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Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Tout l'enjeu – et cela peut sembler original au regard de la méthode qui vous est proposée – est d'obtenir un dispositif clarifié, qui puisse entrer en vigueur partout sur le territoire avant la mi-juillet – date qui marquera la fin des travaux du Sénat jusqu'au début du mois d'octobre.

Le temps législatif dont nous disposons suppose qu'une partie des sujets ne soit pas évoquée dans l'hémicycle. Il vous sera donc proposé de supprimer certains articles pour les renvoyer au niveau réglementaire. Afin que l'Assemblée nationale puisse bénéficier de la même transparence que le Sénat et l'AMF, le contenu de toutes les mesures qu'il est proposé d'adopter par la voie décrétale est public : les projets de décret ont été mis en ligne ce matin, non pas à des fins de publication, mais pour que la discussion puisse également porter sur la partie réglementaire. De cette façon, si la commission mixte paritaire (CMP) est conclusive, l'ensemble du dispositif sera opérationnel.

Si nous devons agir ainsi, c'est en raison du temps dont nous disposons, mais aussi de la complexité d'une partie des sujets, liée à la définition de nomenclatures précises de beaucoup de situations. Cette méthode a reçu l'assentiment de l'AMF, ce qui, bien sûr, ne vaut absolument pas prescription pour les parlementaires. Simplement, sans remettre en cause l'objectif du ZAN, l'AMF s'était émue des décrets d'application qui rendaient sa mise en œuvre complexe. En suspendant les décrets et en proposant un nouveau dispositif de réécriture et d'assouplissement, nous tenons compte de sa position et de celle de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU), qui a été le partenaire des services du ministère pour réécrire la nomenclature sur la base d'un constat partagé avec des communes.

L'enjeu est également simple : assouplir, mais tenir une trajectoire de sobriété foncière qui devrait tous nous réunir. Si vous êtes sincèrement préoccupés par le dérèglement climatique et inquiets pour le cycle de l'eau, il est urgent d'arrêter de bétonner des espaces qui, pour le premier, créent des îlots de chaleur qui ne stockent plus le carbone, et, pour le second, empêchent les nappes phréatiques de se remplir et la terre de jouer son rôle d'éponge, accélérant les phénomènes de ruissellement. Si vous êtes attachés à la biodiversité, sachez que l'artificialisation est la première cause d'érosion et de perte de biodiversité. Et si vous êtes attachés à la souveraineté de notre pays, la disparition d'espaces agricoles permettant notre souveraineté alimentaire devrait vous préoccuper – l'espace agricole utile a reculé de 2 millions d'hectares depuis le milieu des années 1980.

On veut faire porter au ZAN une responsabilité qu'il n'a pas, ne serait-ce que parce qu'il est en vigueur depuis seulement deux ans et que sa mise en œuvre n'a pas réellement commencé. D'abord, dire que le ZAN est la fin de la maison individuelle, est faux. La moitié de l'artificialisation a été constituée au cours des dix dernières années, par des zones pavillonnaires comprenant huit logements par hectare, soit une moyenne de 1 200 mètres carrés de jardin. Si, sans autre changement, on se contentait d'une artificialisation à raison de 600 mètres carrés par jardin, la trajectoire de sobriété serait tenue – étant précisé que les 1 200 mètres carrés sont une moyenne pour un taux d'urbanisation de 52 % : en réalité, un tiers des terrains ont une surface de 2 500 mètres carrés en moyenne.

Ensuite, les 125 000 hectares dont nous disposons jusqu'en 2031 dans le cadre de la trajectoire ne sont qu'une partie du disponible ; 170 000 hectares de friches ont été recensés dans notre pays. En outre, une dent creuse dans un bourg n'est pas comptabilisée comme de l'artificialisation : l'espace est déjà artificialisé, et la construire ne consomme pas d'Enaf. On ne peut donc pas dire que le ZAN va à l'encontre d'une économie du foncier de bon sens.

Je n'entrerai pas dans tous ces détails aujourd'hui ; mon objectif est plutôt de répondre à certaines questions, d'attester de la clarté et de la transparence de la méthode selon laquelle nous avons travaillé au Sénat, avec tous les groupes. Le texte qui vous est transmis, qui ne me convient pas dans sa totalité, a été voté par tous, sauf deux : les écologistes et le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI). En raison de la position commune qu'ont prise quelque 300 sénateurs communistes, socialistes, centristes et de la droite, mon souhait est que nous puissions parvenir à une CMP conclusive, ce qui suppose de trouver des compromis.

La ligne rouge, ce sont les 125 000 hectares. Que l'on en donne davantage au milieu rural, que l'on assouplisse le texte pour éviter une tutelle des régions sur les communes, que l'on crée des souplesses sur le plan local, que l'on fournisse des outils anti-spéculatifs aux communes, c'est ce qui vous est donné à discuter, aujourd'hui en commission, la semaine prochaine en séance publique. Mais la philosophie, c'est bien de respecter la tendance de sobriété foncière, en réglant les choses aux deux bouts de la chaîne – pour les plus petites communes et pour les plus grands projets – avec des éléments de souplesse, par la concertation et la concorde, de sorte à atteindre cet objectif sans crispation.

Je ne serai pas plus long. Je veux saluer l'énorme travail fourni par Lionel Causse et Bastien Marchive, qui ont mené une concertation avec les sénateurs et beaucoup échangé avec les associations d'élus – AMF et Association des maires ruraux de France (AMRF) –, mais aussi environnementales. Ces dernières disposent du texte et du chemin qui vous sont présentés depuis une quinzaine de jours : vous aurez remarqué qu'elles ont exprimé leur vigilance sur certains points, mais qu'elles ont également compris la nécessité de faire évoluer le dispositif.

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