Intervention de Laurent Bach

Réunion du mercredi 21 juin 2023 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Laurent Bach, professeur associé de finances à l'Essec Business School, responsable du programme « Entreprise » à l'Institut des politiques publiques (IPP) :

En tant qu'universitaire, je souhaite revenir sur les critiques adressées au concept de revenu non distribué. En l'occurrence, sous prétexte qu'un revenu n'est pas réinvesti, certains considèrent qu'il ne faut pas l'envisager comme un revenu. Cela n'est pas pertinent, à notre avis. Quand une part du salaire est utilisée pour amortir le prêt d'une maison, ce salaire est pourtant compté comme un revenu. L'épargne ne doit pas conduire à exclure ce revenu du raisonnement.

Simplement, le réinvestissement se passe à l'intérieur d'une société : l'épargne a lieu via une société. D'ailleurs, au niveau de la comptabilité nationale, une très grande quantité de l'épargne brute de notre pays se passe dans les sociétés, ce qui n'était pas autant le cas il y a une trentaine d'années. La question de cette épargne, de son utilisation et de son rendement est ainsi essentielle, mais nous n'avons pas vocation à nous déterminer avec une seule étude. Cependant, d'un point de vue économique, le fait d'intégrer dans un concept de revenu une partie de l'épargne, ne devrait pas donner lieu à controverses.

En revanche, il peut y avoir débat pour savoir à quel point ce revenu épargné est véritablement à la disposition des actionnaires, alors même qu'il dort dans une société, pour aider à l'objet social de cette société et non pas directement contribuer au bien-être des actionnaires qui la constituent.

Vous avez raison : il existe une tradition française et continentale en droit des sociétés, qui distingue nettement les personnes physiques et morales pour certaines sociétés. Cependant, il ne faut pas naturaliser le droit, y compris le droit français. Depuis trente ans, le concept juridique de société a notoirement évolué et a contribué à rapprocher singulièrement la société de ses actionnaires. Je pense notamment au concept de société par actions simplifiées (SAS). Il est beaucoup plus facile aujourd'hui qu'il y a trente ans de tenir une société pour un actionnaire individuel.

En revanche, le droit fiscal n'a pas forcément suivi cette évolution de son côté. De ce point de vue, dans les revenus, nous n'avons pas intégré ceux des actionnaires qui n'avaient pas de pouvoir sur leur distribution lors des assemblées générales. Nous avons précisément voulu rentrer dans cette « boîte noire » de la distribution. Lorsque l'on détient 100 % des actions d'une SAS dont on a décidé des statuts de manière très libre, peut-on vraiment considérer que la société dispose d'une personnalité spécifique, dont l'objet est différent de son détenteur ?

Dans certains pays, la porosité est beaucoup plus assumée. En France, l'évolution du droit des sociétés depuis trente ans a contribué à singulièrement rapprocher les actionnaires des sociétés, sans que le droit fiscal n'ait lui-même suivi cette évolution. Dans de nombreux pays, l'intégration fiscale des revenus des sociétés, y compris les sociétés à responsabilité limitée, est devenue de fait le standard, notamment aux États-Unis. Dans ce cas, les revenus sont taxés à l'IR, selon un mécanisme de transparence fiscale. Ce système existe d'autant plus qu'il est progressif : lorsque votre société produit peu de revenus, vous êtes peu taxé. Il bénéficie aux petits entrepreneurs qui ont besoin de fonds propres.

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