Après avoir exposé hier les conséquences environnementales de l'artificialisation, je veux insister aujourd'hui sur les effets de ce phénomène sur l'agriculture. Je pense qu'aucun ni aucune d'entre nous ne peut s'ériger en défenseur de notre souveraineté alimentaire et des agriculteurs s'il ne défend pas d'abord leur terre. D'un point de vue quantitatif, cette terre est menacée : chaque année, 25 000 hectares sont enfouis sous le béton. D'un point de vue qualitatif, l'artificialisation concerne dans une proportion de 45 % des terres à fort potentiel agricole ; les tristes exemples des terres de Gonesse et du plateau de Saclay sont révélateurs.
Plus largement, artificialiser, c'est altérer durablement les fonctions écologiques d'un sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que son potentiel agronomique, par son occupation ou par son usage. En empêchant l'eau de s'infiltrer dans les nappes phréatiques, en accélérant l'érosion des sols, en contribuant activement au déclin de la biodiversité, l'artificialisation prive les agriculteurs de ressources en eau, dégrade les sols et amoindrit leur résilience face aux ravageurs et aux pathogènes. Au quotidien, elle conduit à la fragmentation des terres agricoles par l'habitat ou par les infrastructures de transport et multiplie les zones de contact entre l'agriculture et les territoires artificialisés, ce qui provoque gênes et nuisances réciproques et peut perturber l'activité agricole.
Enfin, c'est parce qu'ils sont mal rémunérés que les paysans sont incités à céder leurs terres. Il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire, pas plus que de politiques favorables à l'agriculture, sans une lutte contre l'artificialisation des sols. Pourtant, l'idée paradoxale que le développement rural ne pourrait passer que par la destruction des terres agricoles reste présente. Il convient de la déconstruire. Il n'y a aucune corrélation, aucun lien de cause à effet entre l'artificialisation et le dynamisme économique ou démographique. C'est logique : ce que recherchent nos concitoyens, c'est la proximité de leur famille, d'un travail ou de services publics, éventuellement de l'aménité, ce n'est pas la présence de lotissements pavillonnaires ou de plateformes Amazon. C'est en remettant les services publics dans les bourgs, en revitalisant les petites lignes, en développant les emplois locaux dans l'artisanat ou dans la production alimentaire que nous garantirons un développement rural sain.
Nous défendrons prioritairement la suppression des dispositions qui marquent un fort recul des ambitions de la loi « Climat et résilience ». Nous proposerons de les rehausser, par exemple en matière de renaturation. Nous défendrons l'idée d'une véritable planification de l'artificialisation, afin de garantir aux élus locaux la possibilité de construire ensemble des projets sobres et utiles pour leur territoire.