Mercredi dernier, le Gouvernement présentait le décret portant dissolution des Soulèvements de la Terre. Derrière les faux prétextes et les opérations de com' destinées à faire plaisir à certains lobbys, le véritable motif de cette décision est passé sous silence : le Gouvernement, shooté au productivisme et à la croissance, refuse l'impératif de protection de nos terres. S'il est lâche de criminaliser un médecin qui bloque une route pour dénoncer un projet susceptible d'aggraver la pollution de l'air, une agricultrice qui refuse l'accaparement de l'eau par quelques industriels ou un scientifique qui ne sait pas plus comment vous faire entendre les conclusions de ses travaux, c'est surtout totalement inefficace. Croire que cela va calmer la colère que suscite votre politique destructrice est inepte ; s'imaginer que cela change quoi que ce soit à la réalité physique et biologique de l'effondrement de notre monde est inconséquent. Plus les sols seront détruits, plus les crises du climat et de la biodiversité s'aggraveront, plus notre souveraineté alimentaire sera menacée, plus les risques naturels seront amplifiés.
Il n'est pas facile d'être décideur aujourd'hui. Nous avons, chacun dans nos circonscriptions, des élus locaux qui nous pressent pour que nous facilitions la délivrance des permis de construire, afin que les habitants de chez nous aient les moyens de se loger dignement ; en même temps, il nous faut tenir des objectifs de zéro artificialisation nette. Vous-mêmes, vous vous acharnez à préserver d'un côté l'impérieuse nécessité de la croissance, et de l'autre, celui – souvent bien moins cité – consistant à préserver l'habitabilité de la Terre. On nous somme de bâtir, de construire, de faire toujours plus, quand la planète entière nous commande, au contraire, de ralentir.
Nous devons ralentir. Mais 25 000 hectares sont encore artificialisés chaque année, et nos sols meurent. Ils n'abritent plus la riche biodiversité d'antan, ne stockent plus autant de carbone et ne retiennent plus l'eau. Notre assemblée a donc décidé, en 2021, de fixer le cap du zéro artificialisation nette en 2050, en passant par une étape de division par deux de l'artificialisation d'ici 2031. C'est une première étape indispensable, et elle n'est pas facile à atteindre. Pour s'en rendre compte, il suffisait d'écouter la droite et l'extrême droite durant nos débats de la semaine dernière : sans aucune considération pour la science, elles défendent un modèle d'aménagement des années 1970, reposant sur la destruction de nos terres agricoles, de nos forêts, de nos zones humides, et témoignant d'un naturoscepticisme affligeant.
Face à cela, monsieur le ministre, nous pouvons reconnaître que vous avez tenu et défendu les objectifs de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la loi « climat et résilience ». Le texte issu de nos travaux est sensiblement meilleur que celui proposé par le Sénat. Néanmoins, certains points restent problématiques et justifieront l'abstention du groupe Écologiste sur le texte.
Certains sont des points de détail, comme la version actuelle du décret relatif à la nomenclature de l'artificialisation des sols, ou encore la rédaction de l'article 10, qui a trait aux zones ayant vocation à être renaturées. La garantie rurale, dans sa forme actuelle, reste également un mécanisme sous-optimal et insatisfaisant : allouer 1 hectare à toutes les communes fait fi de leurs spécificités, et une communauté de communes comme le Diois, dans la Drôme, aura droit à 50 hectares qu'elle n'avait même pas songé à artificialiser.
Mais il demeure entre nous un point fondamental de discorde : vous n'avez pas encore fait le deuil du productivisme du siècle passé. Contrairement aux collègues de la droite de l'Assemblée, vous ne niez pas les réalités scientifiques et vous reconnaissez les bénéfices de la transition. Mais vous êtes incapables de la concrétiser, de la mettre en pratique. Or, quoi que vous en pensiez, protéger nos terres suppose d'abandonner les projets du passé. On ne peut pas imposer des restrictions importantes à nos communes tout en laissant faire les extensions d'aéroport, les projets autoroutiers, les plateformes logistiques XXL, les fermes-usines, les LGV – lignes à grande vitesse –, et j'en passe. C'est pourtant ce que vous faites en défendant vos projets d'intérêt national, derrière lesquels se cachent bien souvent de grands projets inutiles et imposés. Vous semblez n'avoir rien appris de Notre-Dame-des-Landes,…