Intervention de Antoine Bozio

Réunion du mercredi 21 juin 2023 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Antoine Bozio, directeur de l'IPP, maître de conférences à l'EHESS et professeur associé à PSE :

Les données utilisées concernaient bien l'année 2016, c'est-à-dire avant l'ensemble des réformes sur la fiscalité du capital mises en place en 2017. Nous avons commencé ces travaux dans le cadre du comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital. Nous avons choisi 2016 pour pouvoir avoir une chance de mesurer ces réformes à l'aune de la manière dont les ménages et les entreprises potentiellement touchées par ces réformes auraient pu réagir. Nous travaillons avec la DGFIP pour pouvoir étendre cet appariement à des années plus récentes. Il s'agit là aussi d'un travail long, qui prend du temps, pour obtenir une mesure des évolutions.

La mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) est intervenue, avec un taux plus faible d'imposition sur les revenus du capital, et elle a induit un changement dans la distribution des profits. En réaction au PFU, il y a eu un afflux de distribution de dividendes. À la fin, il pourrait donc y avoir un effet double où les revenus non distribués seraient plus apparus sur la feuille d'imposition du revenu – dans ce cas, le taux d'imposition à l'IR augmente –, alors même que l'ensemble des revenus seraient taxés à un taux plus bas.

L'autre mesure qu'il faut avoir en tête concerne le changement de l'impôt sur les sociétés. Ici encore, les effets peuvent être assez variables. Les données chiffrées sur l'importance de cette imposition pour les plus hauts patrimoines peuvent entraîner un effet à la baisse du taux global. Cependant, au sein des profits non distribués, une grande partie est réalisée à l'étranger et donc taxée à l'IS à l'étranger. On pourrait donc voir un mécanisme de substitution entre des profits qui étaient au préalable « shiftés » dans des profits à l'étranger et qui ont pu être « reshiftés » au sein des profits taxés en France, et avoir in fine un effet positif sur les impôts payés en France.

Il sera essentiel de regarder ces données, car il n'est pas évident de savoir dans quelle mesure les réformes sur la fiscalité du capital, parce qu'elles touchent des foyers fiscaux dont une partie des revenus sont très largement des revenus de profit international, les ont conduits à réagir aux modifications. Je suis d'accord sur la nécessité de faire ce travail avec des données plus récentes, pour voir de manière plus complète quelle est l'importance de ces éléments.

Ensuite, M. le président, vous nous avez interrogés sur les risques de fuite à l'étranger si le législateur taxe ces ménages de manière beaucoup plus importante. Il existe peu d'éléments robustes sur la sensibilité de ces ménages à la localisation, mais je ne peux pas vous dire que le risque est nul. Les pays voisins ont des taux d'imposition qui peuvent être faibles pour ces cas-là. La question de la sensibilité à des taux d'imposition reste donc ouverte.

La raison pour laquelle l'IPP n'a pas communiqué sur un chiffrage potentiel de la réincorporation de l'ensemble de ces revenus dans un impôt progressif personnel tient au fait que nous ne sommes pas en mesure de donner l'ampleur des réactions comportementales de délocalisation et de modifications patrimoniales qui viendraient minorer le chiffre de recettes fiscales. Il est essentiel de ne pas mettre dans le débat public des éléments qui seraient faux. En revanche, il est exact qu'un petit nombre de foyers fiscaux contrôlent une partie importante de l'activité économique et donc des profits générés. On ne peut donc pas nier l'importance économique, mais aussi l'importance potentielle de la chose en termes de recettes fiscales.

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