La Compagnie nationale du Rhône est une entreprise publique exerçant des missions d'intérêt général. Ses prérogatives font d'elle l'outil parfait au service de la transition écologique. Elle est toutefois fragilisée par la commande politique et l'incapacité du Gouvernement à se montrer à la hauteur des enjeux.
« Le fleuve Rhône n'est pas inépuisable » : c'est en ces termes que l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse nous a alertés, le 3 mars dernier. Sur le bassin du Rhône, les effets du changement climatique sont bien là : la température moyenne de l'air a augmenté de 1,8 degré sur la période 1960-2020 ; les précipitations neigeuses sont plus faibles et la quantité de neige a diminué de 10 % en moyenne en raison du réchauffement de l'air ; les scientifiques prédisent la disparition du glacier source du Rhône dans le canton du Valais en 2100 ; les débits d'étiage ont diminué – moins 7 % à la sortie du Léman et moins 13 % en Camargue ces soixante dernières années – et devraient continuer de baisser.
Pourtant, le Gouvernement s'entête dans le modèle de production nucléaire. L'été dernier, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a accordé des dérogations à la pelle afin d'autoriser le rejet dans le fleuve d'une eau à une température plus élevée que la normale. Nous avions dénoncé ces choix bafouant la réglementation sur les rejets d'eau servant à refroidir les réacteurs. Pour la centrale du Bugey, par exemple, le réchauffement constaté a été de 3 degrés en moyenne en aval et en amont.
Enfin, le plan « 5Rhône » pour la période 2022-2027 poursuit l'objectif de soutenir un changement dans les pratiques agroécologiques. Les agriculteurs sont prêts à le faire – ils en ont l'expérience et la compétence – mais qu'en est-il des industriels qui polluent leurs cultures et détruisent les productions ? Qu'en est-il de l'impunité des entreprises qui déversent dans le Rhône des polluants éternels en grande quantité ? Qu'en est-il de l'usine Arkema, contre laquelle trente-sept riverains et dix associations ont porté plainte pour empoisonnement ? Cette entreprise rejette en effet 3,5 tonnes de polluants par an dans la nature.