Nous regrettons surtout qu'il n'y ait pas eu de recherche et de mise en œuvre par le Gouvernement de mesures d'accompagnement des bailleurs, publics comme privés, pour bâtir le dispositif le plus équilibré possible afin de les accompagner également face à l'inflation qu'ils subissent eux aussi et de relever le défi de la transition énergétique. Il y a urgence à agir et il faudra d'autres mesures que celles prévues par cette proposition de loi, car elles ne sont pas suffisantes.
L'impact du plafonnement de la hausse de l'indice de révision des loyers pour les propriétaires a été évalué à un coût de 705 millions d'euros pour 2022. Cela réduit d'autant leur capacité à réinvestir alors que c'est nécessaire.
Vous faites fi de l'inflation que subissent aussi de leur côté les petits ou gros bailleurs – privés comme sociaux. Loin des idées reçues, ces bailleurs peuvent aussi être des propriétaires modestes qui mettent en location un bien durement acquis, et qui devront par ailleurs faire face à de coûteux travaux énergétiques dans les prochaines années s'ils veulent maintenir ce bien dans le parc locatif. Ils ont parfois contracté des emprunts. Le coût de la dette comme des travaux augmente. Il en va de même pour les taxes foncières. Nous ne pouvons le nier.
En effet, au moment où le pays est confronté à une crise du logement qui se traduit par une demande croissante, à la fois quantitative et qualitative, il faut avoir conscience que ce plafonnement, qui n'est ni plus ni moins qu'une perte de recettes potentielles pour les bailleurs, va les contraindre dans leurs capacités de construction et de rénovation.
Par exemple, pour les bailleurs sociaux, l'évolution du taux du livret A, passé de 0,5 % à 3 %, représente un coût de 3,75 milliards d'euros, qui ne sera pas suffisamment compensé par la hausse ainsi limitée des loyers et des aides personnalisées au logement (APL), ce qui réduit d'autant leur capacité d'autofinancement. Ne risque-t-on pas de pousser les bailleurs à reporter des travaux, notamment énergétiques, qui permettraient de baisser les charges des locataires par la suite ? Attention, donc, à ne pas poursuivre des objectifs contradictoires.
Ne risque-t-on pas également de décourager les investisseurs dans la pierre, alors que si on encourageait davantage la construction et la rénovation, on augmenterait l'offre de logements, ce qui diminuerait la pression immobilière au bénéfice des locataires ? Bien sûr, l'accès au crédit joue aussi. Il dépend de la capacité financière des acteurs et des règles en vigueur qu'il conviendrait de modifier.
Mes chers collègues, nous avons besoin de nouveaux logements, nous avons besoin de logements mis à la location, nous avons besoin de logements rénovés. Et c'est aussi en soutenant les propriétaires qu'on soutient les locataires. Si l'on veut éviter une sortie massive de logements proposés à la location, si l'on veut éviter une baisse drastique des mises en chantier, il faut rapidement des mesures fortes.
Au-delà de la question des effets non négligeables du plafonnement de la révision des indices locatifs pour les bailleurs actuels et futurs, je tire la sonnette d'alarme. Vos annonces, madame la ministre déléguée, à la suite du CNR logement ont profondément déçu les acteurs du secteur. Vous ne semblez pas avoir pris la mesure de la situation du logement en France : il est en crise et, avec lui, le bâtiment. Or vous connaissez l'adage : « Quand le bâtiment va, tout va. » Aussi, avec une crise de l'offre et une crise de la demande, allons-nous au-devant d'une crise majeure du logement avec près de 16 milliards d'euros d'activité en moins l'an prochain et près de 130 000 suppressions d'emplois. La construction est en panne. L'investissement est quasiment à l'arrêt.
Il est urgent, madame la ministre déléguée, de prendre des mesures pour relancer la construction, d'inciter à la vente de fonciers constructibles, de stimuler l'investissement, de solvabiliser à nouveau les candidats à l'accession à la propriété. Les acteurs du logement vous ont fait des propositions très concrètes.
Les dépenses dans le logement sont les recettes de demain – des recettes sociales et fiscales pour les comptes publics. Mais surtout, ces investissements dans le logement amélioreront demain le pouvoir d'achat des locataires en diminuant leur facture énergétique.
Enfin, et c'est bien là l'essentiel, ces investissements dans le logement sont indispensables pour répondre aux besoins croissants des Français. Il y va de leur bien-être, et nous sommes réunis ici pour défendre cette aspiration, renforcée par la crise sanitaire puis la crise énergétique. Mes chers collègues, mobilisons-nous ces prochains jours, ces prochains mois, forts de mesures concrètes et efficaces prises dès cet été, pour solvabiliser la demande et accroître l'offre, afin d'apporter aux Français des logements en nombre suffisant, des logements de qualité. Il y va de la cohésion sociale.