Intervention de Marc Fesneau

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 16h15
Commission des affaires économiques

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer une nouvelle fois devant vous, après une première audition en septembre 2022. Un peu plus d'un an après mon arrivée au ministère, compte tenu de l'activité de votre commission et de l'actualité générale autour des sujets agricoles, il m'importait de vous présenter les réformes engagées et d'échanger avec vous sur les différentes mesures en préparation.

Les douze derniers mois ont été marqués par l'aboutissement du plan stratégique national (PSN), à l'été 2022, et l'entrée en vigueur de la nouvelle politique agricole commune (PAC) au 1er janvier 2023. Il s'agit d'un élément structurant pour les agriculteurs de notre pays, qui comprend un certain nombre d'avancées importantes – je pense aux écorégimes, à la question des filières protéines et à d'autres sujets encore. Cette nouvelle PAC pose d'emblée le cadre européen dans lequel nous évoluons, qui constitue à mes yeux un élément de stabilité dans le contexte de bouleversements climatiques, géopolitiques et économiques que nous connaissons. Elle est aussi un facteur d'accélération des transitions que nous devons mener.

C'est également dans ce cadre européen que nous devons ancrer notre action s'agissant des accords commerciaux. Au premier semestre 2022, la présidence française du Conseil de l'Union européenne a mis à l'agenda la question de la réciprocité des normes – ce que l'on appelle parfois les « clauses miroirs » – afin de lutter contre la concurrence déloyale que subissent souvent nos producteurs. Le Président de la République a rappelé au salon de l'agriculture son opposition au projet de traité avec le Mercosur, le Marché commun du Sud, dans sa rédaction actuelle : c'est une traduction concrète de notre ambition. Cependant, j'en ai bien conscience, il faut rester modeste : le chemin est encore long et nous avons besoin de convaincre nos partenaires européens de cette nécessité.

Nous avons, en une année, finalisé ou enrichi des réformes majeures. Je veux d'abord citer la réforme de l'assurance récolte, qui se déploie conformément à nos prévisions après être entrée en vigueur le 1er janvier dernier. En outre, la loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, adoptée à l'initiative de Frédéric Descrozaille, a permis le prolongement de l'expérimentation sur le seuil de revente à perte (SRP) ainsi que bien d'autres mesures visant à conforter le revenu des agriculteurs.

Nous avons malheureusement aussi dû faire face à un certain nombre de crises qui ont encore une fois durement frappé nos agriculteurs. Je pense à la recrudescence actuelle de l'influenza aviaire et aux effets du réchauffement climatique, qu'il s'agisse de la sécheresse ou de la grêle. À chaque fois, l'État a été aux côtés de nos agriculteurs. Pour autant, l'intensification de ces phénomènes doit nous interroger – elle interroge d'ailleurs les agriculteurs – et nous pousser à y apporter des réponses plus structurelles.

L'année qui vient de s'écouler a donc été marquée par la volonté de tracer un chemin clair pour bâtir notre souveraineté alimentaire dans un contexte de changement climatique. C'est le sens de la planification souhaitée par la Première ministre. Ce chemin, nous l'avons tracé en tenant compte d'un certain nombre de sujets que je considère comme essentiels et sur lesquels j'aurai sans doute l'occasion de revenir plus longuement.

Le plan « eau » présenté fin mars par le Président de la République s'inscrit dans une logique de sobriété, tout en tenant compte de la spécificité des activités agricoles avec la notion de « sobriété à l'hectare ». Votre commission travaille sur ce sujet – vous avez cité, monsieur le président, la mission d'information assurée par les députés Perrot et Pilato.

L'agriculture biologique traverse une grave crise. J'ai récemment décidé de renforcer le plan de soutien qui lui est consacré. Cela se traduit concrètement par la mobilisation de près de 200 millions d'euros et par l'actionnement de plusieurs leviers. L'État se doit d'être exemplaire en respectant parfaitement, d'ici à la fin de l'année, les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de restauration collective dans le cadre de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim 1.

Nous avons élaboré un plan de souveraineté sur les fruits et légumes, doté de 200 millions d'euros, avec un volet recherche et un volet équipements.

Je pense aussi naturellement à la question de la forêt. Une proposition de loi particulièrement utile visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie est entrée dans la dernière phase de son examen parlementaire. J'ai également engagé une concertation relative au développement des haies.

L'un des sujets majeurs dont nous allons débattre est sans doute celui de la méthode et des moyens mis en œuvre pour continuer de réduire l'usage des produits phytosanitaires. C'est le sens du plan Écophyto 2030 annoncé par la Première ministre au salon de l'agriculture, dont nous commençons la mise en œuvre opérationnelle. Il s'agit d'un travail de planification, qui doit nous permettre d'analyser avec lucidité l'état des connaissances sur les molécules, les solutions de remplacement disponibles et celles qu'il faudrait rechercher afin d'éviter de devoir prononcer des interdictions sans solution.

Je terminerai en évoquant le pacte et le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Le Président de la République avait émis cette idée devant les jeunes agriculteurs réunis à l'occasion des Terres de Jim en septembre dernier.

Conformément au calendrier prévu, nous avons lancé une grande concertation, au niveau national comme au niveau régional, au sein de l'enseignement agricole et auprès du grand public. J'ai naturellement souhaité que les députés y soient associés. Ces concertations se sont articulées autour de trois thématiques : orientation et formation, installation et transmission, adaptation au changement climatique. L'opération touche à sa fin puisque le rapport relatif à ces concertations m'a été remis hier. J'attends d'autres rapports, notamment celui qui me sera transmis le 14 juin par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), que j'ai saisi de cette question. Le calendrier est conforme à nos prévisions : après une mise en perspective des propositions formulées aux niveaux national et territorial, nous commencerons le travail d'écriture du pacte et du projet de loi, en vue de soumettre ce dernier au Parlement à l'automne prochain.

J'insiste sur le fait qu'il y aura deux textes : un pacte et une loi. Une partie des mesures relèveront du domaine législatif, mais je me défie toujours d'essayer de résoudre par la loi des questions relatives à la réglementation ou à des politiques publiques qui ne nécessitent pas forcément de passer par un véhicule législatif. Votre commission a aussi lancé un travail transpartisan à ce sujet.

Le pacte comme le projet de loi permettront de lancer dans le débat public un certain nombre de questions qui doivent être tranchées. La question de l'élevage et de son avenir doit être posée avec force afin de redonner de la crédibilité et des perspectives aux éleveurs : nous insisterons sur sa nécessité, non seulement en tant que facteur de souveraineté alimentaire, mais également pour les services rendus à l'environnement, que certains ne voient pas toujours assez. C'est un débat que nous devrons assumer afin de favoriser la compréhension mutuelle et de redire aux éleveurs notre reconnaissance et notre fierté. Il s'agit là d'enjeux essentiels pour relever les défis posés à notre agriculture.

Je viens donc de retracer très rapidement les actions engagées au cours de cette première année du quinquennat. J'essaierai d'enrichir cette présentation au fil de nos échanges, sur ces sujets comme sur tous ceux que vous voudrez évoquer.

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