Comme l'a rappelé le président, nous sommes réunis pour nous prononcer sur le renouvellement de Mme Laurence Borie-Bancel à la présidence du directoire de la Compagnie nationale du Rhône, pour un mandat de cinq ans.
La Compagnie nationale du Rhône, concession hydroélectrique de premier plan qui produit 25 % de l'hydroélectricité française, est aussi un modèle unique de gestion intégrée d'un fleuve, qui fait ses preuves depuis plus d'un siècle.
Comme le dispose la loi fondatrice de la concession de 1921, CNR a une triple mission : elle gère l'hydroélectricité sur le Rhône, la navigation et les usages agricoles de l'eau. À côté de ces trois missions historiques, CNR développe aussi plus largement la production d'énergies renouvelables au travers de filiales consacrées à l'éolien et au photovoltaïque.
Un autre point d'importance est la structure de l'actionnariat de la compagnie : il est majoritairement public et intègre les collectivités territoriales. Ainsi, CNR est détenue à plus de 50 % par la Caisse des dépôts et par les collectivités, et à un peu moins de 50 % par Engie. Protection supplémentaire, depuis le vote de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite Murcef, en 2001, le caractère majoritairement public de l'actionnariat est gravé dans le marbre de la loi, ce à quoi je suis particulièrement attachée.
Depuis la dernière audition de Mme Borie-Bancel par notre commission, la compagnie a connu plusieurs événements majeurs. En premier lieu, le Parlement a autorisé en février 2022 la prolongation de la concession du fleuve jusqu'en 2041, alors qu'elle devait échoir à la fin de 2023. Le fait qu'elle ait été votée à l'unanimité montre à quel point nous sommes tous attachés à préserver le modèle hydroélectrique français d'une éventuelle ouverture à la concurrence. J'en profite pour rappeler que ce sujet est toujours d'actualité et qu'il est urgent que l'État français règle la situation avec la Commission européenne.
En second lieu, la crise énergétique survenue en 2022 a aussi frappé l'entreprise, d'autant qu'elle a subi les effets d'une sécheresse importante sur le Rhône à l'été.
De nouveaux défis attendent aujourd'hui la Compagnie nationale du Rhône. La prolongation de la concession a été conditionnée à la mise en œuvre d'un programme de travaux supplémentaires. Au cœur de ce programme figure la réalisation éventuelle de Rhônergia, un nouvel ouvrage hydroélectrique situé dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas. Des études préparatoires ont été réalisées ; la concertation commencera à la fin de l'année – nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite de l'audition. Je note aussi que le programme de travaux supplémentaires inclut l'augmentation de la production du barrage de Montélimar. Vous le savez, je suis très attachée à l'augmentation des capacités de puissance. Je souhaite que le projet puisse être mené à bien dans les meilleurs délais et que l'on étudie les possibilités d'augmentation de puissance sur les autres ouvrages hydroélectriques de CNR, tout le long du Rhône. Le ministère étudie un certain nombre de projets d'augmentation de puissance concernant d'autres opérateurs, ce qui débouchera sur un nouveau productible très appréciable.
Le programme de travaux supplémentaires est complété par des plans d'investissement quinquennaux, baptisés plans « 5Rhône ». Ils sont construits autour de cinq volets et permettent à CNR soit de réaliser des projets elle-même, soit de financer des projets élaborés par les acteurs locaux.
La prolongation de la concession a aussi été l'occasion de revoir le mode de calcul de la redevance liée au chiffre d'affaires de CNR que l'entreprise doit verser à l'État. On est passé d'un taux fixe de 24 % à un taux progressif, en fonction du chiffre d'affaires réalisé. Le cahier des charges de la concession prévoit aussi, conformément à une recommandation formulée par la Cour des comptes, deux clauses de rendez-vous, en 2028 et en 2034, qui permettront de réajuster l'équilibre économique du contrat si celui-ci se révélait trop favorable au concessionnaire.
Enfin, un nouveau défi essentiel pour CNR sera la gestion de la ressource en eau et de son partage entre tous les acteurs, sa disponibilité étant rendue plus irrégulière du fait du réchauffement climatique. En particulier, en matière de production électrique, il sera impératif de concilier pilotabilité des barrages et nécessité de refroidissement des centrales nucléaires, alors même que deux nouveaux EPR – réacteurs pressurisés européens – doivent être construits soit sur le site du Bugey, soit sur celui de Tricastin, et que le nouveau projet de barrage Rhônergia se situerait en aval de la centrale du Bugey.
En conclusion, je donnerai un avis favorable à votre nomination. Je vous poserai quelques questions complémentaires après votre intervention.