Le code d'instruction criminelle ne prévoyait aucun délai pour l'enquête préliminaire, que l'on appelait enquête officieuse et qui durait longtemps. Cette pratique, qui me semble malsaine et nuit gravement aux droits de la défense, a perduré jusqu'à ce que nous imposions des délais, dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Lire dans la presse, lorsque l'on est suspecté, des morceaux choisis du dossier d'instruction auquel on n'a pas accès, est à mes yeux insupportable, d'autant que ce feuilletonnage se déploie dans des conditions souvent attentatoires aux droits inhérents à la présomption d'innocence.
Nous avons donc décidé ensemble de fixer des règles et des délais. Nous avons introduit – c'est une première – du contradictoire, notamment lorsque le nom du suspect est livré en pâture dans la presse et son honneur aux chiens, pour reprendre une expression que nous connaissons tous.
Il s'avère qu'un correctif est nécessaire, car les services d'enquête ne parviennent pas à tenir les délais. Deux solutions s'offrent à nous : revenir à l'état antérieur en abolissant tout délai, ce à quoi je ne suis pas favorable et que je considère comme une régression ; modifier quelque peu les règles en allongeant les délais et en prévoyant la possibilité d'un recours au contradictoire intégral s'ils sont dépassés, ce qui permet au suspect et à son avocat d'intervenir dans le cadre de la procédure et de faire valoir les droits qui sont les leurs.
Il ne faut pas perdre de vue le fil rouge de la réforme : donner à la justice davantage de moyens. Vous en avez d'ores et déjà consenti au ministère de l'intérieur. Une fois adoptées toutes les dispositions afférentes, les délais seront réduits de facto et nous pourrons prévoir leur diminution dans la loi. Pour l'heure, il faut être pragmatique et non idéologue. Ceux qui sont suspectés pendant trois, quatre, voire cinq ans bénéficient d'authentiques avancées. Il est indispensable de nous conformer à la réalité. Telle est la raison d'être des modifications introduites par le Gouvernement dans le projet de loi.