Monsieur Villiers, je me permets de vous rappeler que c'est désormais M. Moscovici qui préside la Cour des comptes. J'invite tous ceux qui ont évoqué ce sujet à ne pas s'en tenir à certaines recommandations de la Cour et à lire le détail de ce qu'elle écrit, par exemple sur la mise en adéquation de l'offre et de la demande, sur l'intérêt des élevages mixtes ou sur l'apport de l'agriculture dans le cycle azoté et de décarbonation.
Cela étant, je partage les points de vue qui ont été exprimés : on ne peut pas engager une transition en fixant pour seule perspective la disparition. Nous avons besoin de l'élevage en France pour assurer notre souveraineté alimentaire, effectuer le cycle du carbone, maintenir nos prairies et le réseau de haies, lutter contre les incendies… C'est un postulat qu'il faut affirmer très clairement pour répondre aux inquiétudes de nos éleveurs. Comment peut-on rendre le métier plus attractif lorsque des gens affirment à longueur de journée qu'il n'est pas utile, au-delà de la dimension alimentaire ? C'est dans cette direction qu'il nous faut travailler. Des évolutions sont également nécessaires. On connaît une baisse du cheptel, qui est parfois liée à une forme de bashing mais, dans le secteur du lait, cette diminution est en partie liée à la rémunération et à la hausse de la productivité. Il faut prendre en compte une combinaison de facteurs.
Monsieur Chassaigne, 80 % des agriculteurs sont éligibles aux écorégimes. Nous avons fait le choix d'inclure le plus grand nombre plutôt que de distinguer entre ceux qui ne seraient pas sensibles aux questions environnementales ou que l'on n'inviterait pas à s'engager davantage, et les autres. On ne peut pas modifier substantiellement le PSN chaque année ; on peut procéder à des ajustements en cours de route et dresser un bilan à mi-parcours. Nous n'en sommes, rappelons-le, qu'à la première année d'application de la nouvelle PAC. Il faut, dans un premier temps, que les agriculteurs s'approprient les règles. Je ne peux pas dire à ceux d'entre eux qui ont commencé à changer leurs pratiques que les règles vont encore changer. Cela étant, il nous faut réfléchir au contenu de la prochaine PAC, aux modifications à apporter à mi-parcours et, d'ici là, aux ajustements à opérer.
Monsieur Travert, le vote concernant le nutriscore ne nous a pas été favorable. Il faudra soulever à nouveau la question du classement. On aurait intérêt à avoir un étiquetage commun. À l'heure actuelle, on a sept pays d'un côté, trois ou quatre de l'autre, auxquels s'ajoutent ceux qui ne font rien. Cela nuit à la lisibilité des informations pour le consommateur.
Monsieur Alexandre, je rappelle que l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur n'a pas été ratifié : autrement dit, il n'existe pas. La France a une position claire à ce sujet : le Président de la République a réaffirmé que l'accord ne répond pas à nos attentes. Cela renvoie à la question des mesures miroirs, que nous appliquons dans tous les cas où elles se révèlent nécessaires, par exemple pour les antibiotiques.
Tous les élevages seront concernés par la vaccination contre l'influenza aviaire, qui sera obligatoire, car c'est un sujet d'intérêt public. Nous sommes en train de voir quels conditionnements sont adaptés aux petits élevages. L'État est au rendez-vous, qui a engagé 1 milliard d'euros – ce qui était bien normal – pour indemniser une filière qui réalise 6 milliards de chiffre d'affaires. Nous sommes en train de déployer le plan vaccinal, qui représente une charge très lourde. Je tiens à saluer la mobilisation des services de l'État, en particulier du ministère, tant à l'échelle déconcentrée que nationale.
Je mesure l'impatience des éleveurs. J'avais annoncé le lancement de la vaccination à l'automne, et nous allons nous y tenir, puisqu'elle doit commencer en octobre. Si nous pouvions démarrer avant, nous le ferions, naturellement, mais le déploiement d'un plan vaccinal exige des moyens logistiques, des vétérinaires, une traçabilité… On peut, je crois, se féliciter du fait que l'on arrive au bout du chemin que l'on avait tracé.
Nous avons passé les précommandes et discutons à présent du financement avec les filières. L'État prendra sa part au début, mais il me semblerait normal qu'ensuite, les filières prennent en charge la vaccination. Le soutien de l'État ne peut pas être permanent. L'essentiel est de sortir de la grippe aviaire.
Monsieur Bolo, toutes les indemnisations n'ont pas encore été versées. Je vais m'assurer que l'argent public atteindra bien sa destination finale et qu'il servira à préserver les filières amont et aval.
J'en viens à la question du loup, évoquée par plusieurs d'entre vous. Je connais bien le sujet pour être, sans doute, le ministre de l'agriculture qui s'est le plus rendu sur des lieux de prédation. Madame Pochon, la pression que subissent certains territoires rend le statu quo quasiment impossible. Le temps est venu de prendre des décisions. Le statut du loup résulte principalement de la convention de Berne, de la directive Habitat et du guide interprétatif afférent. Sur le fondement de l'expertise scientifique, on avait fixé le seuil de viabilité de l'espèce à 500 individus. D'autres disent, à présent, qu'il faut prêter attention au mélange génétique. La question est de savoir à quel moment on pourra dire que la viabilité est assurée, non seulement à l'échelle française mais aussi à celle du massif alpin. Nous allons interroger les scientifiques et la Commission, car cette question est d'abord de son ressort.
Il faut offrir une perspective aux éleveurs, qui connaissent une profonde détresse. On ne peut pas leur dire qu'il faut restaurer notre souveraineté en matière d'élevage – de moutons, en l'occurrence – tout en laissant le pastoralisme disparaître. Je ne me résoudrai pas à cela. C'est une question centrale pour les zones d'élevage, en montagne en particulier, mais aussi dans d'autres territoires où le loup progresse, comme en Bourgogne ou en Franche-Comté. Nous devons nous entendre sur un nouveau statut. En certains endroits, il faut reconnaître qu'on ne peut pas protéger les troupeaux. Il nous faut également simplifier l'indemnisation et assurer une meilleure prise en charge des éleveurs. Nous portons tous, collectivement, la responsabilité de la situation actuelle devant l'opinion. Nous ne devons pas nous défausser. Il faut mettre sur la table les sujets que j'ai évoqués.
Madame Battistel, je me félicite que la PAC 2023 commence mieux que la PAC 2015 car, à l'époque, les dysfonctionnements informatiques avaient empêché les agriculteurs d'établir leurs déclarations pendant un an et demi. La défaillance que vous avez évoquée a été signalée et, à présent, le système fonctionne. Vous le savez, le lancement d'une nouvelle PAC est toujours complexe. Par ailleurs, je ne pense pas que la moitié de la PAC ait été absorbée par l'inflation. Enfin, j'ai bien noté la nécessité d'intégrer le remplacement des bergers dans le coût de la prédation.
Monsieur Lopez-Liguori, l'État a engagé 1 milliard en faveur des viticulteurs pour remédier aux conséquences du gel, en 2021, et se mobilise actuellement pour faire face à la crise dans le Bordelais. Ne nous dites pas que nous ne faisons pas ce qu'il faut pour la filière. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faut faire attention aux messages que l'on envoie. Cela dit, le principal sujet de la viticulture française est l'export. La consommation intérieure ne pourra, à elle seule, soutenir le Bordelais.
Monsieur de Fournas, il nous faut en effet mener une diplomatie agricole qui valorise nos produits, comme je m'y emploie systématiquement lors de mes déplacements. Il faut évidemment maintenir la vocation exportatrice de notre pays.
Monsieur William, l'interdiction de certaines molécules doit faire l'objet de mesures miroirs pour éviter l'importation de produits indésirables.
Madame Petel, je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui, on pourrait bâtir un barrage tel que celui de Serre-Ponçon. Pourtant, chacun peut se féliciter de son existence, car il a permis de résoudre un certain nombre de problèmes. Cela doit nous faire réfléchir aux postures dogmatiques que l'on adopte parfois. L'agrivoltaïsme peut servir à autre chose qu'à produire de l'énergie. Le système d'ombrelles peut protéger de la canicule ou de la grêle, par exemple.
Monsieur Nury, vous m'avez interrogé sur la tuberculose bovine. Nous essayons de traiter la question de sa propagation par la faune sauvage, notamment les blaireaux et les sangliers. Les chasseurs doivent prendre une part de responsabilité pour nous permettre de faire porter la pression là où c'est nécessaire et éviter une inquiétante augmentation du cheptel. Par ailleurs, nous menons plusieurs expérimentations, dont la vaccination du blaireau. S'agissant de l'intervention des collectivités locales, régions et départements peuvent intervenir dans la limite de leur plafond de dette, qui va de 65 % à 80 % selon la nature des investissements. Mes équipes se tiennent à votre disposition pour étudier des pistes d'amélioration.
Monsieur Martineau, l'étiquetage nous ennuie parfois, mais nous protège souvent. Je comprends la logique qui est la vôtre, mais je suis très content que, sur l'étiquetage de volaille par exemple, la position française l'ait emporté, ce qui empêche d'indiquer « plein air » si les volailles n'ont pas été élevées en plein air. Je suis content que nous ayons remporté cette bataille. Nos partenaires allemands ne s'inscrivaient pas dans la même logique.
Par ailleurs – je parle sous le contrôle de ceux qui ont travaillé avec nous sur la loi Egalim –, nous avons parfois adopté des dispositions législatives en faisant du grand déclaratif et en prévoyant un étiquetage tout en sachant qu'elles ne passeraient pas la rampe européenne. Cette voie n'est pas la bonne. Mieux vaut faire en sorte que, à l'intérieur du marché européen, les règles soient les mêmes partout.
Mme Pochon a relié la question du loup à la mondialisation. Nous pouvons au moins être d'accord sur le fait que celle-ci est peut-être comptable de tout, mais pas de la présence du loup.
Monsieur Rolland, nous avons essayé, s'agissant de la brucellose, de faire ce qu'il fallait sous la contrainte de décisions ayant fait l'objet de recours contentieux. Nous avons fait ce que nous devions faire dans le cadre du droit en vigueur. Nous avons revalorisé une partie des indemnisations. Sans préjudice des concertations que nous mènerons avec les élus, il me semble que la seule solution est l'éradication, qui est réalisable. Nous assouplissons certaines mesures. Nous accélérons les tests, pour ne pas laisser trop longtemps des élevages en attente d'une autorisation de commercialisation. Je sais que vous et plusieurs de vos collègues êtes mobilisés. S'agissant de filières d'excellence en grande difficulté, il faut faire partout de la prophylaxie.
M. Pilato a évoqué les récentes observations de la Cour des comptes sur l'eau. Notre responsabilité est de déterminer une trajectoire de réduction des produits phytosanitaires, qui fera l'objet d'une discussion au sein de la commission d'enquête parlementaire sur l'impact des produits phytosanitaires. Dire « il faut faire » est une chose, essayer de trouver des solutions alternatives en est une autre. Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui disent qu'il faut réduire l'impact des produits phytosanitaires mais, si nous ne proposons pas aux agriculteurs des solutions alternatives, nous les plaçons dans une impasse.
M. de Lépinau a abordé la question du partage de l'eau, qui sera traitée dans la loi d'orientation. C'est un sujet de souveraineté, mais dire au-dessus ou en dessous de quoi placer l'eau est une vraie question. L'eau agricole n'est pas la même selon qu'il s'agit d'abreuver un troupeau ou d'en faire je ne sais quel autre usage. Il faut définir une hiérarchie, dans le cadre d'un débat qui n'est pas binaire. L'agriculture a besoin d'eau ; elle fait partie de ses destinations d'usage. Nous faisons en sorte de le garantir, comme le montrent les récents arrêtés préfectoraux pris dans les Pyrénées-Orientales.
À ce propos, Mme Sabatini, élue de ce département, m'a interrogé sur l'indemnité de solidarité nationale. Je confirme, pour que les choses soient claires devant vous, qu'elle sera versée indépendamment des restrictions d'irrigation. La situation des Pyrénées-Orientales est dramatique. J'ai récemment dit aux assureurs que nous devons mener une réflexion pour anticiper des épisodes semblables ailleurs, sous peine de déstabiliser complètement notre régime assurantiel. Je n'ai pas de réponses toutes faites.
Nous devons proposer – et j'ai conscience que c'est difficile –, dans les territoires qui seront soumis à l'hypercontrainte du dérèglement climatique, un modèle reposant sur un faible accès à l'eau et offrant une résilience élevée. Je me suis rendu à Fitou, dans l'Aude, après avoir été dans les Pyrénées-Orientales : quand vous recevez 90 millimètres d'eau en treize mois, vous avez un problème. Certains disent qu'il faut changer de modèle, mais quel est le modèle alternatif dès lors que la vigne est l'une des plantations les plus résilientes ? Nous devons travailler, avec les agriculteurs, à l'élaboration d'un nouveau modèle, ce qui sera plus difficile dans certains territoires que dans d'autres.
Monsieur Naillet, vous m'avez posé deux questions sur les filières ultramarines. Nous tâcherons d'y répondre dans le cadre du prochain comité interministériel des outre-mer, qui se réunira la semaine prochaine.
Il faut aussi travailler sur l'introduction de clauses miroirs pour appliquer aux produits importés les normes européennes en matière de produits phytosanitaires. Il est curieux que nous autorisions l'importation de produits fabriqués avec des substances que nous interdisons en Europe. Il faut travailler sur cette distorsion de concurrence.
Nous devons aussi travailler avec les élus ultramarins sur le plan de souveraineté fruits et légumes, qui vise notamment à assurer l'autonomie alimentaire de leurs territoires, où le covid a révélé des problèmes en la matière et où l'inflation est plus prégnante qu'ailleurs.
S'agissant de la sécheresse dans les Pyrénées-Atlantiques, monsieur Echaniz, regardons le verre à moitié plein : ce département n'avait pas subi de pertes éligibles au régime des calamités agricoles depuis très longtemps. Le seuil d'accès à ce régime a été abaissé à compter de cette année. Par ailleurs, il exige de remplir certains critères.
Alerté par les parlementaires du département et le président du conseil départemental, j'ai demandé un réexamen des dossiers. Toutefois, je ne peux pas déroger aux règles applicables à tout département. Si je modifie les critères pour un département, je les modifie pour tous, conformément au principe d'égalité, auquel chacun ici est attaché. À ce jeu-là, l'argent part vite. Je réexamine les dossiers avec bienveillance, dans le cadre des règles en vigueur, notamment si leur application est incompréhensible pour les agriculteurs. Certains dossiers ont échappé à notre vigilance lors d'un premier balayage ; nous sommes très attentifs à ce problème.
Monsieur Martinet, je ne peux pas ne pas vous dire qu'on ne gagne jamais à détourner la vérité. Je sais que vous êtes prompt à le faire. Mes propos, que vous avez cités, étaient une réponse à une journaliste et à un journaliste, avec lesquels je plaisantais – mais vous pourrez les faire témoigner à votre procès stalinien. Il ne s'agissait pas d'un lobbyiste. Tout ce que je vous demande, c'est, une fois de temps en temps, de dire la vérité. Le débat public y gagnerait.