Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du jeudi 8 juin 2023 à 8h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Bruno Le Maire, ministre :

Je ne suis pas là pour distribuer les bons ou les mauvais points aux responsables politiques, mais pour répondre aux questions des parlementaires sur la situation en outre-mer. Je l'ai dit : il est évident que l'octroi de mer doit faire partie des réponses structurelles à la question de la vie chère en outre-mer ; évacuer ce sujet reviendrait à ne pas remarquer l'éléphant dans la pièce.

Néanmoins, je ne pense pas qu'il soit sage de prendre des décisions sur l'octroi de mer contre l'avis de la plupart des responsables politiques locaux – j'en ai été un pendant des années. Je ne peux pas dire, dans l'Hexagone, qu'il faut écouter les élus locaux parce qu'ils connaissent la réalité locale et, aux Antilles, que nous savons mieux qu'eux ce qui est bien pour eux. Or tous les élus locaux que j'ai rencontrés – aucun ne faisant partie, je le précise, de ma famille politique – m'ont demandé de conserver l'octroi de mer. Aucun élu local ou national que j'ai rencontré ne m'a dit qu'il faut tirer un trait sur l'octroi de mer. J'en déduis que le supprimer n'est sans doute pas la bonne option. Je ne crois jamais qu'il soit bon de prendre des décisions qui vont contre l'unanimité, ou presque, des élus locaux.

En revanche, je pense qu'il faut modifier en profondeur ce système complètement baroque, qui ne marche pas. Cela demande un travail technique très lourd et très complexe : des milliers de produits sont concernés, les systèmes de taxation sont parfois différents d'un produit à l'autre. Les sommes en jeu sont extrêmement élevées : le produit de l'octroi de mer est passé, de 2019 à 2022, de 1,2 à 1,47 milliard d'euros. On ne parle donc pas d'une redistribution de petites sommes. Enfin, quand on fait une réforme, il vaut mieux viser un objectif, et un seul. Le mien est de baisser les prix.

Lors du conseil interministériel des outre-mer (Ciom), quelle méthode vais-je suggérer d'employer ? D'abord, associer tous les élus locaux à la réforme. Ensuite, poursuivre le travail technique que nous avons engagé produit par produit, en mettant la taxation en regard de la production locale. L'octroi de mer est intéressant sur les seuls produits fabriqués dans ces territoires : c'est une protection. Les outre-mer ont besoin de cette protection tarifaire – j'assume le terme. En revanche, pour les produits qui n'en sont pas issus, comme le riz – il existe des projets de développement de la riziculture, mais très modestes au regard de la consommation de riz – je suis favorable à une baisse de la taxation, de façon que nos compatriotes payent le juste prix. Enfin, il faudra effectivement trouver un moyen de compenser la baisse de recettes pour les collectivités locales.

Je ne propose pas la suppression de l'octroi de mer parce que je pense que le remède serait pire que le mal, notamment parce que l'on mettrait en grandes difficultés beaucoup de collectivités locales. En revanche, il faut donc examiner la question type de produit par type de produit, en conservant un dispositif de protection tarifaire pour ceux qui sont fabriqués dans ces territoires et en levant toutes les taxes sur les produits qui ne sont pas disponibles sur ces territoires, tout en veillant à compenser la baisse de recettes pour les collectivités.

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