Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, présents dans cette salle ou à distance, comme vous l'avez indiqué, j'ai été nommée ministre des outre-mer en juin 2017, avec notamment pour mandat de tenir les Assises des outre-mer. Malgré de nombreuses lois de programmation ou même la loi « égalité réelle » (loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, dite loi EROM), le Président de la République Emmanuel Macron avait le sentiment que la parole devait être rendue aux acteurs de terrain, une nouvelle fois pour parler, sans tabou, de leurs aspirations, des moyens à mettre en œuvre afin qu'ensemble, nous « fassions République ».
Oui, trois fois oui, les Ultramarins sont confrontés à des prix structurellement plus élevés qu'en métropole. En effet, lorsqu'on ajoute les éléments conjoncturels (augmentation du coût du carburant, du transport, des matières premières, effets de la guerre en Ukraine), la situation est très préoccupante pour bon nombre de nos concitoyens. Je peux en témoigner personnellement car je vis de plus en plus sur mon territoire, Saint-Pierre-et-Miquelon, qui connaît d'ailleurs le taux d'inflation le plus élevé de nos territoires ultramarins, avec une inflation de 9,3 %, contre 6,8 % au Canada voisin et 5,2 % en moyenne en France.
Nous sommes tous touchés mais traiter de la question de la vie chère sans rappeler la réalité de ces territoires serait sans doute trompeur. Aussi vais-je élargir le propos. Néanmoins, lorsqu'on tente de regrouper les territoires ultramarins par géographie, en fonction de leur histoire ou encore selon leur organisation politique et statutaire, il est bien difficile d'invoquer une quelconque homogénéité. La Réunion et Mayotte sont toutes deux dans l'Océan indien mais plus de 1 800 kilomètres les séparent. Leur histoire, leur sociologie et leur organisation politique ne se ressemblent guère, pas plus que Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ne présentent les mêmes spécificités. Le constat vaut aussi pour les Antilles et la Guyane ou encore pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, dits « les trois Saints » malgré leurs grandes différences.
Il faut donc, comme l'a initié mon prédécesseur, Victorin Lurel, parler des outre-mer, de leurs réalités propres et de leurs aspirations. Tel était l'objectif des Assises de l'outre-mer que j'ai conduites dès ma prise de fonction. Après de nombreuses consultations et de nombreuses rencontres (26 000 participations, 550 ateliers, 219 réunions publiques), nous avons pu établir une feuille de route qui a constitué ma feuille de route durant les trois années au cours desquelles j'ai piloté le ministère des outre-mer. Cette feuille de route a été présentée dès janvier 2018 par le Président de la République.
Elle est faite par territoire. Elle répond aux réalités de nos concitoyens. Elle parle de la vie des gens, ce qui est très important. La question de la vie chère ne ressortait pas, alors, comme la préoccupation première des Ultramarins. Nous n'avions pas encore connu le Covid ni les conséquences de la guerre en Ukraine. Les priorités mises en avant par nos concitoyens en outre-mer portaient sur les services publics essentiels, le logement, la sécurité ou encore la formation de nos jeunes.
Les élus avaient également souhaité que l'on accompagne leurs collectivités dans leur transformation et en tenant compte de leurs spécificités, en travaillant notamment à un certain nombre d'autonomies supplémentaires qu'ils souhaitaient obtenir. Je n'ai pas refusé le débat mais les élus avec lesquels j'ai dialogué, durant ces trois années, n'ont pas souhaité véritablement travailler sur ces enjeux du coût de la vie. Sans doute les autres préoccupations étaient-elles alors plus centrales. Les choses sont un peu différentes aujourd'hui. Les chefs d'entreprise, eux, souhaitaient que nous parlions de compétitivité, d'innovation et de marché intertropical. Nous avons répondu à cette aspiration. À l'issue de ces Assises des outre-mer s'est ainsi formée une vision pour ces territoires qui constituent des fers de lance du rayonnement culturel, économique et politique de la France dans les trois océans. Je ne détaillerai pas l'ensemble des très nombreuses mesures qui ont fait l'objet d'arbitrages et ont été mises en œuvre dans le cadre de cette feuille de route.
Je souhaite évoquer un outil qui n'a, à regret, pas été assez utilisé, qu'on a appelé la matrice de convergence et de transformation. Mais avant d'en venir à ce point, je voudrais parler, comme nous allons évoquer la vie chère, de la réalité économique des petits territoires insulaires. Lorsque l'on regarde les petits territoires insulaires, tels que définis par l'Organisation des Nations unies, parmi lesquels les régions ultrapériphériques, force est de constater que ces territoires sont d'abord définis par leurs contraintes. Lorsqu'on observe leurs ressorts économiques et leurs choix de développement, on constate qu'ils sont soit basés sur l'extraction de ressources minières, soitsur le développement touristique (« very all inclusive » ), avec son cortège de conséquences. Il était hors de question que l'on base le développement de nos territoires sur les jeux de hasard, la fourniture de services financiers ou sur des dispositions qui en auraient fait des paradis fiscaux, et aucun élu n'a remis en question cette vision. Il fallait donc penser les choses autrement. Il nous faut construire autre chose que ces modèles qui peuvent nous entourer.
Cela suppose d'accepter les transferts publics qui existent aujourd'hui et de présenter d'autres perspectives. C'est ce qui a été fait. Nous devons éviter la vision mortifère qui ne se fonderait que sur l'indicateur du PIB par habitant. Tel est l'objet d'un outil bâti dans le cadre des Assises mais qui n'a pas été suffisamment utilisé à mon avis : la matrice de convergence et de transformation. Cette matrice figure en pages 106 et 107 du Livre bleu, lequel constitue le résultat des Assises des outre-mer et expose une stratégie qui, durant tout ce quinquennat, a été mise en action.
Nous avons bâti cette stratégie en nous appuyant sur la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi EROM », portée par Ericka Bareigts. Il n'était aucunement question pour moi de créer une rupture avec l'action de mes trois prédécesseurs (Victorin Lurel, George-Pau Langevin et Ericka Bareigts). Je faisais également partie de ces gouvernements et estimais qu'il fallait, le plus possible, rechercher la continuité. C'est dans cet esprit qu'ont été repris les plans de convergence, en y ajoutant la notion de transformation, car celle-ci était indispensable. J'ai également souhaité que nous travaillions sur les dix-sept objectifs de développement durable des Nations unies, qui dépeignent un monde plus juste et plus équitable dont nous rêvons tous. Souvent écrit, cet horizon n'est malheureusement jamais pris en compte dans les actions concrètes présentées.
C'est une approche globale du développement qu'il fallait faire prévaloir et qui a guidé notre démarche. La question de la vie chère constitue l'une de ces briques. La vision large à privilégier dans une telle démarche incluait l'âge moyen de vie en bonne santé, les niveaux d'éducation, l'accès aux soins, l'accès aux services publics, le logement ou encore la sécurité. Toutes ces données figurent dans cette matrice.
Je ne crois guère à la possibilité de recourir à une baguette magique et tous les ministres que vous avez auditionnés ou qui viendront devant vous tiendront certainement le même propos. Il ne suffit pas de dénoncer les choses pour les résoudre, et il apparaît rapidement à quiconque que résoudre les problèmes est bien plus compliqué que les dénoncer.
Nos politiques publiques doivent s'inscrire dans le temps et nul ne peut croire que des difficultés héritées de l'histoire peuvent être résolues par un(e) seul(e) ministre durant son mandat : il faut que toutes les collectivités s'y investissent, car elles ont aussi des responsabilités dans divers domaines (petite enfance, vieillesse, insertion, développement économique) et nous devons ensemble relever ces défis qui nous frappent. Si nous persistons dans les oppositions existant parfois entre l'État et les collectivités, sur un certain nombre de dossiers, nos projets resteront stériles ou pourraient même conduire à l'aggravation de certaines situations. Le plus grand risque est de faire imploser, par endroits, le pacte républicain, même si les menaces sont déjà là.
En tant que ministre des outre-mer, j'évoquais volontiers le « sentiment de vie chère ». Il ne s'agit évidemment pas d'amoindrir ni de nier la difficulté. Cette expression nous invite seulement à embrasser le sujet dans une vision large qui inclut la structuration des prix (du fait de l'éloignement, l'insularité, la petitesse de nos territoires et la taille des marchés) mais aussi les revenus, qui sont plus faibles dans les territoires ultramarins que sur le continent. En 2015, année de ma prise de fonction, les écarts de prix entre les départements et régions d'outre-mer (DROM) et la métropole allaient de 6,9 % pour Mayotte à 12,5 % pour la Guadeloupe. L'écart de prix en défaveur des territoires ultramarins était particulièrement élevé dans les DROM, notamment pour les produits alimentaires, les communications, les boissons alcoolisées et le tabac. Ces écarts s'expliquent par la structure même des marchés ultramarins. Il existe une abondante littérature sur ces sujets.
En 2012, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer permet de revoir, au moins aux Antilles et en Guyane, le mode d'administration des prix des carburants. Pour l'ensemble des départements d'outre-mer, elle crée le bouclier qualité-prix (BQP), qui encadre les prix d'une liste de données et de produits, sans enfreindre les règles du commerce. En application de ce dispositif, les prix des carburants sont moins élevés qu'en métropole. Les cours sont, dans une certaine mesure, lissés et varient de façon moins brutale. La fiscalité est aussi plus faible que dans l'Hexagone – paramètre qu'il ne faut pas oublier.
J'ai décidé de maintenir et de renforcer ce dispositif du BQP, car il est efficace, pourvu qu'on veuille bien l'encadrer et le doter des moyens dont il a besoin pour fonctionner. J'ai ainsi rapidement impulsé une amplification de la dynamique et souhaité l'augmentation du nombre de produits entrant dans ce mécanisme. J'ai également demandé, au vu de la liste initiale de produits, que l'on travaille avec des nutritionnistes afin que le dispositif ne favorise pas seulement des produits qui seraient à déconseiller pour la santé. Lors de la crise des gilets jaunes, à La Réunion, j'ai immédiatement imposé une baisse de 10 % du montant total du panier du bouclier qualité-prix. Cela n'a pas été facile mais nous avons négocié cette diminution en quelques semaines et elle est entrée en application.
La structure même des marchés suscite aussi des interrogations légitimes. Comme vous le savez, l'Autorité de la concurrence a rendu un rapport en 2019, à ma demande. Il établit des constats assez clairs quant au fonctionnement de la concurrence, concernant les importations et la distribution de produits de grande consommation en outre-mer. Je crois que ce rapport, que j'ai rapidement relu ces derniers jours, reste pleinement d'actualité. Il montre que, malgré la hausse des prix liée à l'importation des denrées, seuls 26 % des marchandises des distributeurs proviennent de la production locale. Ce constat résulte d'une insuffisance, voire de l'absence de production locale, pour certains produits, et du déficit de compétitivité des biens produits localement, par rapport à ceux qui sont importés. Il peut aussi s'avérer moins coûteux d'importer que de soutenir une production locale. C'est une question de choix, étant entendu que tout ne peut pas être produit localement.
Dans le même temps, il est plus aisé de disposer d'un tissu industriel solide lorsque son marché intérieur est constitué de près d'un million de personnes et qu'il continue de croître, ce qui est le cas à La Réunion, que lorsqu'il est formé par 400 000 personnes et que ce nombre décline, comme à la Martinique. Les possibilités, sur le plan du fonctionnement des marchés, sont évidemment bien différentes dans l'un et l'autre cas. La rareté du foncier économique aménagé, la faiblesse des marchés, la possibilité de réaliser des économies d'échelle, rendent la production locale moins compétitive que l'importation. Le différentiel d'octroi de mer, sur lequel nous reviendrons, entre aussi en ligne de compte.
On évoque souvent l'octroi de mer et la taxe de consommation. Il faut aller au bout de cette réflexion. L'octroi de mer autorise les DROM à taxer certaines marchandises importées ou la livraison de biens produits localement. Le taux d'octroi de mer, fixé par la région, peut varier de zéro à 15 %. Le taux moyen d'octroi de mer est de 15 % en Guyane et de 7 % en Guadeloupe et à la Martinique. Il est de 4 % à La Réunion. Ce sont des questions de choix. D'autant que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui ne s'applique pas exactement de la même manière dans la formation des prix, est plus faible en outre-mer. Elle est nulle à Mayotte et en Guyane. Là aussi, des disparités existent, ce dont il faut tenir compte. Dans le budget de l'État, le soutien que constitue cette possibilité de modulation représentait 1,5 milliard d'euros annuel.
Les débats ont été nombreux, quant à l'opportunité du maintien de l'octroi de mer. Vous l'aurez aussi. Il n'est guère évident de soutenir sa suppression, qui serait synonyme d'une baisse des ressources des collectivités. Sa disparition ne pourrait être compensée que par le budget de l'État et serait certainement financée par une hausse de la TVA. Il faut mesurer toutes les conséquences qu'aurait une telle décision. L'octroi de mer constitue l'outil fiscal des collectivités locales et constitue la première recette des DROM, soit 45 % de leurs recettes, la plupart du temps. Il détermine donc les projets d'avenir de la collectivité et, vu sous cet angle, l'intérêt d'une collectivité réside davantage dans la hausse des importations (qui rapportent davantage) que dans le développement de l'activité locale, sauf à aider celle-ci davantage. Je voudrais noter ici les choix du Conseil régional de La Réunion, qui a décidé de très longue date de fixer un taux nul pour l'octroi de mer interne, c'est-à-dire celui qui pèse sur la production locale. Cette décision a impulsé une dynamique beaucoup plus importante en faveur de la production locale. L'octroi de mer constitue un outil de développement économique qui a fait ses preuves sur les territoires. Sans doute faut-il le faire évoluer, prudemment. La dérogation autorisée par Bruxelles, qui permet une taxation différenciée entre les produits importés et ceux fabriqués localement, doit être maintenue. Cela me semble essentiel pour la survie ou le développement de nos productions locales.
Le coût du fret constitue un autre sujet de débat récurrent. 95 % des marchandises importées dans nos territoires ultramarins le sont par le transport maritime et celui-ci représente en moyenne un tiers des frais d'approche, soit environ 10 % du coût d'achat des marchandises importées. Ce taux varie d'un produit à l'autre. Le fret à proprement parler entre à hauteur de 50 % dans ce coût de transport. S'y ajoutent la surcharge de carburant (25 %) d'une part, la manutention et les droits des ports, d'autre part, qui représentent 15 % à 20 % selon les territoires. Ces chiffres valent plus particulièrement pour les DROM que pour les autres territoires.
Quel que soit le territoire, le coût du fret dépend du type de produit, de la distance parcourue et du volume de marchandises embarquées, en fonction de la capacité et du taux de remplissage des bateaux. Certaines caractéristiques propres aux DROM entraînent un surcoût du fret, en particulier la capacité limitée des ports, qui oblige parfois à utiliser des feeder – c'est-à-dire à passer d'un bateau plus important à un autre pour distribuer les marchandises dans le bassin - à l'exception de La Réunion, qui a un port de taille suffisamment importante. Les coûts sociaux et environnementaux sont à signaler, même si on n'en parle pas : les salaires des dockers et l'organisation du travail rigide empêchent d'adapter la main-d'œuvre selon les besoins. Les mouvements sociaux n'ont jamais créé une image bénéfique à nos ports. Les cyclones paralysent, quelques fois, l'utilisation des ports. Le flux d'importations et d'exportations peut aussi s'avérer très asymétrique : lorsqu'on peut rentabiliser le transport dans un sens, il est plus difficile de le faire en sens inverse, ce qui induit un surcoût dans les deux sens. Soulignons enfin la très faible intégration des DROM dans leur bassin maritime (les États-Unis dans le cas des Antilles, Madagascar dans celui de La Réunion et Mayotte). Lorsque je suis arrivée à l'Assemblée nationale, un débat s'est ouvert sur le prix du beurre de la marque Président. On voulait que celui-ci soit au même prix en Polynésie qu'à Paris ou ailleurs, ce qui est évidemment très compliqué. Nous avons des coutumes et des traditions liées à des produits nationaux mais il y a aussi les produits locaux.
Je voudrais dire un mot des réformes des aides économiques que j'ai pu mettre en place, car elles ont un lien direct avec notre sujet. Dès décembre 2017, cette réforme a été assez importante pour accompagner les territoires, dans le prolongement du Livre bleu, avec la simplification et le renforcement des zones franches d'activité et un Fonds européen d'investissement (FEI) beaucoup plus important afin de lutter contre les difficultés structurelles des territoires ultramarins. L'aide fiscale en faveur des investissements productifs a aussi été prolongée jusqu'en 2025. Un certain nombre d'outils ont été réorientés, ce qui a permis d'allouer plus de 100 millions d'euros à une dynamique favorable à ces territoires, comme le souhaitaient les entreprises, en proposant des financements d'accompagnement de projets sectoriels ou par exemple des microcrédits, qui étaient indispensables à Mayotte. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a fait l'objet d'une négociation et ce dispositif est resté en vigueur, en 2018, dans la plupart des territoires ultramarins. Nous avons fait un « coup double », le maintien du CICE se conjuguant avec les réformes mises en œuvre. Nous avons bien sûr apporté un certain nombre de soutiens supplémentaires à La Réunion après la crise des gilets jaunes. Enfin, un certain nombre de dispositifs ont été exonérés de charges sociales avec le dispositif du « zéro charges », ce qui a aidé les secteurs clés de la transformation économique de nos territoires. 70 % des salariés gagnent moins de 1,7 Smic dans les territoires ultramarins et 92 % d'entre eux gagnent moins de 2,5 Smic. Il fallait donc agir sur ce sujet. Se posait aussi la question de la lutte contre le chômage dans ces territoires et j'avais le souci pragmatique du développement de l'emploi. Des mesures spécifiques ont été mises en place à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'avaient pas le même régime que les DROM. Un accompagnement complémentaire a été mis en œuvre en Guyane. Dans certains cas, les territoires ont décidé de conserver la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer dite « loi Lodeom », qui permettait de maintenir un régime de compétitivité renforcée pour certaines activités. L'objectif était d'accompagner les entreprises et je pourrai revenir sur ce régime d'innovation que nous avons mis en place si vous le souhaitez. Il a donné de vrais résultats et ceux-ci ont sans doute permis que les territoires d'outre-mer ne s'effondrent pas au moment de la crise de la Covid-19. Toutes ces décisions étaient antérieures et avaient été mises en œuvre. Elles ont permis de sauver l'essentiel lorsque la pandémie a frappé l'ensemble de notre pays.
La baisse des charges a été importante dans les territoires ultramarins. Aucune mesure n'avait eu une telle ampleur au cours des dix dernières années. Le soutien supplémentaire, qui était de l'ordre de 130 millions d'euros dans le projet de loi de finances initial, s'est traduit par un soutien supplémentaire de 24 millions d'euros en Guadeloupe, 24 millions d'euros en Martinique, 27 millions d'euros en Guyane et 41 millions d'euros à La Réunion. J'exprime un regret : sans doute ne sommes-nous pas allés assez loin dans certaines déductions de charges, car le territoire manque d'ingénierie. Il faut probablement aller plus loin afin que nos territoires soient encore plus attractifs, attirent davantage de jeunes et davantage de compétences d'une façon générale.
S'agissant du pouvoir d'achat, il y a trois sujets qui fâchent. Le premier a trait à la sur-rémunération. Celle-ci ne concerne qu'une petite partie de la population mais a un effet très important sur les prix, dans la mesure où l'on prend souvent pour base de comparaison les revenus de la fonction publique. Pour autant, la supprimer signifierait mettre à terre l'économie des territoires ultramarins. L'indemnité temporaire de retraite (ITR) avait été supprimée à la demande du gouvernement Fillon, qui s'était engagé à mettre en place un nouveau dispositif mais cet engagement n'a pas été tenu. J'ai fait arbitrer, dans le projet de loi instituant un système universel de retraite de 2019 – qui n'a pu aller au bout de son parcours législatif – une proposition de mesure compensatoire visant à pallier la perte de cette indemnité. Cette mesure traduisait une volonté d'équité : elle ne concernait pas seulement la fonction publique d'État mais aussi les fonctions publiques hospitalière et territoriale. J'espère que vous parviendrez à réinscrire à l'ordre du jour cette proposition, car nous sommes confrontés à un risque. Nos jeunes ne reviennent plus et nos anciens partent, ce qui fait peser un danger sur l'avenir de nos territoires du point de vue démographique et donc en termes de développement économique. D'aucuns considèrent que la réforme de l'impôt sur le revenu (IR) a eu un impact sur le coût de la vie dans les DROM. Elle a eu un impact sur 7 % des contribuables les plus aisés des territoires ultramarins. Conformément à l'engagement que j'avais pris, cette réforme a intégralement abondé le fonds du fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI). Il s'agit d'une mesure qui a introduit davantage de justice et d'équité, ce qui correspond bien à mes convictions de femme de gauche. J'ai défendu ce dispositif jusqu'au bout et je continuerai de le défendre.
Enfin, on ne peut parler de vie chère sans évoquer le volet social. Un certain nombre de dispositifs ont été mis en place, notamment à Mayotte, en Guyane et à La Réunion, dans un premier temps, après les différentes crises que nous avons connues. À Mayotte, nous avons étendu le complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) aux territoires où elle n'existait pas. Nous avons augmenté le revenu de solidarité active (RSA) et créé un fonds de développement social doté de 10 millions d'euros. Nous avons mis en place l'exonération du ticket modérateur et augmenté les primes d'activité. C'était une mesure extrêmement importante. Le plan national de lutte contre la pauvreté a été mis en place dans les territoires ultramarins, avec une enveloppe supplémentaire.
Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, on surnomme le ministère de l'outre-mer le « ministère des crises ». J'en ai rapidement fait l'expérience avec les ouragans Irma et Maria, puis la crise sociale à Mayotte, les gilets jaunes à La Réunion et surtout la gestion de la première crise de la Covid-19. Néanmoins, j'ai également eu à cœur de travailler sur les sujets plus structurels et de tenir les engagements du « plan Guyane » qui avait été décidé par le gouvernement précédent. Le « plan Mayotte », les travaux sur le chlordécone, le référendum en Nouvelle-Calédonie, les sargasses et la vie chère ont aussi fait partie de tous les travaux que j'ai conduits durant ces trois années.