La lutte contre l'artificialisation des terres regroupe toutes les grandes luttes environnementales et climatiques. Une terre non artificialisée stocke du carbone, permet au cycle de l'eau de s'accomplir de manière normale, préserve la biodiversité, constitue un îlot de fraîcheur là où son artificialisation provoque un îlot de chaleur… Lutter contre l'étalement urbain et les centres commerciaux qui s'allongent aux portes de nos villes permet, en outre, de préserver et notre souveraineté agricole et la beauté de nos paysages et de nos forêts.
Nous avons plus artificialisé en cinquante ans qu'en cinq cents ans. Il y a quelques siècles, on faisait grossir le bourg en construisant une maison contre le mur de la précédente, tant pour limiter l'impact en matériaux que pour préserver les espaces permettant de se nourrir. Il faut revenir à une forme de bon sens. Cela ne signifie pas qu'il faut arrêter de construire mais que nous devons retrouver un rythme d'artificialisation compatible avec nos ressources.
Si l'on divise par deux le rythme de ces dix dernières années, cela laisse encore la possibilité d'artificialiser 125 000 hectares, sans compter les friches existantes qui représentent 170 000 hectares – et c'est une estimation basse. Le principe de l'intensification de la lutte contre l'étalement urbain a été adopté dans la loi « Climat et résilience », mais le mode d'emploi doit encore être précisé. Des inquiétudes se sont manifestées depuis le vote de ce texte, les plus petites communes redoutant d'être la variable d'ajustement du renforcement des métropoles, dans lequel les territoires les plus grands pourraient construire le plus.
Par ailleurs, nous avons besoin d'espaces pour rapatrier les activités qui ont été délocalisées. À quoi servirait, en effet, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre chez nous si nous importons des produits fabriqués à l'autre bout du monde, dans des usines utilisant le charbon, et nécessitant du kérosène pour leur transport ? La transition écologique passe par la réindustrialisation de notre pays.
Le Gouvernement, sans rien lâcher de ses ambitions écologiques, souhaite que ce texte soit applicable début juillet, avant l'interruption des travaux au Sénat, mi-juillet, en raison des élections sénatoriales. Adoptée à une écrasante majorité par les sénateurs, cette proposition de loi transpartisane répond aux inquiétudes et aux attentes de l'AMF et de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Ainsi, elle ne conteste pas la nécessité de lutter contre l'étalement urbain – cela a d'ailleurs déjà commencé puisque nous sommes passés de 60 000 hectares urbanisés dans les années 1980 à 40 000 dans les années 1990, 30 000 au début des années 2000 et 20 000 en moyenne ces dix dernières années.
Il nous faut trouver le chemin de crête permettant d'aboutir dans un temps législatif contraint. Nous vous proposons donc une méthode qui a recueilli l'assentiment tant de l'AMF que du Sénat, consistant à traiter la moitié du texte par voie réglementaire et l'autre moitié par voie législative. Dans un souci de transparence, nous avons publié hier matin le texte des projets de décret : vous pourrez ainsi vérifier que les articles de la proposition de loi dont nous demandons la suppression y figurent bien. Si nous ne procédions pas de la sorte, nous ne serions pas en mesure de terminer l'examen au Parlement en juillet et la loi ne serait pas applicable avant la fin de l'année.