Nous assistons aux prémices d'un printemps africain, avec pour mot d'ordre « pas de troisième mandat ». Dans plusieurs pays d'Afrique, des chefs d'État trouvent toujours une bonne raison de briguer un troisième mandat, en bricolant la Constitution s'il le faut. Je vous ai interrogée mardi dernier au sujet du Sénégal lors des questions au Gouvernement et je souhaite revenir sur ce sujet.
La condamnation d'un opposant a provoqué des mouvements majeurs durement réprimés et la réaction de notre pays est en deçà de ce que nous pouvions attendre. Cela ne vaut pas que pour le Sénégal, si bien que la jeunesse africaine peut être quelque peu vindicative à l'égard de notre pays, dont elle ne comprend pas toujours la position. La France s'est prononcée clairement contre le troisième mandat d'Alpha Condé mais moins clairement en ce qui concerne Alassane Ouattara, c'est le moins que l'on puisse dire. Le déplacement du président Macron au Gabon a pu être interprété comme un signal donné au pouvoir actuel. Au Bénin, Patrice Talon dit qu'il ne briguera pas un troisième mandat ; il reste à voir s'il tiendra sa parole. Et il y a eu, bien sûr, Idriss Deby au Tchad.
Macky Sall va venir le mois prochain à Paris, à un moment où toute l'opinion sénégalaise, toute la jeunesse sénégalaise attendent des mots forts de la France. Nous devons évidemment poursuivre nos relations avec le Sénégal mais le président de la République va-t-il dire avant cette visite qu'un troisième mandat serait inacceptable, comme l'est ce qui se passe à Dakar en ce moment, ou va-t-on seulement recevoir Macky Sall sous les ors de la République, ce qui sera interprété comme un signal politique très fort en faveur de son pouvoir ?
Vous avez parlé de la perte d'influence de la France dans un certain nombre d'États africains qui vont se rendre au sommet économique de Saint-Pétersbourg et ailleurs en Russie. Tout cela est lié à nos positions à géométrie variable, à la manière dont nous gérons les visas, l'accueil des réfugiés, certains conflits africains. On ne peut pas tenir un double discours : soit on agit pour rétablir l'influence de la France, soit nous n'aurons plus grand chose à dire sur ces questions dans les prochaines années.