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Intervention de Sophie Blanc

Séance en hémicycle du mercredi 28 juin 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Blanc :

Après une lecture dans chaque chambre et une commission mixte paritaire conclusive, le moment est venu de voter la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne. Ce texte est une première pierre à l'édifice législatif que nous devons bâtir pour que nos enfants restent des enfants, avec leur part de rêve et d'innocence. Plus de trois quarts des enfants de 11 et 12 ans ont ouvert un compte sur un réseau social, majoritairement sans aucun contrôle parental. Nous devons les protéger autant que possible de la haine en ligne et des dérives virales que les réseaux sociaux peuvent propager à une vitesse qui nous dépasse, celle d'internet et du haut débit, cachés au fond d'un cartable d'écolier.

Le programme de Marine Le Pen pour la dernière élection présidentielle proposait déjà une majorité numérique à l'âge de 15 ans et prévoyait même d'aller plus loin, avec l'intégration par défaut d'un contrôle actif des contenus explicites par les fournisseurs d'accès et l'obligation de communiquer un numéro de carte bancaire pour accéder à certains contenus.

Cette proposition de loi aura tout de même posé des garde-fous. L'obligation de l'autorisation d'un parent pour ouvrir un compte sur les réseaux sociaux avant l'âge de 15 ans est une bonne mesure. La pression mise sur les fournisseurs de services de réseaux sociaux pour leur faire respecter cet âge limite est également bénéfique, car une loi dépourvue de sanction n'est qu'un vœu pieux du législateur. Mais nous devrons être vigilants concernant la capacité de la justice à agir face à des entreprises de taille mondiale. Le temps judiciaire, on le sait, n'est pas celui de l'urgence.

Nos enfants ont dans leurs poches des téléphones bien plus puissants que les ordinateurs que nous utilisions à leur âge. L'irruption de la violence, souvent inattendue et toujours gratuite, provoque chez eux des effets que la médecine n'a pas fini d'étudier. La fascination parfois malsaine pour les écrans et l'addiction qu'ils provoquent ne représentent pas uniquement un danger de traumatisme lié au visionnage d'images subies, mais elles déclenchent aussi, chez les adolescents, un enfermement dans un monde virtuel qui les met à la merci de n'importe quel prédateur sévissant sur le web. L'exposition des plus jeunes à des images pornographiques, qui fait aussi partie des facteurs de la destruction de cette innocence, doit être un sujet de vigilance pour les parents.

C'est pourquoi nous devons aussi nous poser la question de l'accompagnement des parents. La haine et la violence des jeunes sur les réseaux sociaux ne sont pas qu'un problème d'âge ou de majorité. Ils sont d'abord et avant tout un problème d'éducation. Les parents doivent apprendre à contrôler l'accès de leurs jeunes enfants aux réseaux : ils sont en effet encore près de 80 % à déclarer ignorer ce que ces derniers font sur leur téléphone portable. Ils doivent également les mettre en garde contre les effets de la quasi-immortalité des images laissées éternellement sur le web.

C'est pourquoi il nous appartient de sensibiliser les parents à l'importance du contrôle et au danger que représente le visionnage de certaines images susceptibles de choquer des cerveaux d'enfants encore en pleine construction mentale. Ils doivent faire œuvre de vigilance et la transmettre, non pas à propos de l'utilisation de l'informatique, mais sur son utilisation malveillante et sur les effets dévastateurs de la virtualité, couplée à la viralité et à l'effet de meute. Nous avons acquis la culture du risque de l'exposition au soleil sans protection : de la même manière, acquérons celle de l'exposition aux écrans, contrôlons le temps que nos enfants y passent et vérifions qu'ils sont, autant que possible, protégés des contenus les plus choquants et des réseaux.

Nous devons aussi nous poser la question de la pédagogie dont doit user le corps professoral sur ces sujets. La nouvelle dimension d'internet que sont les réseaux sociaux doit être intégrée dans le cursus de formation des enseignants du primaire et du secondaire, ainsi que dans celui des cours qu'ils dispensent. L'ordinateur connecté prend une place de plus en plus importante dans la manière dont les élèves apprennent, travaillent, cherchent de l'information, mais aussi, malheureusement, harcèlent, dénoncent et humilient.

Ce texte est un bon texte : il pose les problèmes, les nomme, tente de les résoudre et ouvre la voie d'une attention accrue du Parlement à ces sujets sensibles et très rapidement évolutifs. Nous le voterons, en espérant qu'il soit le premier d'un nouveau volet de la politique de protection de l'enfance et en nous souvenant que les parents, dans ce domaine, sont les principaux concernés : face aux dangers de la haine en ligne, ce sont eux qui doivent continuellement sensibiliser et protéger les enfants.

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