cela figure dans le projet de loi de programmation : les TIG collectifs ont davantage de valeur et sont plus porteurs.
En réalité, vous esquivez le débat sur le phénomène de vases communicants qui existe entre la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) et les TIG. De facto, il est plus facile de prononcer une DDSE, et les magistrats ont été incités à le faire. Cela explique que les personnes placées sous main de justice se voient davantage condamnées à une DDSE, y compris ab initio, qu'à un TIG. La question n'est pas de savoir si les avocats demandent suffisamment que des TIG soient proposés à leurs clients : c'est la mécanique même du ministère de la justice qui conduit à cette situation. Quand on en arrive au point où même les circulaires incitant à prononcer des TIG ne sont pas suivies d'effet, peut-être faut-il modifier l'échelle des peines ?