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Intervention de Joël Barre

Réunion du mercredi 13 juillet 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, Délégué général pour l'armement :

Mesdames et Messieurs les députés, votre invitation me fournit l'occasion de faire un bilan de mes cinq années passées à la tête de la DGA, qui correspondent au premier quinquennat du Président de la République.

En 2022, à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2019-2025, notre budget d'investissement a atteint de 15 milliards d'euros de paiements - le président a cité le chiffre des engagements -, contre 10 milliards d'euros en 2017. L'effort de défense voulu par le Gouvernement et le Président de la République se monte à quelque 50 % en termes d'investissements de défense depuis 2017.

En termes d'équipement des forces armées, qui est notre mission principale, je citerai quelques programmes emblématiques ayant abouti à des livraisons. Le véhicule Griffon, premier véhicule blindé du programme Scorpion de l'armée de terre, a été mis en service dans le cadre de l'opération Barkhane. En 2021, nous avons livré les premiers véhicules Jaguar, dont l'un d'eux défilera demain sur les Champs-Élysées. Nous avons livré les premiers Serval. L'évaluation technico-opérationnelle de l'ensemble du système Scorpion est en cours, en vue d'une mise en service au niveau d'une brigade de l'armée de terre dès 2023.

Dans le domaine naval, nous avons livré le premier sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de nouvelle génération de classe Suffren. Il a été admis au service actif, il y a quelques semaines, en présence du ministre Sébastien Lecornu. Naval Group a livré le premier sous-marin Suffren en 2020, en pleine crise de la Covid-19. Inutile de détailler les précautions prises pour assurer, dans un sous-marin, les essais nécessaires et garantir le respect des conditions sanitaires ou des contraintes de distanciation sociale.

Dans le domaine de l'air et de l'espace, je citerai les avions de transport. Demain, dans le ciel de Paris, nous verrons des A400M. Les A400M et les A330 MRTT ont fait leurs preuves, en particulier lors de l'opération d'évacuation de Kaboul, à l'été 2021. Le Rafale en est à son standard F3-R, équipé de missiles air-air à longue portée de nouvelle génération Meteor, qui lui confèrent une capacité de combat entièrement nouvelle.

Dans le domaine du spatial, nous avons renouvelé la composante satellitaire optique, dont les deux premiers satellites ont été mis en service. Nous avons renouvelé nos capacités de satellites de télécommunication. Le premier, Syracuse 4A, de nouvelle génération, lancé à l'automne dernier, est en service et a rejoint sa position orbitale définitive. Nous mettons en service les satellites d'interception électromagnétique, appelés satellites CERES, qui sont d'ores et déjà utilisés sur le front de l'Est pour acquérir du renseignement électromagnétique.

Dans le domaine des drones, nous sommes sur une trajectoire de montée en puissance. Plus de mille drones seront en service dans nos armées d'ici deux à trois ans. L'armée de terre utilise déjà le système de mini-drones de renseignement lors d'opérations au Sahel. Nous continuons à utiliser le drone Reaper qui, à terme, sera remplacé par le programme EuroMale sur lequel je reviendrai à propos de la coopération avec nos partenaires européens.

Depuis 2017, nous avons réalisé avec succès cinq tirs de notre force de dissuasion de la composante nucléaire océanique équipés de missiles balistiques et de la composante nucléaire aéroportée dotée de missiles air-sol moyenne portée (ASMP). Ces succès sont le gage de la crédibilité de notre force de dissuasion.

En résumé, hormis quelques difficultés sur lesquelles vous reviendrez peut-être, nous avons délivré pour répondre aux besoins de nos armées.

La préparation de notre système d'armes du futur comporte trois volets.

Le premier est une démarche capacitaire consistant à préparer avec les armées et l'industrie notre futur système d'armes de manière collaborative, c'est-à-dire à travailler ensemble dès le départ pour définir système par système, et non plus programme par programme ou silo par silo, les systèmes d'armes dont nous aurons besoin. Nous avons introduit cette démarche capacitaire en créant des plateaux collaboratifs avec les armées et avec l'industrie dès la phase amont, de manière à gagner en efficacité dans la phase de préparation des programmes, cruciale pour en garantir la réussite.

Le deuxième volet est l'innovation, qui comporte deux dimensions : le temps long, c'est-à-dire la préparation des investissements de rupture – hypersonique, robotique –, afin d'anticiper et maîtriser les ruptures technologiques ; et le temps court, durant lequel il s'agit d'être capable de capter rapidement l'innovation du marché civil.

Cela reposait sur une augmentation du budget consacré à la recherche et à la technologie, qui est passé de 750 millions d'euros par an, dans l'ancienne LPM, à 1 milliard d'euros en 2022. Sur les 15 milliards d'euros évoqués tout à l'heure, ce milliard d'euros permet d'accentuer l'effort d'innovation et de préparation de l'avenir.

En termes d'organisation, l'Agence de l'innovation de défense (AID) a été créée en 2018, pour une double mission. La première vise à mieux fédérer les actions d'innovations au sein du ministère, à la fois au sein de la DGA et au sein des armées ou d'autres services. La seconde est l'ouverture aux innovations civiles. Il s'agit de repérer et d'identifier dans les start-ups les technologies intéressantes pour la défense, de les faire venir à maturité afin de les introduire dans nos programmes d'armement au fur et à mesure de leur avancement.

L'action de l'AID est étroitement imbriquée dans celles de la DGA et de nos centres techniques en région. Nous avons créé, autour des centres de la DGA, des pôles techniques d'innovation qui regroupent, région par région, l'ensemble du tissu industriel et académique qui concerne le matériel d'armement. Une dizaine de pôles techniques, ou « clusters », ont été créés un peu partout sur notre territoire.

Le troisième volet de notre préparation du futur, ce sont nos investissements dans les nouveaux champs de conflictualité, au-delà des domaines terre, air, mer. La cyberdéfense est une priorité absolue. Quelques 600 ingénieurs travaillent dans ce domaine dans notre centre DGA Maîtrise de l'information (DGA-MI) à Bruz, à côté de Rennes. Ils seront un millier dans les deux à trois ans qui viennent. Ils sont à la disposition des services et des armées pour mettre au point les outils de lutte informatique dont ils ont besoin à mesure des développements et de l'actualité.

Dans le domaine spatial, j'ai évoqué le renouvellement de nos composantes livrées dans le cadre de la première moitié de la LPM. Nous compléterons le renouvellement des capacités dont nous disposons déjà par des capacités améliorées de surveillance et d'action dans l'espace, qui font partie des priorités additionnelles de la politique spatiale militaire que nous traitons depuis plusieurs décennies.

Nous devons développer la lutte anti-drone. Chaque fois qu'une arme apparaît, il faut prévoir la défense correspondante, lutte habituelle entre le glaive et le bouclier. Nous avons développé des premières bulles de protection permanente, destinées à sécuriser les points fixes. Nous avons en particulier pour objectif de sécuriser les prochains événements sportifs, notamment les Jeux olympiques de 2024, mais aussi la Coupe du monde de rugby, dès 2023.

Nous avons engagé un développement stratégique pour la maîtrise des fonds marins dans le but de nous doter de moyens capables de réaliser des identifications sous la mer ou d'agir si nécessaire. Nous avons réalisé les premières expérimentations dès cette année.

La préparation du futur comporte, premièrement, une démarche capacitaire pour être le plus cohérent possible en matière de fourniture des systèmes ; deuxièmement, l'innovation technologique ; et troisièmement, la réponse aux nouveaux champs de conflictualité, menaces nouvelles auxquelles nous devons faire face.

Pour tout cela, nous avons besoin d'une industrie. Notre BITD représente un chiffre d'affaires annuel d'un peu moins de 30 milliards d'euros. Elle se compose d'une dizaine de grands groupes, à côté desquels œuvrent 4 000 entreprises de toutes tailles, dont un grand nombre de petites et moyennes entreprises (PME). Parmi ces PME, environ 10 %, soit 400 entreprises, sont considérées comme critiques et stratégiques, en ce qu'elles développent des technologies indispensables sur lesquelles nous devons garantir maîtrise et souveraineté.

Cela représente un peu plus de 200 000 emplois. Nous estimons que l'effort de la LPM 2019-2025 a d'ores et déjà induit le développement de 35 000 emplois supplémentaires. Ces 200 000 emplois représentent 4 % de l'emploi industriel français. Ces emplois de haute valeur ajoutée sont non-délocalisables, ne serait-ce que parce que notre politique industrielle donne priorité à la souveraineté.

Cette industrie contribue très positivement à la balance commerciale de la France. Le dernier chiffre dont je dispose fait état d'un excédent commercial de 8,5 milliards d'euros en 2019.

Cette BITD repose sur trois piliers.

Le premier pilier est la commande publique. Vous l'avez dit, Monsieur le président, celle-ci a atteint 23 milliards d'euros d'engagements en 2022. La commande publique est significativement à la hausse au titre de la LPM 2019-2025.

Le deuxième pilier est l'exportation, qui permet de prolonger les séries, donc de diminuer le coût unitaire des équipements. Celle-ci favorise la compétitivité de notre industrie en la confrontant à la concurrence internationale à laquelle sont soumis les marchés à l'exportation. Elle permet d'entretenir l'outil de conception et de production nécessaire pour livrer nos propres matériels, sachant que les commandes nationales ne suffiraient pas à en garantir la pérennité. Cela permet aussi de développer des capacités nouvelles demandées par les clients à l'export, que nous reprenons pour nos propres forces sans avoir à en financer le développement.

À mi-2022, le bilan des prises de commandes est satisfaisant puisque, sur les cinq dernières années, leur montant total atteint 65 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle supérieure à 10 milliards. Vous avez entendu parler des exportations de Rafale, de la frégate de défense et d'intervention (FDI) à la Grèce, d'hélicoptères et, évidemment, de système d'artillerie Caesar à la République tchèque ou à la Lituanie.

Le dernier pilier sur lequel repose la BITD est sa nature duale. Rares sont les industriels de défense qui sont spécifiquement en défense. Il importe que la majorité de ces entreprises reposent sur deux jambes : le marché militaire et le marché civil. C'est le cas de la plupart d'entre elles, sauf cas particuliers comme NEXTER ou le missilier MBDA.

Au sein de la DGA, le soutien à la BITD se manifeste de plusieurs manières.

D'abord, nous surveillons toutes ces entreprises par des contacts réguliers, en particulier pour les chaînes d'approvisionnement des PME, qui sont les sous-traitants de nos grands maîtres d'œuvre. Lors de la crise de la Covid-19, en 2020 et 2021, nous avons mis en place une « task force » dédiée pour les aider à obtenir les prêts garantis par l'État (PGE). Nous avons anticipé les commandes et des paiements lorsque c'était nécessaire pour garantir leur stabilité financière. Nous avons veillé à ce que la BITD ne souffre pas trop de la crise de la Covid-19.

Nous les aidons aussi en surveillant étroitement le contexte normatif, notamment au niveau européen. Je citerai l'exemple significatif de la taxonomie qui, dans certains rapports publiés par Bruxelles ou par d'autres, a tendance à exclure l'industrie de défense du label vert garantissant un meilleur accès aux financements. Nous devons veiller à Bruxelles à ce que le contexte normatif en termes de taxonomie n'ostracise pas l'industrie de défense. Durant la crise de la Covid-19, nous avons réalisé un effort particulier dans le domaine de l'aéronautique, l'aéronautique civile ayant été particulièrement touchée. Nous avons accéléré les commandes à hauteur de 600 millions d'euros, plus 200 millions d'euros pour la gendarmerie, soit, au total, 800 millions d'euros. Ce sont quelques exemples de soutien à cette industrie que nous mettons systématiquement en œuvre afin d'en garantir la pérennité.

Nous voulons également aider les PME dans le domaine de la cyberdéfense, car elles n'ont pas toujours les moyens de le faire de manière autonome. Nous avons élaboré un dispositif de diagnostic ouvert à toutes les PME de la défense pour qu'elles puissent identifier elles-mêmes leurs points de faiblesse et de vulnérabilité dans ce domaine. Nous agissons avec elles pour rendre ce diagnostic aussi efficace que possible et les aider à faire évoluer leur dispositif en les subventionnant en vue de construire les barrières nécessaires face au risque cyber.

Le quatrième volet du bilan concerne les programmes de coopération. Nous le faisons d'abord pour une raison politique, car l'Europe de l'armement est un élément constitutif de l'Europe de la défense. Une autre raison est d'ordre opérationnel : la plupart des opérations de nos armées se faisant en coalition, il faut pouvoir opérer avec des pays partenaires et la coopération en matière d'armement améliore l'interopérabilité des forces. Troisièmement, la coopération permet le partage de coûts non récurrents, qu'il s'agisse d'investissement, de développement ou de soutien. Cela présente des avantages pour l'État et est de nature à stimuler la création d'une BITD encore plus européenne, c'est-à-dire la possibilité pour nos entreprises, grâce à la dimension européenne, d'atteindre la taille critique, au-delà de ce que nous faisons déjà.

La LPM 2019-2025 prévoit une augmentation de nos actions en coopération. Une dizaine de programmes sont en cours, une dizaine sont en préparation. Nous avons pour cible de consacrer 30 à 35 % du budget d'investissement aux programmes dits à effet majeur, c'est-à-dire les programmes conventionnels hors dissuasion. Nous en serons à environ 15 % en 2023.

Le programme de coopération « capacité motorisée » (CaMo) en matière terrestre avec nos amis belges donne satisfaction. Nous avons commencé à leur vendre des véhicules Scorpion, achetés par la DGA pour le compte de la Belgique, sur de l'argent belge. Nous développons cette démarche d'exportation vers une véritable coopération pour développer le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE), et partager les coûts non récurrents nécessaires à ce développement.

Cette coopération d'armement avec les Belges s'accompagne d'une coopération étroite entre les deux armées de terre, qui va probablement s'étendre dans certains domaines aux autres pays du Benelux, le Luxembourg et les Pays-Bas. Le rapprochement avec les Belges est un grand succès dans le domaine des matériels terrestres et celui des bâtiments de guerre des mines. Nous allons travailler avec eux sur des bâtiments de guerre des mines communs avec les Néerlandais.

La coopération avec les Britanniques, qui ont quitté l'Union européenne en 2016, repose sur le traité de Lancaster House, signé en 2010 et qui a mis en place plusieurs coopérations bilatérales. Dans ce cadre, nous avons conçu ensemble le nouveau système de guerre des mines à base de drones afin de limiter le risque des démineurs et avons déjà livré les premiers systèmes à nos deux marines. Nous travaillons avec les Belges et les Néerlandais sur le bâtiment destiné à emporter ces systèmes de guerre des mines à base de drones.

Surtout, dans le traité de Lancaster House, la société One MBDA, missilier implanté à la fois en France et au Royaume-Uni (aussi en Allemagne et en Italie), a pour mission d'équiper de missiles les armées de nos deux pays en partageant les coûts de réalisation, les compétences et les capacités. Nous avons avec eux le projet clé « futur missile antinavire/futur missile de croisière » (FMAN/FMC). Nous en avons engagé la phase de définition en commun, à la fin de l'année 2021, non sans difficulté, parce que les concepts opérationnels de nos deux marines ne sont pas parfaitement convergents et parce que le climat politique entre nos deux pays n'était pas au beau fixe à ce moment-là. Nous aurons un rendez-vous important en 2023 pour confirmer le montage de ce projet.

Avec les Italiens, nous poursuivons la coopération dans les dispositifs de défense sol-air ou mer-air moyenne portée, en particulier en développant les versions successives du missile Aster.

Avec les Espagnols, j'évoquerai le SCAF et un projet de matériel radio logicielle, sur lequel nous essayons d'engager une coopération ferme et définitive, ce qui n'est pas encore le cas à ce stade.

J'en viens à l'Allemagne.

En 2017, le Président Macron et la chancelière Merkel étaient convenus du lancement commun de cinq programmes d'armement.

Le programme de drones de moyenne altitude et de longue endurance Eurodrone a été confirmé et lancé en 2022. Réalisé avec les Allemands, les Espagnols et les Italiens, il remplacera, d'ici à la fin de la décennie, le Reaper que nous achetons et utilisons avec les Américains depuis quelques années.

En revanche, nous avons subi des aléas pour le Standard 3 du Tigre. Ce programme d'hélicoptère de combat de nouvelle génération a fini par être abandonné par les Allemands. Les Espagnols ont accepté de continuer de coopérer avec nous. C'est un des volets clés de notre coopération avec l'Espagne.

Concernant les avions de patrouille maritime destinés à faire de la surveillance maritime dans le cadre de la force de dissuasion, les Allemands ont décidé d'acheter des avions Boeing. Bien que présenté comme une solution intérimaire, cela a eu pour effet immédiat de nous obliger à remettre sur le métier l'ouvrage de construction du programme en coopération que nous avions imaginé.

Nous travaillons depuis plusieurs mois au lancement de la phase de démonstration en vol du SCAF et de démonstration technologique en termes de développement et d'innovation du MGCS. Nous n'avons pas encore bouclé les discussions. Des travaux préliminaires relatifs à l'étude d'architecture système et à la première phase de démonstration technologique sont en cours, mais nous voudrions passer aux phases suivantes.

À côté de cette coopération bi ou multilatérale, est apparue une « coopération communautaire », entrant dans le cadre de l'Union européenne et organisée par la Commission européenne. Le programme préparatoire au programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) a porté sur les années 2019-2020 et nous préparons le lancement de la première tranche des fonds européens de défense (FEDef) pour 2021, qui représentent un investissement de l'Union européenne de 1,1 milliard d'euros. Un comité de programme est organisé par la Commission européenne, le 19 juillet. Nous devions obtenir de bons résultats. Nous visons un retour financier supérieur ou égal à 20 %, soit supérieur aux 15 % de notre contribution, et une présence dans une grande majorité de projets d'une grande majorité des vingt-cinq pays membres. Les chiffres préliminaires dont nous disposons nous permettent d'être confiants.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, telles sont les grandes lignes d'un bilan que je considère comme satisfaisant. Ce n'est pas le fruit du hasard mais de l'ensemble des réformes engagées pour améliorer la préparation et la conduite de nos programmes d'armement avec les armées et l'industrie, au travers d'une démarche capacitaire qui s'appuie sur un travail collaboratif important. Nous avons réalisé un effort significatif d'agilité en promouvant une démarche incrémentale dans la livraison de nos programmes à mesure de leur développement, afin d'y introduire les évolutions technologiques au fil de leur maturité.

Tout cela a déjà permis des gains substantiels. J'ai cité la livraison du premier SNA de nouvelle génération Suffren. En 2020, malgré la crise de la Covid-19 et les consignes de sécurité sanitaire à respecter, nous avons réussi à diviser par deux la durée des essais après livraison par Naval Group, qui est passée de treize à six mois. De même, pour le Griffon, la durée des essais avant la livraison aux armées pour expérimentation a été divisée par deux, passant de trois à un an et demi, grâce à la numérisation des conceptions.

La DGA coûte à l'État 7 à 8 % du montant des paiements dont nous sommes responsables au titre des programmes budgétaires 146 et 144, pourcentage à comparer avec d'autres agences internationales.

En conclusion, quelles sont les perspectives à court terme ?

Le ministre a confirmé que le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 comprendrait une augmentation de 3 milliards d'euros du budget de la mission Défense, qui profitera pour environ la moitié aux programmes d'armement que je viens d'évoquer. La reprise des livraisons de Rafale à notre armée de l'air et de l'espace est prévue pour 2023, la première devant intervenir d'ici la fin de cette année. En 2023, nous livrerons des dispositifs de lutte anti-drone, en particulier pour les événements nationaux de 2023 et 2024 mais aussi pour notre marine et notre armée de terre. Nous poursuivrons les livraisons de missiles. Je reviendrai sur la problématique des stocks de munitions. Nous livrerons le deuxième SNA Barracuda, le Duguay-Trouin. L'industrie doit également livrer le premier bâtiment ravitailleur de forces (BRF), destiné à ravitailler les bâtiments en mer. Nous livrerons le premier patrouilleur pour déploiement en outre-mer et la première tranche de rénovation des chars Leclerc. Nous poursuivrons la livraison des matériels Scorpion.

Par ailleurs, l'un des premiers enseignements à tirer de l'Ukraine est la notion d'économie de guerre, c'est-à-dire la capacité de soutenir dans la durée des cadences élevées de consommation de munitions et une attrition accélérée des matériels. Nous avons pour atout une politique privilégiant des activités industrielles de défense nationales, puisque la souveraineté de nos capacités a toujours été un critère majeur de choix depuis le général de Gaulle.

Nous étudions différentes pistes pour une meilleure compatibilité avec une économie de guerre que nous n'avions pas entièrement imaginée dans le cadre de la LPM 2019-2025. Il s'agit de recourir davantage au dispositif d'urgence opérationnelle permettant d'acquérir des systèmes d'armes essentiellement sur étagère à très bref délai, inférieur à un an. Nous devons travailler à la constitution de stock de long terme à même d'accélérer la production d'équipements si nécessaire en cas de crise. Nous envisageons la création d'un dispositif contractuel d'anticipation de commandes selon un calendrier de livraisons nominales, dans le cadre d'une commande initiale avec des possibilités d'accélération, tout en préservant la responsabilité de l'industrie maître d'œuvre, afin de garantir la qualité des matériels produits.

Nous étudions la mise en place de ressources et de compétences humaines complémentaires. Pourquoi ne pas créer un dispositif de réserve dans l'industrie ? Nous recherchons à améliorer les possibilités de réquisition ou de priorisation des livraisons par les industriels, qui existent dans le cadre réglementaire ou dans le cadre législatif. Il n'est pas exclu de faire des propositions en ce sens pour la nouvelle LPM.

Cela doit être programmé sur le plan budgétaire. Le Gouvernement vous fera des propositions dans le cadre de la nouvelle LPM, dont la Première ministre a fait état dans son discours de politique générale et que le Président de la République avait annoncée dans son discours d'Eurosatory. Bien entendu, nous allons poursuivre un dialogue étroit avec l'industrie sur ce sujet, car elle a peut-être aussi des propositions à faire, auxquelles nous serons très attentifs.

La Commission européenne met en place un instrument d'urgence de recomplètement des stocks et des munitions pour les pays concernés. Nous avons saisi nos grands industriels, Nexter, MBDA, Thales, Safran, Airbus pour qu'ils fassent des propositions, sachant que pour bénéficier du fonds d'urgence de 500 millions d'euros qui doit être mis en place par la Commission européenne dans le cadre du budget européen 2021-2027, il faut être plusieurs, s'engager avec des partenaires et cibler certains équipements utilisés sur le front ukrainien, tels que munitions, armes légères ou équipements du soldat. Il faut agir rapidement, puisque les propositions doivent être faites d'ici à la fin du mois de juillet.

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