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Intervention de Aurélie Trouvé

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Trouvé :

Nous, députés, avons hélas l'impression d'être largement dépossédés de notre mission de législateurs. En effet, la mise en œuvre de la politique agricole commune en France – 8 milliards d'euros d'aides par an – ne fait l'objet d'aucun débat parlementaire. Quant au budget agricole national, il a été imposé cette année par l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution, et les propositions de loi ayant la moindre incidence budgétaire ne passent malheureusement plus l'épreuve de l'article 40 de la Constitution.

Reste le projet de loi d'orientation agricole, qui portera notamment sur l'installation et le renouvellement des générations d'agriculteurs. Allons-nous enfin pouvoir légiférer sur des sujets agricoles essentiels ? Toutes les études sont formelles : les principaux freins à l'installation des agriculteurs sont les difficultés d'accès au foncier, la crainte de ne pas percevoir de revenus agricoles stables et rémunérateurs, ainsi que la peur de ne pas avoir de débouchés suffisants.

En tant que corapporteure du groupe de suivi transpartisan relatif à la préparation de cette loi, je veux me faire l'écho d'une inquiétude exprimée par des députés qui composent cette instance : nous craignons fort que tous ces sujets ne figurent pas dans le texte. Après des mois de consultations, j'ai, pour ma part, l'impression désagréable que vous souhaiterez limiter le plus possible le débat et la délibération entre députés. Or, au-delà des positions différentes que défendent nos groupes parlementaires, nous partageons tous ici la même volonté de débattre et de déterminer, dans cette Assemblée nationale, les grandes orientations de l'agriculture et de l'alimentation pour notre pays.

Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que les travaux et les observations du groupe de suivi parlementaire soient pris en compte dans l'élaboration du projet de loi ? Pouvez-vous également nous en préciser le périmètre ? Inclura-t-il la régulation du foncier, celle des revenus, la structure et la protection des filières, ou encore le soutien à la demande en produits alimentaires locaux alors que nous sommes en pleine inflation ? Sans cela, ce projet de loi passera complètement à côté des enjeux qui mobilisent nos agriculteurs et concernent nos concitoyens.

Nous, députés, avons été élus pour représenter le peuple et fixer les orientations de notre pays sur les sujets qui déterminent son avenir. Dans le cas présent, il s'agit de mettre un terme à la destruction de l'emploi et à la disparition des exploitations agricoles, d'enrayer l'ultravolatilité des revenus agricoles, de permettre aux agriculteurs de vivre de leurs ventes et non des aides de la PAC, de réguler les prix et les marges alors que les profits des grandes industries agroalimentaires explosent, et de soutenir véritablement les agriculteurs dans leur bifurcation agroécologique – tout ce que vous ne faites pas, pour l'instant, mais je suis convaincue qu'il existe dans notre assemblée des majorités pour aller dans cette voie. Vous passerez-vous de la démocratie parlementaire, comme pour la réforme des retraites, parce que vous craignez d'être minoritaires sur certains sujets ? Aucun républicain ne pourrait l'accepter.

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