Je vais vous parler de la Guyane et de ses paradoxes.
Dans la balance commerciale guyanaise, il y a 90 % d'importations et quasiment pas d'exportation. Sur la question des prix, il y a un équilibre à trouver : seul le développement d'une économie endogène permettra de résoudre les problèmes structurels de la Guyane. Or celle-ci possède des ressources énormes.
On le sait, le plateau maritime des Guyanes, y compris la zone économique exclusive au large de la Guyane, recèle du pétrole et du gaz. Le Guyana les exploite et, selon le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, son PIB par habitant dépassera dans trois ans celui de la France. Mais pour nous, la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite « loi Hulot », interdit toute exploitation des hydrocarbures, au nom de la protection de l'environnement. Pendant ce temps, une multinationale française, Total, exploite dans les eaux de nos voisins – le paradoxe est d'autant plus fort que la Guyane serait immédiatement touchée par un quelconque problème de sûreté lié à l'exploitation. Petrobras, avec d'autres consortiums, s'apprête aussi à exploiter du pétrole et du gaz dans le Nordeste au Brésil.
Que pensez-vous de l'organisation d'une conférence spécifique sur l'économie de la Guyane ? Alors que nous devrions nous appuyer sur nos multiples ressources – car il y a aussi la biodiversité, la forêt – toutes les politiques publiques ont jusqu'à présent mis sous cloche le territoire.
Autre paradoxe, pendant que nous n'exploitons pas nos ressources, les garimpeiros extraient depuis près de quarante ans 10,5 tonnes d'or chaque année, soit l'équivalent du budget de la collectivité territoriale. Dans le domaine de la pêche, l'activité illégale fait autant de dégâts sans que nous n'en récoltions le moindre fruit. Il ne reste que quinze des cent cinquante opérateurs miniers, et six des deux cents chalutiers qui pêchaient notamment la crevette destinée aux marchés des États-Unis, du Japon et de la Corée.
Les réalités guyanaises sont totalement différentes de celles des autres territoires d'outre-mer. Il est indispensable que les politiques publiques prennent en considération tous les atouts dont dispose la Guyane. Nous sommes arrivés au bout du schéma de l'économie sous perfusion et de la commande publique.
De surcroît, le territoire connaît une croissance démographique hors norme. La population officielle actuelle, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), est d'environ 300 000 habitants, sachant que le vrai chiffre serait plus proche de 450 000 d'après les données agrégées des collectivités locales. Ces dernières souffrent de cet écart puisqu'elles ne reçoivent pas les dotations de l'État correspondantes pour financer les politiques et les équipements nécessaires. Quoi qu'il en soit, en 2040, le nombre d'habitants devrait atteindre 570 000 selon les prévisions officielles.
Des décisions doivent donc être prises urgemment pour, à l'inverse de ce qui a été fait jusqu'à présent, développer une économie endogène, garante de la redistribution et d'un équilibre entre les enjeux environnementaux et les nécessités de l'aménagement du territoire.