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Intervention de Annick Girardin

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 10h05
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Annick Girardin, inspectrice générale de l'éducation, du sport et de la recherche, ancienne ministre des outre-mer :

Je voudrais ajouter un point que je n'ai pas mentionné précédemment : nous n'oublions pas les fonds européens, qui viennent soutenir les intrants productifs et l'activité de fret. Je crois qu'il faudra avoir à l'esprit l'échelon européen au moment de faire des propositions pour l'avenir.

Nous avons d'ailleurs d'importantes marges de progrès dans l'utilisation des crédits des fonds structurels européens, pour la quasi-totalité des territoires, à l'exception des plus petits d'entre eux.

Je ne porterais pas de jugement. C'est à travers l'étude de l'Autorité de la concurrence que j'ai eu connaissance de certains faits. Lorsqu'on se trouve sur place, on dénonce un certain nombre de choses mais, dans la phase de vérification, rien n'a jamais été démontré, qui permette à un ministre d'agir de manière plus vigoureuse que ce qui a été mis en place. Parfois, le contrôle ne s'effectue pas, peut-être en raison des moyens qui y sont alloués.

S'agissant des prix, il peut exister des monopoles mais il y a aussi la question du transport et celle du grossiste-importateur. Il faut tenir compte de tous les maillons qui participent à la formation du prix. C'est par une analyse fine que l'on peut identifier à quels maillons les coûts s'élèvent et cette analyse est indispensable avant de pouvoir affirmer qu'une situation de monopole crée un danger. Dans certains territoires tels que le mien – Saint-Pierre-et-Miquelon, qui compte 6 000 habitants – il paraît difficile d'éviter une situation de monopole, dans certains secteurs. Il y a d'autres territoires où, pour des raisons similaires, même si elles présentent une moindre acuité, la situation est compliquée aussi.

À La Réunion, la taille du bassin – près d'un million de personnes – offre davantage de possibilités pour qu'il existe une concurrence. Faut-il que l'État contrôle tous les prix ? Je n'y crois guère. Cela aurait d'autres effets négatifs. Faut-il qu'il participe davantage, comme l'Europe, au soutien du fret et, si oui, sous quelle forme ? À Saint-Pierre-et-Miquelon, la délégation de service public maritime (DSP) existe entre Halifax, qui est le port desservant aujourd'hui le territoire. Elle n'existe pas entre l'Union européenne et le Canada. Il s'agit pourtant d'une partie importante de la dépense, avec des coûts de traversée de l'Atlantique, pour les containers, pouvant aller de 8 000 euros à plus de 20 000 euros, sans compter d'autres éléments qui s'ajoutent ensuite. Nous voyons bien que la situation n'est pas si simple. Peut-être faut-il un autre type d'accompagnement de nos territoires en la matière. Pensons à Wallis et Futuna et à ce que cela voudrait dire. Cette réflexion n'est pas menée. Nous devons aller au-delà de la question des monopoles et nous demander quels sont les modèles d'importation, pourquoi d'autres modèles, dans la région, semblent mieux fonctionner, si l'on produit davantage localement, etc. L'on peut ensuite déterminer ce que représentent les produits importés et dans quelles conditions ils peuvent l'être. Ce travail me paraît nécessaire pour parvenir à construire quelque chose au-delà de cette commission d'enquête, afin d'apporter des réponses justes et équitables à nos concitoyens.

J'ai un grand regret : le Livre bleu de 2018 évoque la création d'une plateforme de recherche pour chaque territoire ultramarin. J'ai déployé des efforts pour qu'au moins deux de ces plateformes se mettent en place. Elles n'ont pas suscité l'intérêt des collectivités, où que ce soit. C'est dommage. Les financements étaient disponibles, de même que les opérateurs. Aujourd'hui, lorsqu'on recherche des informations sur la recherche outre-mer, on ne trouve aucune donnée. Cela me semble une erreur du point de vue de l'attractivité de nos territoires, en particulier si l'on songe à la place qu'ils représentent en matière de biodiversité. À l'évidence, en comparant le budget dédié à la protection de la biodiversité outre-mer à la part de celle-ci dans la biodiversité de notre pays, il y a de quoi se mordre les doigts. Il m'est arrivé de le souligner dans certains discours. Le « réflexe outre-mer » que j'ai intégré a été régulièrement rappelé par le Président de la République en Conseil des ministres. Le Premier ministre, Édouard Philippe, l'a régulièrement rappelé aussi dans les arbitrages qu'il a pris. Il faut se souvenir qu'on parlait alors, à propos du ministère des outre-mer, du « petit Matignon ». Le tapis rouge était déroulé durant des années pour le ministre des outre-mer. Je trouvais que c'était une erreur. Les territoires ultramarins ne pouvaient rester à part et n'être soutenus que par le ou la ministre des outre-mer : chacun des ministres devait se rendre sur place pour prendre la mesure de la réalité des territoires ultramarins. Jamais des ministres aussi nombreux ne se sont déplacés en outre-mer que lors du dernier quinquennat. Jamais le Président de la République ni le Premier ministre ne se sont rendu un tel nombre de fois dans les territoires ultramarins. C'est une vraie réussite. Le « réflexe outre-mer » perdure et le relais a été pris par d'autres. Il transparaît dans tous les discours et je m'en félicite.

Je n'ai pas le temps de développer mon propos sur le thème de la recherche mais celui-ci est important. Nous avons besoin de la présence de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) en outre-mer, de même que pour l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Nous avons besoin d'investissements plus nombreux dans la recherche. Reprenez le Livre bleu. Battons-nous pour qu'il existe une plateforme de recherche sur chacun des territoires ultramarins. C'est une vraie réponse. Les collectivités ont-elles craint que l'État leur impose ces structures ? Tel n'était pas, en tout cas, l'objet de cette proposition. Il s'agissait de montrer ce dont ces territoires étaient capables, en constituant des bases de recherche plus importantes qui auraient également bénéficié à l'ensemble des États insulaires voisins, auxquels un soutien pourrait être apporté en matière de recherche.

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