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Intervention de Yannick Monnet

Séance en hémicycle du mercredi 28 juin 2023 à 21h30
Partage de la valeur au sein de l'entreprise — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Monnet :

L'actionnariat salarié vise à favoriser la participation des salariés au capital des entreprises, qu'elles soient ou non cotées en bourse. Ceux qui soutiennent ce dispositif font souvent référence au cas le plus médiatisé, celui de La Redoute. En effet, en 2014, cette entreprise a fait appel à ses salariés pour se redresser et, neuf ans plus tard, ces mêmes salariés ont perçu chacun 100 000 euros en moyenne pour une mise initiale de 100 euros. Toutefois, il faut dire la vérité : il s'agit là d'un cas exceptionnel, qui ne reflète pas du tout la réalité de l'actionnariat salarié. Les risques sont en effet multiples pour le salarié qui investit son épargne dans sa propre entreprise – entreprise d'autant plus soumise aux aléas économiques qu'elle est de petite taille.

De plus, l'actionnariat salarié est souvent cité comme un exemple de gestion en commun de l'entreprise entre les salariés actionnaires et les gestionnaires, comme si salariés et employeurs devenaient des partenaires à parts égales ; mais le poids de la décision est fonction du poids des actions détenues. L'actionnariat salarié envisagé comme une sorte de cogestion de l'entreprise est une fable. Il tend en effet à effacer les rapports de force dans l'entreprise en donnant l'illusion que salariés et patronat partageraient une même responsabilité et voudraient atteindre un même objectif avec des retours, notamment financiers, identiques, ce qui est loin d'être le cas.

Aussi s'aperçoit-on que l'actionnariat salarié renforce les inégalités au sein de l'entreprise, puisqu'il profite d'abord aux salariés qui peuvent se permettre d'accumuler suffisamment d'épargne, ce qui demeure difficile pour les salariés les moins bien rémunérés – dans ce cas, l'attribution d'actions gratuites peut sembler réparer cette injustice mais, en fait, elle camoufle les inégalités de salaire. Pour mémoire, en 2018, selon l'Insee, 1 % des salariés les mieux rémunérés captaient 8,1 % de la masse salariale dans le secteur privé. Le salaire annuel des cadres dirigeants était de 114 080 euros en moyenne en 2020, soit plus de cinq fois le Smic. À quoi s'ajoutent les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes. Ainsi l'actionnariat salarié n'est-il rien d'autre qu'une diversion bien organisée autour des enjeux du salaire et de la reconnaissance salariale.

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