Je vous invite plutôt à voter mon amendement. La substitution des différentes primes de partage de la valeur aux salaires est désormais bien plus qu'une présomption. Elle est documentée par une note de l'Insee en date du 16 mars dernier qui montre, sur la base d'estimations, qu'en 2022, la prime de partage de la valeur s'est en partie substituée à des revalorisations du salaire de base à hauteur de 30 % en moyenne, ce qui est considérable.
Une estimation précédente, qui concernait le versement de la Pepa – prime exceptionnelle de pouvoir d'achat – a évalué l'ampleur de cet effet d'aubaine de 15 % à 40 %. Autrement dit, entre 15 et 40 euros des 100 euros de Pepa auraient été accordés en augmentation de salaire si cette prime n'avait pas existé.
La note de l'Insee parue le 2 juillet 2019 conclut que « les effets d'aubaine semblent […] se traduire par des revalorisations salariales plus faibles qu'attendues sur le salaire de base ou les primes perçues de façon régulière (c'est-à-dire chaque mois), plutôt que par une réduction des composantes irrégulières de la rémunération (autres primes par exemple) ». La Pepa et la PPV ne se substituent donc pas aux primes classiques, mais à la partie stable du salaire, ce qui n'est pas le moindre des problèmes.
S'agissant de l'intéressement, ce constat s'impose aussi : le rapport d'information sur « L'évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l'entreprise », que vous avez publié avec Eva Sas, monsieur le rapporteur, évoque « des effets d'aubaine avérés », particulièrement pour les entreprises de moins de 200 salariés.
Il souligne l'inégalité tant de l'accès à l'épargne salariale et aux primes de participation et d'intéressement que de la répartition de ces primes entre les bénéficiaires, qui serait « plus inégalitaire que celle des salaires ». Ceux dont le salaire est le plus élevé sont aussi ceux – davantage que « celles » – qui perçoivent les primes dont le montant est le plus élevé.
Pour toutes ces raisons, ainsi que le demandent les organisations signataires de l'ANI, la loi doit mentionner clairement le principe de non-substitution, même si tout semble organisé pour contourner le salaire. Le choix de cette rémunération n'est pas aléatoire : elle est tronquée, parce que défiscalisée et désocialisée.