En adoptant la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », le Parlement a fait preuve de courage et d'ambition pour préserver nos espaces naturels agricoles et forestiers en luttant contre l'artificialisation des sols.
Pouvait-il faire autrement ? La France est de loin le plus mauvais élève en matière de sobriété foncière en Europe, avec pas moins de 3,5 millions d'hectares urbanisés, dont une part significative ces cinquante dernières années, et une surface artificialisée moyenne de plus de 450 mètres carrés par habitant. Nous sommes très loin devant nos voisins européens : c'est 15 % de plus qu'en Allemagne, qui est bien plus peuplée que la France, et 57 % de plus qu'au Royaume-Uni, dont la population est semblable. Il devenait donc urgent d'agir.
L'artificialisation des sols n'est pas sans conséquence pour notre environnement. Nos sols sont les garants de la préservation de la biodiversité, du respect du cycle de l'eau, de notre souveraineté alimentaire ou du stockage du CO2. L'artificialisation à outrance fragilise tout cet écosystème. En fixant le cap d'une division par deux du rythme de l'artificialisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, jusqu'à zéro artificialisation nette en 2050, la loi « Climat et résilience » est à la hauteur de l'enjeu. Restait donc à décliner ces objectifs au sein des territoires, dans leurs différents documents d'urbanisme : schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), plan local d'urbanisme (PLU), plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), schéma de cohérence territoriale (SCoT) et carte communale.
Diverses préoccupations ont été exprimées, à juste titre : la crainte de ne plus pouvoir se développer pour répondre aux besoins en matière de logement, de développement économique ou de déploiement des services publics ; la crainte que les communes rurales soient les grandes oubliées et ne puissent plus rien construire ; un mécanisme qui sanctionnerait les bons élèves ayant peu consommé de foncier ces dernières années, en comparaison de ceux qui ont beaucoup consommé et qui auraient un droit à construire supérieur ; des complexités, des coûts, des besoins d'ingénierie auxquels ont du mal à faire face les communes les plus rurales.
Ces inquiétudes ont été entendues. Je tiens à saluer la décision de M. le ministre Christophe Béchu de suspendre les décrets d'application de la loi « Climat et résilience ». Sa présence aujourd'hui en commission est l'illustration de la mobilisation totale dont il fait preuve sur ce sujet depuis maintenant plusieurs mois. La suspension des décrets a permis d'ouvrir une période de réflexion et de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés : associations d'élus, associations environnementales, agriculteurs, promoteurs, acteurs du logement et du monde économique et, plus globalement, tous ceux qui sont directement affectés par ces objectifs ambitieux.
Si le jargon que nous allons utiliser peut paraître technique, il n'en est pas moins fondamental pour dessiner les contours de l'aménagement de la France de demain. À nous maintenant de mettre à profit le temps qui nous est accordé pour aboutir à un meilleur accompagnement des élus locaux, sans pour autant renier nos ambitions environnementales.
Je veux partager avec vous les grandes orientations de cette proposition de loi. Tout d'abord, il me semble primordial que les engagements environnementaux que nous avons pris dans la loi « Climat et résilience » soient tenus, car ils traduisent de grandes ambitions. Il est de notre responsabilité collective de les tenir pour relever le grand défi de la transition environnementale. Je serai donc défavorable à tous les amendements qui les remettraient en cause.
Ensuite, il convient de s'assurer que cela n'entrave pas l'accomplissement d'autres politiques publiques non moins ambitieuses telles que la construction de logements, la réindustrialisation, la transition énergétique ou encore la réalisation des grandes infrastructures de demain. Enfin, ce texte doit être l'occasion de renforcer l'accompagnement des élus locaux et les outils à leur disposition pour décliner ces objectifs et les territorialiser au mieux. C'est la raison d'être première de ce texte, avec le soutien à l'accompagnement de l'État, en leur faisant confiance, toujours, mais jamais en faisant à leur place ni en reniant leurs libertés et leurs compétences en matière d'aménagement territorial.
Telles sont donc les trois grandes orientations qui m'ont guidé dans l'appréhension de ce texte. Il me semble important d'appeler votre attention sur les grands mécanismes qui vous seront proposés pour y parvenir. L'article 4 a pour objet de définir et de mutualiser à l'échelle du pays les projets d'envergure nationale ou européenne, l'objectif étant de garantir leur réalisation, sans pour autant renier le droit à construire global, en particulier pour les communes qui accueilleront ces projets. Il faut en effet éviter qu'elles refusent un projet, pourtant vecteur de dynamisme local, parce que cela affecterait de manière trop importante le droit à construire qu'elles souhaitent consacrer à d'autres projets. À l'article 7, nous aurons à traiter de la question de l'équilibre territorial de l'urbanisation, avec en particulier l'idée d'une garantie rurale dont il nous faudra préciser les contours et les conditions d'éligibilité. L'article 12 a vocation à donner une boîte à outils opérationnelle aux communes pour décliner ces objectifs.
Au vu de certains amendements, je me dois de vous préciser ce que cette proposition de loi n'est pas. Le foncier non bâti disponible à la construction va mécaniquement se raréfier, entraînant des phénomènes de spéculation et de rétention qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la libération des terrains et leur constructibilité. Même si nous souhaitons tous débattre de ce sujet, le présent texte ne me semble pas être le cadre idoine pour en traiter. Le texte n'a pas non plus vocation à s'écarter de sa raison d'être, à savoir la mise en œuvre de l'objectif de moins 50 % sur la période 2021-2031. Il faudra naturellement s'interroger sur la période suivante, de 2031 à 2050, mais là encore cette question n'est pas à l'ordre du jour. Le législateur devra le faire en son temps, à l'aune des données chiffrées dont il disposera. Une clause de revoyure vous sera proposée, qui permettra, à mi-chemin de l'échéance de 2031, de faire le bilan de l'avancement de ces objectifs.
Sauvegarde de nos objectifs environnementaux, meilleur accompagnement des élus locaux et prise en compte des défis économiques et sociaux qui se posent à nous, tels sont les trois piliers de ce texte. J'espère que nos débats seront riches et qu'ils nous permettront de parvenir au consensus nécessaire à la bonne déclinaison de ces objectifs.