Mon propos se concentrera sur la méthodologie adoptée dans notre travail. Notre étude a pour objet de mesurer la progressivité du système fiscal, c'est-à-dire le fait que le taux moyen d'imposition par rapport à la capacité contributive augmente avec celle-ci.
Pour mesurer la capacité contributive, il faut choisir une mesure du revenu qui reflète la capacité contributive des contribuables. Ici, nous avons retenu la métrique du revenu réalisé et contrôlé par les foyers fiscaux, ce qui implique de ne pas intégrer le revenu latent (par exemple les plus-values latentes) ou un revenu sans une forme de contrôle sur sa possible utilisation (par exemple les profits non distribués de sociétés de la part de petits porteurs).
Il s'agit donc d'un ensemble de revenus, plus large que le revenu fiscal, mais qui repose sur des revenus réalisés et qui ont déjà eux-mêmes fait l'objet de taxes existantes. Cette mesure des revenus est effectuée au niveau du foyer fiscal.
Nous présentons deux concepts du revenu : le revenu fiscal et le revenu économique contrôlé par les foyers fiscaux. Le revenu fiscal de référence (RFR) est la mesure habituelle des revenus soumis à l'impôt sur le revenu, soit un revenu net des cotisations sociales.
Le revenu économique contrôlé par les foyers fiscaux est quant à lui constitué de la manière suivante : nous ajoutons au revenu fiscal deux types de revenus non imposés à l'IR, d'une part les cotisations sociales non-contributives pour obtenir un revenu d'activité brut ; et d'autre part, les profits non distribués des sociétés contrôlées par les foyers fiscaux au prorata de leur part de détention. Nous effectuons donc une sorte de consolidation du revenu de l'actionnaire et de celui des sociétés contrôlées. Cette définition permet d'être moins sensible au traitement fiscal des bénéfices et de rendre plus comparables les mesures de revenus. En effet, dans certains pays comme les États-Unis, une grande partie des revenus des sociétés est imposée à l'IR et apparaît donc dans le revenu fiscal. C'est beaucoup moins le cas en France. Cette mesure du revenu économique est donc moins sensible au contexte institutionnel et favorise les comparaisons entre les pays et dans le temps.
Les cotisations contributives (retraite et chômage) sont exclues, car elles financent des prestations déjà incluses dans le revenu fiscal et économique. Enfin, le contrôle des revenus des sociétés est mesuré comme le fait d'être un actionnaire de référence (détention supérieure à 10 % des parts d'une entreprise), ou comme le fait d'être réputé avoir une position de contrôle de la société.
La distribution du revenu fiscal et du revenu économique montre que ce dernier est plus large (33 000 euros en moyenne, contre 26 000) et que cet écart est assez stable en proportion, jusque très haut dans la distribution. En revanche, quand on rentre dans le top 0,1 %, puis dans le top 0,001 %, on constate une divergence, où les revenus économiques sont largement supérieurs au revenu fiscal. Cela reflète le fait que ces revenus sont très concentrés, mais aussi que les individus qui disposent des revenus économiques plus élevés ont des sociétés qui ont des propensions plus faibles à distribuer des dividendes et donc à faire apparaître une partie de leurs bénéfices dans le revenu fiscal des actionnaires.