Nous sommes à nouveau amenés à nous exprimer sur cette proposition de loi qui ne convient pas au groupe Socialistes et apparentés et plus généralement aux autres groupes de la gauche. Nous avons l'impression de ne pas avoir été entendus, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques.
Oui, un gel ou un plafonnement de l'indice de révision des loyers est nécessaire dans une période économique particulièrement difficile, combinée à l'une des pires crises du logement que traverse notre pays et qui ne semble pas inquiéter le Gouvernement outre mesure – vous avez évoqué les résultats catastrophiques du CNR logement.
Non, un effort supplémentaire ne peut pas vraiment être fourni par des ménages qui consacrent déjà leur plus grosse dépense mensuelle à se loger, qui ne pourront pas accéder à la propriété tant le prix de l'immobilier est déconnecté de leurs revenus, qui subissent précarité énergétique et mal-logement.
Et cela, d'autant que cette augmentation des loyers s'accompagne de l'accentuation d'autres charges : charges de l'immeuble, chauffage… Vous n'êtes pas sans savoir que les tarifs réglementés du gaz prennent fin dans deux jours et que cela constitue un risque pour des millions de Français si les prix viennent à augmenter à nouveau très fortement.
Monsieur le rapporteur, la charge inflationniste pèse majoritairement sur le locataire. Pour ce qui est des charges des bailleurs, n'oublions pas que des niches fiscales leur permettent de bénéficier d'abattements importants sur leurs revenus. Je pense notamment au régime des frais réels.
Aux situations exceptionnelles, nos réponses doivent être à la hauteur. Sachant que 3,5 % des bailleurs possèdent 50 % des logements de particuliers mis en location – une donnée qui devrait vous interpeller –, rééquilibrer le taux d'effort entre ces derniers et les locataires ne nous semble pas représenter un effort incommensurable. Sur la période couverte par la loi d'août 2022 et celle à laquelle ce texte s'appliquerait, une augmentation de 7,1 % reviendrait à imposer aux locataires l'équivalent d'un mois de loyer supplémentaire.
Or tout augmente plus vite que les revenus des ménages. Cette escalade des coûts menace aussi notre tissu économique puisque nos TPE et PME en ressortent particulièrement fragilisées. Un dirigeant sur dix envisagerait un arrêt de son activité à cause de la hausse du prix de l'énergie. En cohérence avec votre soutien affiché et les aides financières apportées par l'État, un indice des loyers commerciaux plus contenu était indispensable. Notre proposition de compromis était simple : consentir à une nouvelle revalorisation plafonnée à 2 %, soit 5 % sur la période. Ce qui permettait aux petits bailleurs ou primo-accédants qui en ont besoin, de couvrir leur charge.
Mais si nous devions légiférer en faveur d'une meilleure qualité de vie pour le plus grand nombre de Français, les loyers seraient aujourd'hui gelés. Il ne faut pas sanctionner les propriétaires mais il ne faut pas sacrifier leurs locataires alors que la rentabilité immobilière n'est pas menacée et affiche depuis trente ans de très très bons résultats.
Vos arguments économiques ne sont pas recevables, tout comme votre crainte en matière constitutionnelle. Nos amendements de repli pouvaient partiellement contenter notre demande et calmer vos appréhensions. Une augmentation exceptionnellement contenue à 1 % ou 2 % est juridiquement viable, notamment concernant un secteur comme le logement qui constitue un bien de première nécessité. Le logement n'est pas une marchandise comme une autre.
Encadrons suffisamment les loyers et leur hausse de façon à compenser les charges inédites et imprévues qui pèsent sur les foyers. La crise du logement entraîne un risque fort de bombe sociale, de l'aveu du ministre, et les réponses du Gouvernement, notamment à la suite du CNR logement, ne laissent pas présager une amélioration de l'accès au logement dans les mois et les années à venir.
Monsieur le rapporteur, il fallait au moins, ici, être collectivement à la hauteur en abaissant suffisamment le taux plafond. Vous avez balayé nos propositions, après un travail parlementaire et un débat à la hâte – on repassera pour le consensus et le compromis. C'était pourtant l'occasion de prendre des mesures concrètes à effet immédiat pour redonner du souffle aux locataires modestes mais aussi aux classes moyennes de plus en plus appauvries par le coût des logements. Pour mémoire, le nombre de ménages à la recherche d'un logement social a augmenté de 7 % en 2022, notamment en zone tendue – un sujet, vous le savez, qui me tient à cœur. Nous parlons de publics qui de prime abord n'effectuaient pas ce type de démarche.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous pensons qu'il était possible de faire plus et de faire mieux pour rééquilibrer la charge de la crise sur les épaules des ménages, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas le texte.